Le changement des institutions est une question majeure. Il faut aller vers une VIe République

jeudi 28 août 2014.
 

Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de Gauche répondait ce jeudi à une interview du journal L’Opinion

Quel bilan le Parti de gauche s’apprête-t-il à tirer de cette année électorale ?

Nous devons faire preuve de lucidité, sans langue de bois : force est de constater qu’après nos succès de 2012 et les 11% de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, nous avons connu cette année des échecs avec le Front de Gauche, dus à des raisons politiques assez identifiables.

A savoir l’alliance des communistes avec les socialistes dans plusieurs villes ?

C’est la plus notable. Elle a entraîné plus qu’un brouillage dans la perception de ce qu’est le Front de Gauche. Avec le niveau de l’abstention et l’extrême-droite qui arrive en tête aux Européennes, nous sommes face à une catastrophe politique. On ne peut pas, pour sauver des positions acquises, se lier à de vieilles stratégies qui ne fonctionnent plus.

Le Front de gauche est-il mort ?

En politique, c’est un mot qu’il ne faut jamais employer… Pour nous, le Front de gauche n’est pas un label. C’est une stratégie politique, proposant une indépendance claire avec le Parti socialiste. Celui-ci est l’incarnation électorale de la politique du gouvernement, qui produit des effets détestables. On ne peut pas s’allier avec ceux dont on combat la politique. Si le Front de gauche est transformé en magot électoral par certains, qui utilisent la force propulsive et la chaleur de la flamme de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon, s’empressant de la refroidir par la suite pour quelques positions marginales en négociant avec le PS, ça ne peut plus durer. A contrario, la gravité de la situation exige que l’on fasse preuve d’audace politique.

Que pouvez-vous faire pour sortir de cette spirale d’échec ?

D’abord, ne pas placer dans l’angle mort de notre analyse qu’à chaque échéance électorale, l’abstention ne cesse d’augmenter. On ne peut pas changer la société sans la mobilisation des citoyens, particulièrement dans les milieux populaires, qui sont le plus éloignés du débat civique. On dit que les ouvriers sont acquis aux idées de Marine Le Pen, mais c’est faux. Ce qui les caractérise surtout, c’est qu’ils s’abstiennent.

Comment inverser la tendance ?

Bien sûr, il faut un changement de politique économique. Mais il n’arrivera pas sans changement des institutions. Il faut aller vers une VIe République par une Assemblée Constituante. Par exemple, est-il normal que les candidats qui ont animé le débat présidentiel de 2012 ne soient même pas présents au Parlement, où le PS et l’UMP détiennent au final 80% des sièges avec seulement moins de 40% des voix des électeurs inscrits au premier tour ? Il y a un énorme problème de légitimité. Il faut faire en sorte que la démocratie ne soit pas un mot creux.

Quelle seraient vos mesures-phares ?

Face à l’abstention, pourquoi pas le vote obligatoire dès 16 ans avec prise en compte du vote blanc ? Et pour que le peuple ne soit plus tenu à distance entre chaque rendez-vous électoraux, on pourrait envisager la possibilité d’une révocation des élus à mi-mandat, par exemple si 20% des électeurs le demandent. Cela existe déjà dans certains pays notamment d’Amérique Latine.

Y compris pour le président de la République, qui arrive justement à mi-mandat ?

Bien sûr. A tous les niveaux, le système actuel donne un sentiment d’irresponsabilité. Les gens se disent que voter ne sert plus à rien. Lorsque François Hollande a été élu, il avait dit qu’il renégocierait le traité européen Sarkozy-Merkel. Il ne l’a pas fait. En revanche, il n’avait pas annoncé qu’il allongerait la durée de cotisation pour les retraites ou qu’il ferait une succession de cadeaux aux patrons. Les citoyens restent hébétés devant un tel spectacle.

On a bien compris que Jean-Luc Mélenchon ne se retirait pas de la vie politique. Va-t-il néanmoins prendre un peu de champ ?

Jean-Luc Mélenchon va continuer à jouer un rôle majeur. C’est à la fois un dirigeant mais aussi un intellectuel en politique. Il a mis à profit ses vacances studieuses pour réfléchir sur ce qui se passe en France et dans le monde. Il veut prendre de la hauteur, pour continuer d’être à la hauteur des évènements qui s’annoncent. Mais c’est vrai qu’il veut qu’émergent au Parti de Gauche d’autres visages, que la réalité collective apparaisse. Nos adversaires seront déçus, mais il ne va pas réaliser leur rêve de ne plus le voir dans le combat politique…

Propos recueillis par Béatrice Houchard de L’Opinion


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