Cameron : Assez de la tragi-comédie européenne !

jeudi 3 mars 2016.
 

La théâtralisation de la dernière réunion du sommet européen n’avait pour but que de permettre à la droite britannique de M. Cameron, représentant les intérêts de la place boursière de Londres et le grand business anglo-saxon, de sortir vainqueur d’un référendum convoqué par lui-même pour la fin du mois de Juin. Cela n’empêcha pas le même Cameron de s’écrier, à la fin de ce mauvais vaudeville : « Je n’aime pas Bruxelles ». Comme quoi la démagogie populiste n’est pas toujours là où on la dit !

Cela fait plus de deux mois que se négocie ligne après ligne le texte de cet accord qui fait la part belle aux demandes britanniques. Le Premier ministre du Royaume-Uni a obtenu à peu près tout ce qu’il demandait parce que cela coïncide avec les demandes d’une partie des forces de l’argent sur le continent, parce que cela va dans le sens d’une construction européenne plus libérale, plus antisociale et encore moins solidaire. Les puissances financières européennes n’ont évidemment pas besoin d’une Europe sociale. Elles ne souhaitent pas non plus une Europe solidaire au service d’un projet commun pour les peuples, car tout effort en ce sens contrarie leur soif de profits et met en danger la rente.

Ce qui est possible pour M. Cameron ne l’était pas pour Alexis Tsipras précisément parce que ce dernier s’est battu jusqu’aux dernières limites pour une inflexion démocratique et sociale de la construction européenne que n’autorisaient ni M. Cameron, le roi de la financiarisation, de la dérégulation, et de l’américanisation, ni Mme Merkel, la chef de file du monétarisme et de l’autoritarisme budgétaire et économique. Il est aussi vrai que la Grèce ne pèse pas du même poids économique que le Royaume-Uni au sein de L’Union Européenne. Une nouvelle fois éclate la nature « a-démocratique » de cette Europe visant d’un côté, en Grèce, à faire chuter un gouvernement élu sur la base d’un programme anti-austérité et de l’autre, à répondre aux exigences ultralibérales du Royaume-Uni et à faire gagner la droite du premier ministre au service de la City. Ceci alors que la Grande Bretagne dispose déjà d’un traitement de faveur puisqu’elle est autorisée à être à l’extérieur du dispositif Schengen, exonérée de participer aux travaux pour une taxe sur les transactions financières, comme de l’application du pacte « Euro-plus ». Elle contribue moins au budget européen comparativement à sa démographie et ne participe pas à l’union bancaire qui fait obligation aux banques de disposer de fonds propres suffisants. Voici maintenant que le Conseil européen en rajoute en acceptant que le Royaume-Uni refuse aux travailleurs européens présents sur son sol l’accès aux prestations sociales liées au travail durant au moins quatre années, ce qui constitue un recul important sur les droits fondamentaux des travailleurs. Cette grave entorse pourra sans doute faire jurisprudence pour d’autres pays ! L’Angleterre refuse de faire de l’euro sa monnaie mais veut désormais participer aux décisions des pays de la « zone Euro » pour pouvoir défendre la spéculation à la bourse londonienne, tout en commandant au business anglais de profiter à plein des débouchés du marché intérieur européen.

L’Allemagne de Mme Merkel, si dure avec la Grèce mais aussi avec le Portugal, l’Italie ou l’Espagne, aura tout fait pour que M. Cameron puisse gagner son référendum en sacrifiant encore plus les droits sociaux et la solidarité européenne. La France, elle-même si docile aux injonctions de l’ordo-libéralisme, ne lui aura pas ménagé son concours.

Ces concessions ne peuvent qu’amplifier les crises européennes. Dans cette même réunion a été refusée l’indispensable solidarité avec la Grèce alors qu’elle porte un énorme poids en accueillant par milliers les réfugiés qui fuient la guerre en Syrie. Les autres chefs d’Etat et de gouvernement se comportent comme s’ils avaient déjà exclu la Grèce de l’espace Schengen. Aucune avancée n’a non plus été faite pour mettre à plat la politique agricole européenne qui est une des causes fondamentales des souffrances actuelles des paysans travailleurs. Le Président de la République n’en a pas dit un mot à la sortie de ce sommet, pas plus d’ailleurs sur la nécessité d’initiatives communes pour stopper le galop du chômage et de la pauvreté. C’est sans doute conforme à ses projets nationaux d’accélérer la flexibilité et la précarité du travail ainsi qu’avec la destruction méthodique des lois sociales contre lesquelles devrait se lever un mouvement populaire unitaire. Pire, on cache aux travailleurs européens que l’accord avec M. Cameron comporte un volet spécifiant une accélération des négociations pour faire aboutir le projet de grand marché transatlantique dont un nouveau « round » vient de s’ouvrir cette semaine à Bruxelles.

Cet épisode invite à réfléchir a partir des évolutions en cours, toutes celles et ceux qui souhaitent une « refondation-dépassement » de l’actuelle construction européenne.

D’abord, on a bien compris que la porte est ouverte à une « construction différenciée ». Raison suffisante pour réclamer que le traité budgétaire soit à nouveau discuté au Parlement et dans le pays pour sortir des rationnements des dépenses sociales et publiques. Ensuite, si les traités européens peuvent être interprétés comme ils le disent, pourquoi les appliquer avec une telle rigueur et ne pas s’en émanciper ? Ce qui permettrait des choix de relance sociale, industrielle, agricole et de développer de nouveaux services publics. Dès lors, le moment serait venu de stopper les politiques de démantèlement des droits du travail et de contrôler l’argent émis par la Banque centrale européenne pour financer un grand programme européen d’investissement dans les activités d’avenir dans le cadre de la transition environnementale. Enfin, ce n’est certainement pas sur l’accueil des réfugiés qu’il faut attaquer Mme Merkel. Il y a beaucoup mieux à faire, notamment en négociant avec elle les initiatives communes à prendre pour que l’ONU s’implique totalement dans le retour de la paix en Syrie et dans tout le Proche-Orient. En s’attaquant ainsi à la cause, l’ONU pourrait simultanément contribuer à faire de l’accueil des réfugiés une grande cause mondiale, au-delà des seuls pays qui en supportent douloureusement aujourd’hui les conséquences. En même temps, à partir des questions nouvelles que posent l’accueil des réfugiés la France devrait ouvrir avec l’Allemagne le débat sur l’arrêt des rationnements budgétaires.

D’autre voies sont donc possibles pour lesquelles peuvent se solidariser les travailleurs, les créateurs, les jeunesses en Europe et au-delà, afin de redonner droit de cité à la solidarité et à l’intérêt humain.


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