Sondages primaires

lundi 22 février 2016.
 

Les primaires sont le royaume de la souveraineté sondagière. Et quel est le meilleur artifice pour imposer le recours aux primaires ? Un sondage bien sûr ! En Une de toute la presse dominicale du 7 février, on retrouve donc le sondage commandé par Le Parisien. Mais un sondage ne vaut que par les questions qu’il impose et l’interprétation qu’il en donne. Ici encore, pour parfaire la construction de l’opinion et faire en sorte qu’au final le système impose bien ses candidats, les gardiens du temple médiatique se sont livrés aux pires bidonnages. La preuve.

Vous n’avez pas encore vus les chiffres que la lecture vous en est déjà donnée : « Les français adorent les primaires ». Quant aux nombreuses brèves qui diffusent alentour les proclamations de leurs compères du Parisien, elles reprennent en boucle les 80% des français qui seraient favorables aux primaires. Le Parisien quant à lui livre même son verdict : les primaires sont « incontournables » : « Touche pas à ma primaire  ! Pour les Français, ce système importé des Etats-Unis par les socialistes à l’occasion de la présidentielle 2012 est devenu incontournable pour désigner le candidat de son camp. Il est plébiscité par 80 % des sondés, autant apprécié par les sympathisants de gauche (85 %) que ceux de droite (83 %) ».

Là commence le bidouillage : 80% des sondés ont répondu « C’est une bonne chose ». Mais la question était : « Que pensez-vous de la primaire lors de laquelle chaque parti désigne son candidat à l’élection présidentielle ? ». Autrement dit les 4/5 des sondés répondent favorablement mais sur la base d’une question qui inscrit la primaire à l’intérieur de chaque parti et non de chaque camp. Ne faut-il pas plutôt en déduire que seulement 20% des français sont favorables à des primaires qui ne seraient pas circonscrites au cadre d’un seul parti ? Que 80 % des sondés jugent normal que le PS choisisse son candidat mais aussi qu’il foute la paix au reste de la gauche ? La formulation est un filet attrape-tout qui ne vise qu’à faire du chiffre pour justifier le recours aux primaires dans un périmètre biaisé par rapport à l’énoncé.

Plus loin, 73% des sondés seraient favorables à « une primaire à gauche ». Sauf que quand on demande aux sondés ce qu’ils privilégient comme solution pour la gauche, 44 % sont favorables à une primaire de toute la gauche, 31 % à une primaire interne au PS et 23 % ne veulent pas de primaire. La primaire interne au PS est donc bien exclusive de la primaire à toute la gauche. Et il y a donc une majorité de sondés, 54 % (31 + 23) qui considère que le différend à gauche doit être tranché par le peuple souverain dans le cadre du premier tour de l’élection présidentielle ! Les sondés sont d’ailleurs cohérents : à 55 %, ils considèrent que les primaires divisent un camp et seuls 40 % d’entre-eux les considèrent « rassembleuses ».

Pourtant, les commentateurs n’en ont cure et assènent pour mieux faire prendre des vessies pour des lanternes : « Autre enseignement majeur de notre sondage, les Français souhaitent que la gauche aussi organise sa primaire, comme en 2011 (73 % des sondés en général, et même 81 % des sympathisants socialistes) ». Le grand bidouillage a commencé. Le système a besoin du tripartisme qui lui permettra in fine de décider du résultat de l’élection. Il faut pour cela enlever avant même le début de la course tous les cailloux dans la chaussure et annihiler toutes les volontés de candidatures alternatives aux trois partis pré-choisis. Quitte à falsifier de manière grossière le sens des réponses des français interrogés. Les primaires dans leur auto-justification lèvent elles-mêmes le voile sur ce qu’elles sont in fine : un court-circuit citoyen.

François Cocq


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