Putain de semaine pour Valls : finale en falcon, Montebourg, migrants, hospitaliers...,

dimanche 14 juin 2015.
 

Pour Valls, tout devait bien se passer. Vendredi en huit, le 5 juin donc, l’horizon semblait franchement dégagé. Notre premier ministre a prévu un week-end tranquille à Poitiers au congrès du PS. On lui promet une ovation. Le congrès n’a-t-il pas été préparé aux petits oignons par un Jean-Christophe Cambadélis. élu premier secrétaire à 70 % ? 70 % derrière celui qui porte la candidature de Hollande pour 2017 et du programme social-libéral appliqué par Valls à Matignon… Un vrai rêve de Solférinien ! Et au milieu de tout ça, le fan du Barça se promet une escapade à Berlin le 6 juin au soir pour la finale de l’UEFA entre son club de cœur et la Juventus. Pratique, le Falcon pour jouer avec un emploi du temps surchargé. D’autant que le lendemain, dimanche 7 juin, il ne voudrait rater pour rien au monde la finale de Roland Garros. Dans la famille Valls on est sportifs de père en fils alors autant emmener les deux enfants amateurs de foot, il y a la place dans le Falcon. Au royaume de la 5ème République pourquoi se gêner, hein ?

Le ciel a commencé à s’assombrir dimanche. A l’origine, une tribune Montebourg / Pigasse. Cambadélis avait assuré à Valls un week-end politique tranquille du côté de la gauche socialiste assommée par son résultat et de Martine Aubry muselée dans la motion majoritaire. Seulement voilà, Montebourg n’était pas prévu dans le tableau. Il commet dans le JDD une tribune au vitriol contre le gouvernement avec le banquier qui conseille le gouvernement Grec. Mais bon, depuis sa nomination à Matignon, Valls en a vu d’autres. Au moins on parle du congrès, peut-il même se dire. Et puis ses ministres ont beau jeu le lendemain sur les médias de faire remarquer que la charge Montebourienne se termine par des propositions timides et paradoxales de baisse d’impôts. Le grain semble passer.

Mais l’horizon se bouche à nouveau. Il prend la couleur sombre des uniformes de CRS et de gendarmes mobiles. Sur ce coup-là aussi, on avait rassuré Valls : le 2 juin le campement des réfugiés de La Chapelle avait été évacué en douceur avec des promesses d’hébergement pour les plus de 400 migrants entassés là dans des conditions sanitaires terribles. Valls tenait là son « évacuation de gauche », si différente de ses sorties sur les Roms. Oui mais là aussi ça tangue. Car derrière les annonces, il y a la réalité : celle de l’état désastreux des hébergements d’urgence dans notre pays en temps d’austérité. Bilan : le nombre d’hébergements proposés ne correspond pas à celui des réfugiés de La Chapelle dont un paquet se retrouve aussitôt dans la rue. Ils sont bientôt rejoints par ceux à qui on a proposé trois nuits d’hôtel et puis plus rien. Près de 200 retournent bientôt dans ce quartier populaire de la Chapelle. Expulsés une première fois du square de St Bernard, où ils avaient trouvé un abri précaire, ils se retrouvent ce lundi sur une place devant le gymnase Pajol. Pas question de laisser s’éterniser ce regroupement. Une opération policière à 13h30 un lundi devrait permettre de vite faire disparaître ce nouveau point de fixation. Avec un peu de chance cela donnera en sus quelques images aptes à frapper l’opinion, montrant un gouvernement qui sait maintenir l’ordre.

Patatras, la police se retrouve en 30 minutes devant plusieurs dizaines de riverain-e-s, militant-e-s et élu-e-s PC, EELV et PG qui forment une chaine humaine pour protéger les migrants. L’opération se termine en fiasco : 2 h 30 de charges violentes contre des pacifistes, plusieurs blessés dans les rangs de ces derniers, des images négatives qui tournent en boucle dans les médias… Elles rappellent l’expulsion de St Bernard en 1996. Un évènement qui avait contribué à affaiblir un peu plus le gouvernement Juppé. Le gouvernement se retrouve ainsi à devoir gérer l’inévitable arrivée des migrants de Méditerranée, mais avec la pire des entrées qui soient : faute d’anticipation, il opte pour la répression, qui fait grandir la mobilisation, sans aucune autre solution. La Mairie de Paris a commencé à se désolidariser, même timidement, de Matignon et Beauvau. Depuis les événements se sont accélérés. Et toujours pas à l’avantage d’un gouvernement qui voit des actes de solidarités se manifester toujours plus nombreux autour des camps de migrants à Austerlitz ou dans le 18è. Mardi 16 juin les associations, syndicats et partis appellent à une manifestation en solidarité avec les réfugiés. Cela ne fait donc que commencer.

Le soir même de l’expulsion de Pajol, la cellule de communication de Matignon doit faire face à une autre affaire. Le foot a rattrapé Valls. Le coût du déplacement pour la finale : entre 15 et 20 000 euros. Le Premier ministre tente une feinte : il aurait été à Berlin pour parler de l’Euro 2016 avec Platini. Le Président de l’UEFA entre si mollement dans le jeu du Premier ministre que l’on comprend qu’il n’en est rien. Le carton rouge n’est pas loin. En fin de semaine, Valls doit s’excuser piteusement. Mais le mal est fait.

Moins relevés par les médias, d’autres évènements sont venus égratigner un peu plus la politique du gouvernement. Car on n’a pas seulement gazé et matraqué des migrants et leurs soutiens cette semaine, mais aussi les infirmières et personnels de l’AP-HP ce jeudi après une troisième manifestation qui marque une mobilisation grandissante contre le plan Hirsch. Pas terrible question image, d’envoyer les CRS contre les blouses blanches du personnel hospitalier. Et toutes les chances que cela renforce leur ardeur revendicative en vue de la prochaine journée d’action.

On s’arrêtera là. La morale politique de cette semaine ? On la connaît mais elle se vérifie : la situation est instable. Tout peut s’accélérer, bifurquer à la faveur d’un événement imprévu dont l’impact en ce temps de crise peut avoir un effet papillon. C’est la preuve qu’il faut être prêt à toute accélération. En ayant été fortement présent cette semaine par ses militants, le PG a confirmé qu’il est, dans la période, un outil précieux.

Mais il ne prétend évidemment pas être seul la solution, pas plus qu’aucune autre force ne peut d’ailleurs l’être. Sur le front de l’alternative, ces derniers jours ont vu aussi des choses intéressantes se passer. Plusieurs forces et responsables politiques se sont en effet prononcés pour des mouvements citoyens, ou au moins des démarches citoyennes : Cécile Duflot, Pouria Amirshahi, Liem Huang Ngoc ou encore Isabelle Attard… Il est vrai que les succès des listes Convergences Citoyennes soutenues par Podemos en Espagne, en confirment la pertinence d’une telle démarche en vue d’une transformation radicale de la société. Pour un parti qui a inscrit la nécessité d’un mouvement citoyen dans sa plateforme de Congrès, tout cela va évidemment dans le bon sens. A condition que des actes succèdent aux paroles. Car on ne peut imaginer un mouvement citoyen sans structures de base donnant réellement le pouvoir aux dits citoyens. La preuve du pudding c’est qu’on le mange. La preuve des mouvements citoyens, c’est qu’on fait des assemblées représentatives. Sinon c’est de la communication politique. D’où notre proposition concrète d’assemblées représentatives pour les listes de rassemblement citoyen aux Régionales. Qu’en disent nos possibles partenaires ? On en reparlera.

Eric Coquerel

SN à la coordination politique du Parti de Gauche


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