Irak, Lybie... interventions armées, bêtises et mensonges

mardi 26 décembre 2017.
 

La Croix  : Pourquoi les interventions en Irak et en Libye n’ont-elles pas tenu leurs promesses  ?

Rony Brauman  : On s’est engagé dans ces conflits sans savoir exactement comment on allait les terminer. On a allumé des mèches qui allaient entraîner des explosions dans des domaines inattendus. La seule chose prévisible était qu’il y aurait de l’imprévu.

Un imprévu négatif, car nous déclenchions un cycle de violences dans une société déjà traversée par la violence. Un cycle plus grave que la situation qu’il entendait résorber. Je suis frappé par l’incapacité de presque tous les médias à faire le lien entre l’Irak et la Libye, à revenir sur les mensonges.

Lesquels  ?

R. B.  : En Libye, la nouvelle du bombardement par l’aviation de Kadhafi des manifestants de Tripoli, le 21 février 2011, était un faux diffusé par la chaîne qatarienne Al Jazzera. La colonne de blindés qui allait écraser Benghazi, c’était aussi un mensonge.

On a déclenché cette guerre sur la foi de ces mensonges. L’équilibre fragile du pouvoir entre des tribus, des villes, négocié en permanence avec le pouvoir central, a volé en éclats sous le drapeau des droits de l’homme, de la morale internationale, dans une énorme tartufferie qui me soulève le cœur. Surtout quand je vois ceux qui, comme Bernard-Henri Lévy, ont soutenu cette guerre et s’en désintéressent, en passant à autre chose avec une frivolité écœurante.

Au fond, à quels motifs ces interventions répondaient-elles  ?

R. B.  : Un mélange de bêtise idéologique et d’opportunisme mal placé. La bêtise idéologique est celle des néoconservateurs américains et celle de ses suiveurs français  : Bernard Henri Lévy, André Glucksmann, Romain Goupil, Bernard Kouchner. Ils étaient persuadés qu’ils allaient être fêtés par les peuples en renversant leurs tyrans. Une croyance qui allait restaurer la place des États-Unis et de la France dans le monde.

Face à Saddam Hussein et à Mouammar Kadhafi, fallait-il fermer les yeux  ?

R. B.  : Ce n’est pas la question. Si je prends le cas de Saddam Hussein, on oublie qu’il a été armé par nous. On lui a tapé sur les doigts parce qu’il a envahi le Koweït après lui avoir dit d’envahir l’Iran. On l’occupe, on fabrique un embargo qui appauvrit les pauvres et enrichit les riches. Et on lui déclare la guerre  !

C’est devant notre porte que l’on devrait d’abord balayer. Notre problème était moins Saddam Hussein que notre politique vis-à-vis de Saddam Hussein. C’était un dictateur. Mais qui a décidé que notre rôle est de renverser les dictateurs  ?

L’intervention française au Mali et en Centrafrique est-elle de même nature  ?

R. B.  : Non, il n’y a pas eu de mensonge pour les justifier. Il fallait, au Mali, empêcher les djihadistes de s’emparer de Bamako. Et en Centrafrique, arrêter les massacres communautaires.

En août 2013, vous étiez favorables aux frappes françaises contre Damas

R. B.  : Je pensais que l’usage d’armes chimiques ne devait pas rester impuni et qu’elle pouvait conduire Damas à la table des négociations. Aujourd’hui, je n’en suis plus si sûr. Je ne sais pas très bien que penser de ce qui est possible et souhaitable face à un conflit aussi profond.

Recueilli par LAURENT LARCHER


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