« Le réchauffement climatique renforce la puissance des typhons »

mercredi 10 décembre 2014.
Source : Le Monde
 

Comment et pourquoi s’est formé le typhon des Philippines ? Réponse avec Fabrice Chauvin, chercheur au Centre national de recherches météorologiques et spécialiste des cyclones.

Audrey Garric – Comment se forment les typhons ?

Fabrice Chauvin : Les cyclones, qualifiés de typhons dans le Pacifique et d’ouragans dans l’Atlantique, sont des perturbations à circulation tourbillonnaire, qui prennent forme dans les océans des régions tropicales quand plusieurs conditions sont réunies. Il faut tout d’abord que la température de la surface de la mer soit élevée, c’est-à-dire en général supérieure à 26° C sur au moins 50 mètres de profondeur.

Ensuite, l’atmosphère doit être instable pour favoriser les phénomènes de convection : un courant d’air ascendant se met en place, soulevant des particules des basses couches de l’atmosphère pour les redistribuer en haute altitude, jusqu’au sommet de la troposphère (15 km d’altitude). En condensant, ces particules provoquent des pluies. Cette ascendance entraîne par ailleurs une baisse de pression en bas, vers la surface de la mer.

Les vents doivent par ailleurs être relativement homogènes de la surface de la mer jusqu’aux sommets nuageux pour permettre au cyclone de se structurer et se renforcer. Les phénomènes de cisaillement vertical des vents (différences d’intensité selon l’altitude) sont au contraire des inhibiteurs de cyclones.

Enfin, l’élément déclencheur est un phénomène de tourbillon de la masse d’air, sous l’effet, entre autres, de la force de Coriolis. Elle tourne dans le sens des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère sud et dans le sens inverse dans l’hémisphère nord.

Comment se classent-ils et quelle est leur fréquence ?

Quand les vents les plus soutenus ne dépassent pas 63 km/h (17 m/s), on parle de dépression tropicale. Elles sont numérotées, à partir de la première de l’année. Les vents étant faibles, les risques seront induits essentiellement par les pluies fortes, voire intenses.

Entre 63 et 117 km/h (33 m/s), on parle de tempête tropicale. On lui attribue un prénom. Si les pluies sont toujours à craindre, les vents commencent eux aussi à faire des dégâts, et avec eux la mer devient dangereuse. On compte en moyenne 80 systèmes de tempêtes par an, selon les variations d’El Niño et de La Niña, qui entraînent des anomalies de températures dans les océans.

Si les vents dépassent ce seuil de 117 km/h, c’est alors un typhon ou un ouragan, qui provoquent de très nombreux dégâts. Ils sont classés dans 5 catégories sur l’échelle de Saffir-Simpson, en fonction de la force de leurs vents. On en dénombre environ 45 chaque année, essentiellement dans le nord-ouest du Pacifique (17 par an), les Caraïbes ou le sud de l’océan indien. Ils se forment surtout de juillet à octobre dans l’hémisphère nord et de novembre à mars dans l’hémisphère sud.

Pourquoi la région du sud-est de l’Asie est-elle particulièrement touchée par les typhons ?

Les typhons s’y forment plus facilement car le Pacifique est le plus grand bassin océanique. Ils peuvent ainsi se renforcer plus longuement grâce à l’humidité de la zone sans rencontrer de continent qui entraînerait une décroissance de leur force. Les eaux du Pacifique sont par ailleurs plus chaudes – elles peuvent atteindre jusqu’à 30°C – plus longtemps dans l’année.

Peut-on facilement les prévoir ?

Les cyclones étant des phénomènes thermodynamiques, leurs évolutions sont précisément suivies, grâce à des modèles météorologiques et aux observations satellites. On les repère dès la formation de la dépression et on les voit se transformer en tempête ou typhon. Le seul élément difficile à prévoir est leur trajectoire. Il faut alors prévoir des cônes de trajectoires qui déterminent des probabilités.

Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique sur les cyclones ?

Il y a un consensus de la communauté scientifique pour observer une légère baisse du nombre de cyclones avec l’augmentation de la température du globe. Mais dans le même temps, on note une hausse des cyclones les plus intenses, qui s’explique notamment par l’augmentation des températures des océans et la montée du niveau des eaux. On va aller vers des phénomènes plus puissants, associés à des pluies plus intenses, d’environ 20 % supérieures.

Propos recueillis par Audrey Garric


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