Le plan et le budget Hollande sont morts

dimanche 1er septembre 2013.
 

L’austérité est une vis sans fin. C’est ce qu’a écrit le Parti de Gauche dans sa résolution de Congrès, quoique d’aucun croit que nous aurions passé notre temps à y traiter de salopard les ministres qui le méritent.. C’est ce qui se vérifie chaque jour en Europe et en France. Cette semaine, notre raisonnement a encore été validé par plusieurs institutions qui font généralement plutôt référence chez les libéraux que pour nous.

La prévision de croissance du gouvernement pour 2013 est mensongère. Elle l’est depuis le premier jour. Le gouvernement lui-même le sait et l’a déjà reconnu plusieurs fois. Dans son projet présidentiel qui réjouissait les adeptes du "chiffrage", François Hollande promettait une croissance de 1,7% de la richesse du pays en 2013. Le 3 juillet 2012, Jean-Marc Ayrault avait déjà revu ce chiffre à la baisse à 1,2%. A l’automne, ce chiffre avait encore été revu à la baisse, à 0,8% de croissance. C’est ce chiffre qui figurait dans le budget voté par le Parlement pour 2013. On se souvient que dans mon débat avec Jérôme Cahuzac sur France 2 en janvier j’avais dit que ce chiffre ne serait pas atteint. Cahuzac pérorait que si. Les commentateurs sous pression d’Euro RSCG psalmodièrent que lui était compétent et moi seulement « sincère »… Depuis Pierre Moscovici a reconnu le 7 avril, qu’il ne tablait plus que sur 0,1% de croissance, s’alignant sur les prévisions de la Commission européenne. C’est-à-dire en fait une stagnation de l’économie qui n’ose pas dire son nom.

Malgré tous ces reculs successifs, cette prévision reste un mensonge. Le FMI prévoit une récession avec un recul de l’activité de 0,1% en 2013 en France. Les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques prévoient une récession de 0,2%. Quant au "baromètre BFM Business", peu suspect de sympathie pour le Front de Gauche, il prévoit lui aussi un recul de l’activité mais plus fort encore, à -0,5%.

Mais le premier coup contre le gouvernement est venu de là où il ne l’attendait sans doute pas, du Haut Conseil des Finances Publiques. Cet organe a été créé par François Hollande lui-même. La création de cette autorité de contrôle "indépendante" a été décidée pour respecter le Traité Sarkozy-Merkel, accepté sans renégociation par Hollande. Ce Haut Conseil est chargé d’émettre un avis public sur les prévisions de croissance qui accompagnent les projets budgétaires du gouvernement et sur la trajectoire budgétaire. C’est la mise en œuvre des pseudo autorités indépendantes qui sont une spécialité d’ancien régime, là où n’existent pas de souveraineté populaire.

La composition de Haut Conseil fait la part belle aux comptables et aux amis de l’oligarchie politico-financière. Il compte onze membres. Parmi eux, on compte cinq membres de la Cour des Comptes dont le président de celle-ci Didier Migaud, ancien député PS. C’est lui qui préside ce Haut Conseil. On compte aussi le directeur-général de l’INSEE, nommé par décret en Conseil des ministres et dont l’administration est sous tutelle du ministre de l’Economie et des Finances. Un autre membre est nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental. Les quatre autres membres sont nommés par le président de l’Assemblée et celui du Sénat, et par le président de la Commission des Finances de l’Assemblée et son homologue du Sénat. Au final, deux sont donc nommés par le PS, et deux par l’UMP, tous fervents partisans du traité budgétaire et de la politique d’austérité. Sur ces cinq personnalités nommées, on trouve deux anciennes dirigeantes de grandes banques privées, Marguerite Bérard-Andrieu, de la Banque Populaire – Caisse d’Epargne et Mathilde Lemoine, de HSBC. On compte aussi Philippe Dessertine, un professeur de gestion membre du think-tank ultra-libéral Le Cercle de l’entreprise. Ou encore Jean-Pisany-Ferry, ancien conseiller de Dominique Strauss-Kahn et directeur du très oui-ouiste think-tank Bruegel.

Même ces libéraux et ces comptables semblent avoir compris que l’austérité aggrave la crise et conduit à la récession ! C’est ce que dit leur avis sur le programme de stabilité du gouvernement. Eux aussi estiment qu’"un léger recul du produit intérieur brut en 2012 ne peut être exclu". En langage courant, on appelle cela un risque de récession. Le Haut conseil trouve que "le scenario pour les années 2013 et 2014 est entouré d’un certain nombre d’aléas qui, dans leur ensemble, font peser un risque à la baisse sur les prévisions". En langage courant, ça veut dire que le gouvernement est trop optimiste.

Aussi surprenant que ça puisse paraître, le Haut Conseil valide l’essentiel de notre critique contre le gouvernement. Le Haut Conseil alerte sur la consommation intérieure. Pour lui "dans un contexte où le chômage se maintient à un niveau élevé, les prévisions relatives à l’évolution des salaires paraissent optimistes". Il n’y a pas besoin d’être devin pour le comprendre : le chômage augmente et les salaires de ceux qui ont encore un emploi stagnent. Donc le pouvoir d’achat recule. Et la consommation aussi. Il suffisait de lire Les Echos du vendredi 12 avril dernier. La seule lecture du titre de l’article suffisait : "La consommation, dernier moteur de la croissance, est tombée en panne". Les Echos donnaient ensuite une série de domaine où la consommation des ménages recule, allant du bricolage à l’électronique.

Le Haut Conseil des Finances Publiques critique aussi la "politique de l’offre". C’est le cœur de ce qui reste de stratégie aux solfériniens. Elle se résume ainsi : "donnons de l’argent aux chefs d’entreprises et ils finiront bien par produire et embaucher". C’est le seul espoir de redémarrage de l’activité économique pour François Hollande. Cette stratégie repose entièrement sur le "crédit d’impôt compétitivité impôt", ces 20 milliards d’euros que Hollande a donné aux actionnaires sans aucune condition ni contrepartie. Le Haut Conseil est au moins dubitatif. Il considère que les effets sur la croissance découlant de ce dispositif coûteux "gagneraient à être davantage documentés". C’est une manière polie de dire que c’est un pari fumeux. Nous pensons qu’il échouera lamentablement : cet argent finira en opérations financières ou en dividendes pour les actionnaires.

Le Haut Conseil nous donne encore raison sur un point. Il dit que "le scenario d’une reprise de l’investissement des entreprises retenu par le gouvernement (…) reste conditionné à l’amélioration des perspectives d’activité". C’est que je répète depuis des mois et des mois. Une entreprise n’investit pas et n’embauche pas parce que M. Ayrault est allé à l’université d’été du MEDEF ou parce que M. Hollande va donner 20 milliards d’euros. Une entreprise investit et embauche quand elle a des clients et un carnet de commandes rempli ! Je n’ai pas fait l’ENA et HEC comme François Hollande mais j’ai compris ça.

La prévision du gouvernement pour l’année 2014 ne convainc pas plus que celle pour 2013. Tout le monde sait que les 1,2% de croissance promis ne seront pas atteints. Pourquoi ? Parce que le cercle vicieux que j’ai dénoncé tant de fois est en place. Les politiques d’austérité sont basées sur la réduction des dépenses publiques et des hausses d’impôts amputant le pouvoir d’achat populaire. Elles entrainent une contraction de la demande des ménages et de la commande publique. Donc une contraction de l’activité économique.

C’est ce que dit Eric Heyer, économiste à l’OFCE. Dans une interview sur le site du Nouvel Observateur, il explique les choses très clairement, chiffres à l’appui : "normalement, comme nous sortons d’une crise, nous devrions avoir une croissance de 2,6%. On perd 0,8% de PIB à cause de la situation économique de nos partenaires, 0,2% à cause du prix du pétrole, et 1,8% à cause de la politique d’austérité. Ce qui nous mène à une récession de 0,2%". Vous avez bien lu, à elle toute seule, la politique du gouvernement est responsable d’une perte de 1,8% de "croissance potentielle". Sans compter les pertes dues à "la situation économiques de nos partenaires", c’est-à-dire essentiellement à cause de la politique d’austérité appliquée partout en Europe. Bien sûr, tout cela a une forte dimension abstraite, mais le résultat est sans appel : l’austérité aggrave la crise.

Cette catastrophe économique aboutit à une catastrophe sociale. Au passage, l’OFCE note que "le taux de chômage augmenterait régulièrement pour s’établir à 11,6 % fin 2014. Seul un changement de cap dans la stratégie budgétaire européenne permettrait d’enrayer la hausse du chômage". Et cette catastrophe économique et sociale aboutit à un crash budgétaire. La contraction de l’activité réduit les recettes fiscales. La hausse du chômage augmente les dépenses sociales. Au final les déficits publics et sociaux se creusent. C’est ce que nous répétons depuis des mois. C’est ce qui est arrivé à la Grèce, à l’Espagne, au Portugal et partout où ces politiques d’austérité ont été appliquées. C’est ce qui arrive à la France.

Le gouvernement le sait. Il vient d’admettre qu’il ne tiendrait pas l’objectif de 3% de déficit en 2013. Moscovici dit que le gouvernement table désormais sur 3,7% de déficit l’an prochain. Cahuzac le savait depuis longtemps si j’en crois Le Canard Enchaîné du mercredi 10 avril. En page 2, Le Canard rapporte cette phrase qu’aurait tenue Cahuzac : "On me dit que j’ai menti sur ma situation personnelle. Cela veut dire quoi ? Qu’il y aurait des mensonges indignes et d’autres qui seraient dignes ? Quand on ment sur ordre, et pour des raisons politiques, à l’Assemblée, est-ce digne ? A ce compte-là, j’ai menti devant l’Assemblée, sur la possibilité de réaliser 3% de déficit en 2013".

Face à cette situation, le gouvernement continue de mentir. Il récuse le mot d’"austérité". Mais Pierre Moscovici annonce un nouveau plan de 20 milliards d’euros en 2014. Officiellement il s’agit de ramener le déficit public à 2,9% de la richesse du pays, juste en dessous de la barre des 3% acceptée par la Commission européenne. Parmi ces 20 milliards d’euros de nouveau plan d’austérité, 14 milliards d’euros balai_07 viendront de coupes dans les dépenses publiques. Et 6 milliards d’euros viendront de hausses d’impôts, contrairement à ce qu’avait promis François Hollande.

François Hollande avait promis que "pour 2014 en dehors de [la hausse de la TVA], il n’y aura aucune autre augmentation d’impôt" à la télévision le 28 mars dernier. Passons sur cette haute des impôts de 6 à 7 milliards d’euros que représente la hausse de la TVA. Même le reste de la promesse de Hollande est faux. Lundi15 avril sur France Inter, Pierre Moscovici a annoncé : "il y aura une augmentation des prélèvements obligatoires qui est annoncée de 0,2 à 0,3 points" soit "6 milliards d’euros".

Un ancien ministre du budget reconnaît "avoir menti" sur la situation budgétaire de la France devant l’Assemblée. Tout le monde sait que le gouvernement ment dans ses prévisions économiques et budgétaires. Le ministre de l’Economie en exercice dit le contraire de ce qu’a dit le président de la République à la télévision quinze jours avant. Tous ces mensonges et toutes ces hypocrisies cherchent à masquer le fait que la politique menée conduit le pays vers un record historique de chômage. On voit ainsi combien les institutions de la Ve République permettent de dissimuler la vérité au peuple. Or, mentir au peuple, c’est porter atteinte à sa souveraineté. Voilà encore une bonne raison de soutenir le Front de Gauche "contre la finance et l’austérité, pour la 6e République".


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message