Camarades communistes parisiens, quand vous glisserez votre bulletin dans l’urne, ne quittez pas le Front de Gauche

mercredi 16 octobre 2013.
 

C’est peu de dire que je suis en colère, et cette dernière ne restera pas muette. A mes yeux, c’est trop grave. Tout silence serait complicité. Comme ma camarade Danielle Simonnet (lire son interview dans Libération, ) notre dynamique chef de file PG aux prochaines élections municipales, je ne laisserai pas banaliser le moment. C’est de l’avenir de la gauche et de notre pays dont il s’agit. Toute erreur de notre part sera exploitée demain par l’extrême droite. Quelle est l’origine de notre colère ? Le choix de la direction parisienne du PCF de proposer à ses adhérents de faire liste commune avec le PS dès le premier tour, lors des prochaines élections municipales. Cette décision, accompagnée d’une longue interview aujourd’hui de Pierre Laurent, secrétaire national du PCF dans le Parisien, m’ont consterné et même affligé. Je ne peux le dire autrement et refuse d’employer des euphémismes. Je n’ai pas le cœur à cela. Nous traversons sans doute le moment le plus dangereux de l’histoire du Front de Gauche. Il importe donc de parler clair. Aussi, avec mes amis, comme Danielle et bien d’autres, nous ne restons pas inactifs. Il reste encore quelques jours pour convaincre, car rien de définitif n’est encore décidé. Les militants communistes de Paris voteront dans une semaine durant trois jours. En dernière analyse, c’est eux qui décideront. Tant mieux finalement. Mais, je veux qu’ils le fassent pleinement en conscience des enjeux. A travers ce billet de blog, je m’adresse encore à eux pour essayer de les convaincre. Est-ce possible ? Je veux y croire. Je les adjure fraternellement de ne pas tuer l’espoir du Front de Gauche. Je leur demande simplement de ne pas quitter le Front de Gauche comme le préconise Pierre Laurent dans son entretien du Parisien.

« Quitter le Front de Gauche », vraiment ? Certains seront peut-être étonnés de cette formule abrupte. On me dit même parfois qu’il ne faut pas parler ainsi aux communistes, que cela les irrite, que c’est maladroit, cela les braque dans l’autre direction. Bref, il faudrait se taire et attendre les bras croisés. Et ce serait là, la seule façon de convaincre un militant communiste. Je n’y crois pas. C’est pourquoi, j’assume totalement la formule que le secrétaire national du PCF propose à son parti de « quitter le Front de Gauche à Paris ». Voilà la vérité crue. Ne tournons pas autour du pot, c’est concrètement ce que propose Pierre Laurent dans la capitale, ville phare de la vie politique, jusqu’au mois de mars 2014. L’alternative est donc simple, basique. Si le PCF fait alliance dès le premier tour avec le PS à Paris, il quitte le Front de Gauche pour autre chose pendant au moins 6 mois. Car le Front de Gauche n’est pas une étiquette ni un label, que l’on colle sur n’importe quoi, comme un post-it, mais une stratégie, sérieuse et patiente, que nous avons bâti ensemble, avec maintenant 8 formations, depuis 2008. Après des années d’éparpillements, cette stratégie consiste essentiellement à regrouper et unir, depuis 5 ans, tous ceux qui à gauche refusent l’austérité et l’orientation social-libérale impulsée par le PS. Le Front de Gauche n’est donc pas un « machin » mou et flasque qui prend des formes différentes selon les circonstances. Ce n’est pas une addition de fronts qui changent de visages, un coup opposé au PS, un autre coup avec lui dès le premier tour, à chaque élection. A l’inverse, il entend être une force cohérente, compréhensible par le plus grand nombre, qui fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait. Dans le contexte actuel de grandes confusions, il importe particulièrement de ne pas avoir de discours et de stratégie électorale à géométrie variable. C’est la condition pour regrouper une force utile dans la lutte contre la droite et l’extrême droite. C’est la seule façon d’éviter que les nôtres fuient vers l’abstention, troublés par des volte-face, en ayant le sentiment que plus personne ne les représente. Bref, qui comprendrait que nous passions la semaine à dire clairement le mal que nous pensons de la politique actuelle du gouvernement PS de MM. Hollande et Ayrault, pour terminer en appelant à voter pour les candidats PS soutenus par les mêmes, le dimanche ? Ne nous y trompons pas d’ailleurs, François Hollande l’a dit dans la presse, les résultats à Paris auront pour lui valeur de test national. Aussi, si les listes PS font un bon score au premier tour, il y verra un soutien à la politique actuelle du gouvernement. Est-ce cela que nous voulons ? Est-ce cela qu’il faut aider ? A l’inverse, les listes du Front de Gauche permettront d’exprimer les attentes du peuple de Paris pour une autre politique. Elles auront une signification politique claire. Elles seront le pivot d’une majorité alternative à gauche. Cette réalité, il faut la construire concrètement sur le terrain, en mobilisant des citoyens et donc des électeurs, et non la négocier à froid avec le PS, car cela est toujours en leur faveur… Pour le PS, la seule relation qu’il connait c’est "donne moi ta montre et je te dirai l’heure".

Aujourd’hui, ne le cachons pas, dans le PS parisien, et même au plan national, à la lecture des propos du secrétaire national du PCF, beaucoup triomphent et se réjouissent. Quelle victoire pour eux ! Ils viennent de réussir enfin ce à quoi ils travaillent depuis de long mois : arracher un bout de Front de Gauche vers eux et ainsi l’affaiblir. C’est l’objectif principal de toute cette affaire. Le reste n’est que maquillage. Que personne ne se laisse abuser par tout le baratin qui accompagne la manœuvre et le soi disant nécessaire rassemblement sur des contenus, toujours derrière eux bien sûr, répété par le PS. Une preuve ? Aucun hiérarque socialiste qui s’est activé à négocier avec les responsables communistes parisiens, n’a déployé la moindre énergie pour que, à Paris, EELV de son coté ne fasse pas de liste autonome du PS au premier tour. Car il eut été logique dans leur esprit que ces deux formations qui sont ensemble au gouvernement, fassent liste commune, non ? Et pourtant, ils n’ont rien fait. Ni tribunes, ni propositions, ni interpellations…

Cette affaire n’est donc que politicienne. Voilà des mois que dans les couloirs de l’Hôtel de Ville, les dirigeants socialistes se gargarisent du fait que les communistes vont bientôt aller avec eux, sans le PG. Le premier fédéral PS à Paris a déjà déclaré dans la presse que cet accord était quasi conclu depuis avant l’été, directement entre Anne Hidalgo et Pierre Laurent en personne. Au début, je n’osais le croire… Mais, les pires choses que l’on m’a rapportées semblent s’avérer juste à présent. D’autres voix se sont aussi employées à cette besogne. Même les plus inattendues. Marie-Noëlle Lienemann par exemple, qui s’est crue obligée d’écrire aux communistes parisiens pour qu’ils fassent le choix du PS, au nom de l’ « indispensable unité », n’a par contre pas rédigé la moindre ligne pour que EELV soit avec le PS. Pourquoi cette attitude double ? Car fondamentalement, une fois de plus, le PS voulait briser le Front de Gauche. Il ne veut pas une force indépendante de gauche qui lui tienne tête. Ils rêvent de n’avoir que l’UMP et le FN face à eux.

Je demande donc à chacun de mes amis communistes d’ouvrir les yeux. La façon dont par exemple jubile l’impayable Luc « Carnouvalls », chargé des relations extérieures au PS, en se félicitant dans des communiqués d’une rare arrogance, que les communistes deviennent « raisonnables » à ses yeux (comprenez qu’enfin ils se détachent du PG et votent pour le PS) est une insulte faites aux militants du PCF 75. Ce monsieur invite même les communistes dans un tweet à mettre le PG « out » et propose une nouvelle union PS+EELV+MUP+PCF sous la bannière des solfériniens. Est-ce tolérable ? Qui lui répondra ? Après l’échec cinglant des élections partielles, qui montre, de façon répétée, que près de 80% des électeurs PS fuient les candidats liés au gouvernement, cette alliance, dès le premier tour, sans contenu rompant avec la politique du gouvernement, sous la houlette des sociaux-libéraux ne fera que le jeu du FN et de la droite. Je ne comprends pas pourquoi ce qui me semble une évidence, ne saute pas aux yeux de Pierre Laurent ? C’est pourtant un homme intelligent. Ne voit-il pas le rôle que le PS veut lui faire jouer ? Lui, qui peine souvent à avoir des reprises de presse de ses prises de position dans le Parisien, payant l’anticommunisme rustique des médias, n’est-il pas étonné de la tapageuse publicité qui est faite à sa prise de position ? Une pleine page pour annoncer son ralliement au PS, avec affichette sur tous les kiosques de Paris, alors que le même journal ne relaye jamais les positions des communistes quand ils s’opposent au gouvernement. Cela ne l’étonne pas ? La manœuvre est signée Furax ! Pourquoi y prêter la main ?

Et puis franchement, le contenu de l’accord présenté par Pierre Laurent qui devrait justifier de ficher au sol le Front de gauche, n’est pas au rendez-vous, même pour un esprit désireux de s’entendre avec les solfériniens. C’est encore un blanc sein laissé au PS. La seule promesse de faire 30 % de logements sociaux, c’est-à-dire de logements appartenants au parc immobilier de la Ville mais pas toujours réellement « sociaux », en 2030, est-elle suffisante pour quitter le Front de Gauche ? Des promesses pour dans 17 ans, c’est-à-dire dans trois mandatures suffisent-elles pour une élection qui a lieu en 2014 ? Mme Hidalgo ne sera sans doute même plus Maire (si c’est elle qui est élue en 2014) à cette date là pour vérifier si cet engagement est bien tenu. Je ne minimise pas toutefois l’intérêt de cette promesse électorale, mais les rythmes auxquelles elle serait accomplie démontre que ce n’est pas une priorité réelle et urgente pour le PS. La loi oblige déjà qu’en 2025, il y ait 25% de logements sociaux. 30 % pour 2030, c’est donc continuer au même rythme que ce que propose la loi actuelle, rythme que nous avions collectivement jugé trop timorée. Surtout concernant le logement, à Paris il faut baisser les loyers. C’est une urgence.. Certes possible par l’action de la loi,mais là-dessus le PS ne fait rien et laisse faire l’augmentation des loyers en soutenant la loi Dufflot qui valide cette montée, en se limitant à l’encadrer.

Et puis, au delà du lourd prix politique, 13 futurs élus Conseillers de Paris, promis aux communistes par le PS, est-ce que cela modifie les rapports de force actuel au sein du Conseil de Paris ? Est-ce que cela oblige le PS à écouter les propositions des ces 13 futurs élus ? Je dis que non, fondamentalement non. Le PS sera majoritaire même sans eux. Il y a actuellement 163 Conseillers de Paris, et durant la mandature 2008-2014, il y avait 65 Conseillers de Paris de droite et pour le reste, 98 élus si l’on additionne le Groupe PS (72), MRC (5), EELV (11), et le Groupe communiste et élus du Parti de Gauche (10). Il s’avère que depuis 2 ans, le petit groupe MRC a quasiment disparu et ses membres ont rejoint le Groupe PS. Ainsi donc, la seule chose que propose le PS, c’est de ne pas diminuer son propre nombre total d’élus mais de donner le nombre d’ancien d’ex élus MRC au PCF. Fondamentalement donc, cela ne lui coûte rien. Ainsi, finalement les rapports de force ne changeront pas. Le PS aura le même poids, le même nombre d’élus, exercera la même hégémonie dans l’assemblée parisienne. 72 élus PS d’un coté et 13 élus communistes, c’est un rapport de 1 à 5 ou de 1 à 6, entre les uns et les autres. Je considère donc que cela manque singulièrement d’ambition. Cela ne respecte même pas ce qui s’est exprimé dans les urnes en 2012. Les rapports de force électoraux qui se sont exprimés à Paris lors de la présidentielle, étaient beaucoup plus favorables au Front de Gauche. Pourquoi donc en rabattre ainsi ? Pourquoi accepter une telle domination des socialistes ? Pourquoi ne pas avoir confiance en nous, en allant devant les électeurs avec nos idées. Des responsables communistes parisiens avaient même dit, dans des articles de presse, il y a quelques mois, qu’ils voulaient au minimum 15 élus pour « toper » avec le PS. Il semble désormais qu’ils se contentent de 13... Tout cela est donc incompréhensible et sans ambition politique. La seule façon de bousculer tout cela. La seule façon d’obliger que les propositions du Front de Gauche soit entendue et respectées, c’est de faire des listes autonomes au premier tour.

Pour notre part, depuis le début du mois de septembre, nous avons refusé de cautionner cette logique de marchandage. Certains esprits forts veulent maintenant nous faire porter la responsabilité du moment difficile que nous traversons… Ceux qui disent cela ne manquent pas d’air. Nous l’avons dit aux responsables du PCF. Leur façon de mener la discussion entre nous était mortifère pour le Front de Gauche et les évènements récents le confirment tristement. C’est pourquoi nous avons dit publiquement que nous demandons dans quelques jours, aux militants communistes de confirmer ou non, par leur simple vote, si ils veulent continuer ou quitter le Front de Gauche. Stop ou encore. C’est « la » question fondamentale. elle est purement politique et stratégique. Plus que jamais, c’est de cela dont il s’agit. Leur vote aura des conséquences nationales. Son résultat sortira du périphérique. Il sera regarder dans toute la France. Personne ne peut croire que ce ne sera qu’une simple décision parisienne, locale, limitée, sans quoi Pierre Laurent ne se serait pas autant impliqué et avancé pour s’entendre ainsi avec Anne Hidalgo. Si c’est l’alliance avec le PS, ce sera un mauvais coup pour tous les nombreux militants communistes qui ailleurs ont fait le choix du Front de gauche lors des élections municipales, à Tarbes, à Pau, à Marseille, etc. Naïf, celui qui croit que ce qui se fait à Paris, ne concerne pas toute la France.

Ami et camarade communiste, quand tu glisseras ton bulletin dans l’urne dans quelques jours, ne perds pas la mémoire, repense au Front de Gauche et à la magnifique campagne présidentielle avec Jean-Luc Mélenchon que nous avons mené ensemble. Ne quitte pas le Front de Gauche, continuons à le construire ensemble. Sache enfin, que quoi qu’il arrive au soir de ces trois jours de votes, les militants du Parti de Gauche, avec tous ceux qui restent au Front de Gauche, et même plus largement, présenteront des listes au premier tour des élections municipales. C’est cette ambition qu’avec Danielle Simonnet, et beaucoup d’autres, nous continuons à porter à Paris.


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