Accord tout benef pour le MEDEF : Les fourberies de Sapin

mardi 26 mars 2013.
 

Une des grandes difficultés de notre campagne contre l’accord "made in MEDEF", c’est d’abord évidemment la complexité du texte. Expliquer, détailler, est long et souvent ingrat. Sans oublier qu’il faut déjà commencer par apprendre soi-même car nous ne sommes pas tous des spécialistes du code du travail et de l’histoire des négociations sociales. La difficulté est aggravée par le passage du rouleau compresseur des chiens de garde médiatiques. Ils sont mobilisés sur le sujet comme pour un traité européen. Ajoutons que la présentation du contenu du texte et de sa critique ne correspond pas au « format médiatique » qui exige brièveté et sensationnel. Mais ce n’est pas la première fois que nous affrontons ce type de difficulté ainsi que le mur d’enceinte médiatico-politique de l’ordre établi. Le pire c’est le recours au mensonge dorénavant permanent des porte-parole du PS pour faire passer la pilule très amère. Il faut dire que la gêne est maximale à la base.

Dans le contexte actuel ce qui est nouveau c’est l’ampleur des bobards servis pour justifier l’adhésion au texte. Cet enfumage, spécialement intense, a souvent pour origine l’ignorance de celui qui parle ou bien le fait qu’il répète les « éléments de langage » que distribuent le PS et le MEDEF dans les salles de rédaction. On entend donc dire tout et n’importe quoi. Par exemple que l’accord va « empêcher les licenciements boursiers », qu’il va « faciliter les procédures d’embauche », qu’il « rétablit l’autorisation administrative de licenciement » et ainsi de suite. Mes lecteurs nous aideraient s’ils relevaient aussi dans leurs commentaires les phrases les plus typiques des mensonges et stupidités qu’ils entendent sur le sujet. Autant que nous puissions tous en rire et surtout repérer les nouveaux « éléments de langage » à temps. Car nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Car, bien sûr, non seulement les « journalistes » ne rectifient jamais mais souvent ce sont eux qui débitent ces sottises sans rapport avec le sujet ou ces contre-vérités.

Mais à côté des ignorants il y a aussi ceux qui savent à quoi s’en tenir. Ceux-là disent aussi un maximum de contre-vérités. Mais c’est de propos délibéré. Eux sont des menteurs. Des vrais menteurs qui cherchent volontairement à induire en erreur et à empêcher toute discussion en embrouillant le sujet. Un champion dans cette spécialité est évidemment le ministre de l’Emploi Michel Sapin. Un fourbe toujours prêt à toutes les approximations et à tous les mensonges. Lundi 4 janvier sur BFMTV, il a été particulièrement lourd. Il a nié que ce texte soit un accord "made in MEDEF" comme nous le disons. Il s’est même vanté de l’avoir transformé en « un projet de loi made in gouvernement de gauche » ! En effet, pour s’appliquer, l’accord doit devenir une loi. Le gouvernement a donc proposé un projet de loi qui reprend les éléments de l’accord. Mais l’emballage ne fait pas le produit ! Ce n’est pas parce que Michel Sapin a changé la forme du texte et y a mis un tampon "gouvernement Ayrault" que le contenu a changé. Une variante en politique du coup des lasagnes de bœuf au cheval ! Les consommateurs sont prévenus.

Commençons par le commencement. Le contenu du projet de loi reprend exactement le contenu de l’accord. C’est l’ordre du MEDEF. Et c’est donc ce qu’avait demandé François Hollande. Le président de la République souhaitait que le projet de loi retranscrive "fidèlement" l’accord. Michel Sapin a exécuté la demande du président. C’est tellement vrai que Madame Parisot et le MEDEF l’ont applaudi dans un communiqué, le 11 février : « Alors que le gouvernement a rendu public l’avant-projet de loi transmis ce jour au Conseil d’Etat, le Medef constate que l’essentiel des dispositions concernant l’emploi et le marché du travail trouvent à ce stade une traduction satisfaisante. Il était crucial que les nouvelles procédures permettant aux entreprises de s’adapter, en particulier les accords de maintien dans l’emploi et les plans de sauvegarde de l’emploi, traduisent fidèlement les objectifs de l’accord ». Le MEDEF appelle aussi « à ce que cet équilibre soit préservé tout au long de sa discussion au Parlement ». Quoi qu’en dise Michel Sapin, Parisot vend la mèche : la loi ne fera que reprendre ce que le MEDEF a obtenu ou bien voulu concéder. C’est donc bien un projet de loi "made in MEDEF" même si le gouvernement veut cacher le label.

Michel Sapin n’est pas à une manipulation près. Sur BFMTV, il a même osé dire : « C’est un accord majoritaire puisque trois syndicats sur cinq l’ont signé ». C’est là une escroquerie intellectuelle caractérisée. Pour savoir si un accord est "majoritaire" ou non, on ne compte pas le nombre de syndicats signataires. Sinon, il suffirait au patronat de créer des dizaines de syndicats maison pour l’emporter, même si ces syndicats n’ont pas d’adhérents. Michel Sapin, ministre du Travail et de l’Emploi le sait très bien. La ruse de Sapin c’est que pour l’instant, les syndicats sont jugés représentatifs sur la base d’un décret de 1960. Seuls cinq syndicats ont donc le droit de signer des accords.

Mais de nouvelles règles doivent entrer en vigueur en avril. La validité des accords dépendra alors du nombre de voix obtenus par chaque syndicat dans l’ensemble des branches lors des élections professionnelles. Ça aussi, Michel Sapin le sait. C’est son ministère qui est chargé de compiler les résultats aux élections et de publier la liste des syndicats qui seront représentatifs. Mais la CGT et le Canard enchaîné soupçonnent Michel Sapin de retarder la parution de ces chiffres. En effet, tout laisse penser que parmi les trois syndicats signataires de l’accord MEDEF, il n’y en aura plus qu’un qui sera juridiquement considéré comme "représentatif" dans les prochaines semaines : la CFDT. La CFTC ne devrait pas franchir le seuil nécessaire des 8% des voix au plan national. Quant à la CFE-CGC, elle ne pourra plus signer que les accords qui concerneront les cadres et non l’ensemble des salariés. On comprend que Michel Sapin ne veuille pas publier cette information en plein débat parlementaire sur l’accord "made in MEDEF". C’est pourtant ce que la loi exige de lui.

En attendant la publication de Michel Sapin, on ne peut se fonder que sur le résultats aux dernières élections des Prud’hommes, en 2008. Or, lors des dernières élections des Prud’hommes, les trois syndicats signataires de l’accord ont obtenu, au total, moins de 40% des voix des salariés du pays. A l’inverse, les syndicats qui rejettent l’accord ont obtenu plus de 50% des voix des salariés. Les syndicats majoritaires contestent donc l’accord. C’est donc un accord minoritaire. Donc illégitime. Une raison de plus pour les parlementaires d’en faire ce que bon leur semble et de ne pas être obligé de le voter servilement.

Les mensonges de Sapin ne s’arrêtent pas à la méthode. Ils concernent aussi le fond. Les médias les ont repris en boucle pour vanter « les droits nouveaux pour les salariés dans un accord équilibré gagnant-gagnant ». Le but de la manœuvre était de camoufler les points centraux arrachés par le MEDEF. Ces points, ce sont la mobilité forcée pour les salariés, la facilitation des licenciements et l’organisation du chantage à l’emploi à travers la poursuite des accords compétitivité-emploi de Nicolas Sarkozy. Mais nous ne sommes pas dupes. Pour bien parler du reste, il faut donc dissiper la fumée répandue par Michel Sapin. Je fais vite car j’ai déjà écrit sur le sujet. Mais je crois utile de rassembler les éléments pour répandre l’antidote.

Le premier enfumage concerne la taxation des contrats à durée déterminée. La mesure phare reprise en boucle pour assommer les récalcitrants à l’enthousiasme. En réalité, à peine 20% à 30% des CDD seront concernés par cette surtaxation. Par exemple, les CDD de plus de trois mois, les CDD de remplacement et les contrats saisonniers ne seront pas concernés par la surtaxation. Elle ne touchera pas non plus certains secteurs gros utilisateurs de CDD comme les instituts de sondages dont l’IFOP dirigé par Laurence Parisot. Surtout, l’intérim ne sera pas concerné. Pour éviter la surtaxation, les patrons n’auront donc qu’à troquer un CDD contre un contrat d’intérim. Mais la précarité ne reculera pas d’un pouce. Comme l’effet poudre aux yeux a été jugé suffisant pour tromper le chaland, il a donc été convenu de donner une « compensation » au MEDEF pour cet « avantage » concédé. Alors le MEDEF a obtenu que cette surtaxation soit « compensée » par une nouvelle exonération de cotisation sociale pour l’embauche en CDI de jeunes de moins de 26 ans. Au final, les employeurs de précaires devraient payer 110 millions d’euros de plus mais économiser 155 millions d’euros. Le patronat empochera donc 45 millions d’euros sur le dos de l’assurance-chômage. Voilà pour cette grande "avancée".

Vient ensuite "le droit à une complémentaire santé pour tous les salariés". Un refrain repris en boucle par tous ceux qui veulent souligner l’ingratitude et l’extrémisme de notre refus de « l’accord ». Là encore, il faut déconstruire l’escroquerie. D’abord, ce "droit nouveau" ne sera effectif, au mieux, qu’en 2016, après négociations de branche voire d’entreprise. Surtout, les salariés payeront 50% de cette complémentaire. Ce n’est donc au mieux qu’un demi-droit qui leur est donné. En fait, c’est moins que ça. Car le "panier de soins" remboursé sera inférieur à ce qui est remboursé au bénéficiaire de la CMU-complémentaire. Autrement dit, presque rien. Les grands gagnants de cette affaire sont les assureurs privés qui vont pouvoir proposer de juteux contrats à tous les patrons de PME.

Le dernier soi-disant "progrès" concerne la création d’un système de "droits rechargeables à l’assurance chômage". L’idée est de permettre à un chômeur qui retrouve un emploi avant la fin de sa période d’indemnisation de conserver ces droits pour l’avenir, au cas où il retomberait au chômage. En réalité, pour l’instant, ces « droits rechargeables » sont totalement théoriques. Les droits précis, les détails, précisions et modalités devront être définis dans l’année au moment de la renégociation de la convention UNEDIC entre patronat et syndicats. Dès lors, pour l’instant, il n’y a donc rien d’autre qu’un vague objectif. Mais une limitation stricte quand même été précisée noir sur blanc. Elle est de taille. Ces "droits rechargeables" devront être mis en œuvre… "sans aggraver le déficit de l’assurance chômage". Ce sont les mots précis de l’accord "made in MEDEF". Il faudra donc économiser ailleurs pour les mettre en place. Michel Sapin se garde bien de dire quels chômeurs verront leurs droits réduits pour mettre en place ces « droits rechargeables ». En tous cas l’accord ne dit rien sur les chômeurs qui, chaque mois, arrivent au bout de leurs droits à l’indemnisation. Espérer garder ces droits pour l’avenir n’est pas la préoccupation de ces dizaines de milliers de chômeurs en fin de droits. C’est tout de suite qu’il faut faire face ! Car dans le contexte d’austérité d’aujourd’hui, on ne sort pas du chômage. On y reste. Et pour longtemps.

Le roi est nu. Une fois démasqué les escroqueries sur les prétendus nouveaux droits, on voit que lorsque Michel Sapin vante « un texte équilibré », il ment une nouvelle fois. Ce texte est totalement déséquilibré au bénéfice du patronat. C’est juste un projet "made in MEDEF".


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