Elections sénatoriales : un coup d’œil dans le rétroviseur sur le vieux monde

mardi 3 octobre 2017.
 

Non, ne fuyez pas, je vais cette semaine vous parler des sénatoriales. Je suis un peu décalé dans le temps me direz-vous ? Certes. Mais les sénatoriales ne le sont-elles pas elles-mêmes par rapport à l’état réel de la vie politique du pays ? C’est en tout cas ce qui ressort du scrutin de dimanche dernier.

Pour ce qui est du renouvellement, on repassera. Si 170 postes devaient être pourvus, 69 l’ont été par des sortants : là où plus de 75% des députés étaient primo-arrivants en juin, les sortants occupent encore plus de 40% des postes pourvus au Sénat. Pas étonnant que la moyenne d’âge des sénateurs ait alors gagné deux mois pour atteindre 60 ans et 8 mois : 17 ans de plus qu’à l’Assemblée ! La parité en fait aussi les frais : quatre femmes de plus seulement siègent désormais au Sénat soit à peine 28%. La palme à La République en marche avec un famélique 14% de sénatrices. Ajoutez-y le fait que le seul ouvrier de la chambre précédente a disparu comme deux des quatre employés qui y siégeaient et vous aurez sous les yeux ce qu’il résulte d’une élection au scrutin indirect qui abandonne la démocratie à l’entre soi.

Mais cette sénatoriale a aussi été une caricature d’élection hors-sol. En s’en remettant à des élu-e-s dont les partis compensent leur retard de conscientisation par rapport à la société par des petits arrangements entre eux, ce scrutin a joué le rôle d’amortisseur de l’irruption populaire qui a eu lieu en 2017. Sans surprise, les anciens partis installés ont donc limité les dégâts, du moins dans les grandes masses. Car dans le détail, si LR qui avait un tant soit peu résisté lors des législatives gagne 8 sièges (+15% par rapport aux sièges renouvelables), les partis qui ont volé en éclat en juin poursuivent leur érosion jusque dans la sénatoriale, le PS perdant 10 sièges (-21%), quand le PCF en perd 6 sur les 16 qu’il avait à renouveler (-37,5%).

L’autre enseignement se situe du côté de LREM. Tout juste élu, M. Macron avait en effet des objectifs ambitieux pour ces sénatoriales. Il comptait atteindre la majorité des 3/5 du Parlement pour réviser la constitution sans consulter les Français. Peine perdue. Dans le courant de l’été, il a du faire le constat qu’il ne parvenait pas à débaucher, plafonnant à l’époque à 29 sénateurs. Dès lors, le scrutin de septembre ne pouvait suffire à lui permettre d’atteindre le seuil des 555 parlementaires nécessaire. Il se rabattait alors sur un objectif intermédiaire fixé à 50 sièges. Seulement voilà : dimanche soir, le groupe LREM ne comptait plus que 28 membres, soit un de moins que dans le groupe précédent.

C’est une chose en termes électoraux que de continuer à progresser à un rythme moindre. C’en est une autre de commencer à refluer. Indéniablement, ces sénatoriales sont un échec pour le Président. Le premier. Or la manière avec laquelle une jeune formation fait face à un échec électoral constitue un élément décisif de son histoire et révèle sa nature profonde bien plus que ses plus grands succès. Regardons-y donc de près.

M. Macron a par anticipation cherché à se soustraire à cet échec par une politique de la corde et du bâton à l’égard des collectivités locales : suppression durant l’été de 300 millions d’euros de dotations pour la fin de l’année 2017, baisse de 13 milliards sur le quinquennat soit 3 de plus qu’annoncé durant la campagne, attaques programmés contre les départements, et jusqu’à la non-reconduction des 450 millions du fonds de soutien au développement économique aux régions et qui a conduit ces dernières à claquer ce jeudi la porte de la conférence des territoires. Cynique, M. Macron a poussé à l’extrême cette politique contre-productive pour pouvoir ensuite renvoyer son échec électoral sur le dos des élu-e-s locaux qui seraient un frein à ses réformes.

Le second enseignement est apparu aussitôt les résultats connus : le porte-parole du gouvernement en a tiré la conclusion qu’il allait falloir nouer des alliances pour gouverner au Sénat. Avec la droite et ses 207 sénateurs s’entend, celle-ci étant de loin le groupe majoritaire. Ainsi, M. Macron et les siens cèdent devant une chambre conservatrice, vestige de l’ancienne politique. A moins que la politique des uns et celle des autres ne soit compatible…voire semblable.

Mais s’il est un sujet sur lequel M. Macron aura bien du mal à faire venir la droite, ce sont les réformes institutionnelles qu’il s’est engagé à mettre en œuvre durant sa campagne.

Sauf à se contenter de diminuer le nombre de parlementaires, il lui faudra alors consulter le peuple sur le sujet, et peut-être même dès 2018 comme le laissait entendre M. Castaner ce lundi. Dans ce cas, nous verrons où se situe le niveau d’ambition de l’exécutif. A coup sûr pas dans une remise à plat qui permette la réappropriation citoyenne, le porte-parole du gouvernement ayant dès à présent fait des prochaines sénatoriales de 2020 un objectif politique pour juger de l’installation de LREM dans cette chambre pérennisée comme pour mieux s’accrocher au passé.

On a beau chercher, par quel bout qu’on les regarde, ces élections sénatoriales sont un coup d’œil dans le rétroviseur sur le vieux monde.

François Cocq


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