Quand les manuels d’histoire s’autocensurent pour présenter l’Islam !

samedi 14 avril 2007.
 

L’image floutée de Mahomet soulève la polémique au collège Léonard de Vinci d’Ecquevilly

Etudiant un document en cours d’histoire de civilisation musulmane avec une classe de cinquième, un professeur a été surpris de découvrir que le manuel des élèves contenait le visage de Mahomet flouté.

L’éditeur Belin explique avoir voulu ménager les susceptibilités. Une autocensure dénoncée par les enseignants attachés à la défense de la laïcité à l’école.

Est-ce le début d’une autocensure en matière d’enseignement des civilisations à l’école ? Un professeur d’histoire du collège Léonard de Vinci d’Ecquevilly est tombé des nues, lorsqu’au cours d’une leçon sur la naissance de l’islam, un élève lui fait remarquer qu’il n’a pas, dans son manuel, le même document que lui. En effet sur la miniature du XIIIe siècle représentant un prêche aux fidèles, le visage de Mahomet a été flouté par l’éditeur Belin.

C’est l’animateur du site Internet www.atheisme.org, Jocelyn Bézecourt qui a dévoilé l’affaire, puis l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo.

Autocensure

Selon l’éditeur, la décision de flouter le document a été prise à l’été 2005, soit bien avant que l’affaire des caricatures de Mahomet n’éclate, et sur recommandation d’enseignants d’histoire-géographie.

Dans un courrier adressé aux enseignants du collège d’Ecquevilly Belin donne en effet l’explication suivante : " À la suite de la présentation de notre nouveau manuel à vos collègues professeurs d’histoire et géographie, dans de nombreux établissements, plusieurs d’entre eux nous ont fait part du caractère perçu comme provocant aujourd’hui d’une telle représentation du prophète Mohammed et par conséquent, de la difficulté d’enseigner sereinement dans des classes très hétérogènes (...) Nous sommes bien conscients des difficultés du contexte de l’enseignement de l’histoire dans les collèges aujourd’hui, et la seule chose que nous ayons cherchée, c’est de ne pas l’augmenter... " Les trois professeurs d’histoire du collège, Alexandra Dilet, Claude Martinez, Olivier Brenner, ont d’abord demandé le remboursement des manuels à l’éditeur, mais Belin a refusé. En guise de réponse, il a envoyé pour chaque livre acheté par l’établissement une page de manuel avec le visage du prophète non flouté !

Le président de l’association des professeurs d’histoire-géographie Jacques Portes, professeur à l’université de Paris VIII saisi de cette affaire, s’est déclaré " scandalisé ". Selon Alice Cardoso en charge du groupe histoire-géographie au Snes, principal syndicat des enseignants du second degré, dont les propos ont été rapportés par l’AFP : " c’est injustifiable de manipuler une source. " " Sur le fond on ne peut que condamner la procédure, c’est une démarche contraire à la démarche de l’historien ", ajoute-t-elle.

" Cette histoire d’autocensure montre comment les courants intégristes de l’islam parviennent à peser sur l’école ", analyse Alain Bonet professeur d’anglais au collège Léonard de Vinci, qui a lui aussi dénoncé la manipulation. " L’autocensure de l’éditeur est d’autant moins compréhensible qu’il y avait matière en montrant ce document que l’islam est varié, que l’islam a produit des chefs-d’oeuvre. Au lieu de cela, pour ne pas vexer les fidèles d’une religion, l’éditeur choisit de se soumettre à sa frange la plus obscurantiste. " Le professeur souligne enfin que l’école doit rester un espace " neutre, ouvert, tolérant, universel par définition ". Et que son rôle est aussi d’enseigner toutes les civilisations et tous les courants d’idées. " La censure à l’école montre qu’on est déjà sur une pente un peu totalitaire... ", s’inquiète Alain Bonet. Les enseignants précisent que les comportements revendicatifs à caractère religieux sont extrêmement marginaux au collège d’Ecquevilly, et que dans tous les cas tout a toujours pu être réglé par le dialogue avec les élèves.


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