La souveraineté spectacle de Mme Le Pen

mardi 10 janvier 2017.
 

Madame Le Pen faisait sa rentrée politique ce mardi 3 janvier chez Jean-Jacques Bourdin sur RMC-BFM. Excessive, hésitante, vacillante, la présidente du Front national a eu beau ânonner « souveraineté, souveraineté, souveraineté », les mots s’envolent dans le vide des propositions visant à rétablir celle-ci. Quand lesdites propositions ne sont pas un corset pour au contraire empêcher la souveraineté de s’exprimer.

Excessive quand il faut être efficace, Madame Le Pen propose rien moins que supprimer les régions et les intercommunalités (« Je vais shunter l’Union européenne (sic, voir plus bas), les régions, les intercommunalités », « on supprimera trois strates »). La souveraineté qu’elle entend rétrocéder aux communes et aux départements ne va pas jusqu’à la liberté de porter collectivement des projets lorsque ceux-ci sont partagés. Tout au plus consent-elle à leur permettre de « s’organiser en syndicats intercommunaux » ou en « syndicats interdépartementaux ». Mme Le Pen balaie d’un même revers de main les regroupements de projets comme les regroupements d’autorité et préfère laisser libre court en toutes circonstances à des syndicats de territoires qui agissent à l’abri des regards citoyens par une représentation de seconde main plutôt que faire appel, lorsque les projets intercommunaux sont mutuellement consentis entre collectivités, à la démocratie directe et donc à la souveraineté populaire.

Quant aux régions, parce que la nouvelle carte à 13 régions est dépourvue de sens et de réalités, Mme Le Pen propose de les faire disparaître tout simplement, niant en cela les réalités de territoire existantes. Dans un cas comme dans l’autre, Mme Le Pen imposerait le fait du Prince, répondant aux coups de crayons de Hollande par des coups de gomme autoritaire. Parce qu’une réforme institutionnelle n’est jamais neutre et répond toujours à un projet politique donné, et plus encore lorsque celle-ci prétend rendre au peuple sa souveraineté, la seule méthode qui vaille est celle d’un processus constituant tel que le propose Jean-Luc Mélenchon pour définir collectivement les cadres de souveraineté et les formes de représentation adaptées à ceux-ci.

Hésitante quand il faudrait être ferme (J.J. Bourdin : « Souhaitez-vous que la France quitte l’Union européenne », Mme Le Pen : « Je souhaite, oui, heu, non, je pense qu’il faut renégocier avec l’Union européenne »), Madame Le Pen s’en remet au bon vouloir d’ l’Union européenne en se donnant six mois pour négocier avec elle avant un référendum en France. Et si l’Union européenne ne bouge pas ? Un vote Non au référendum ? Et dans ce cas quel est le plan B ? Quels sont les éléments du rapport de force sinon exprimer un souhait, oui, heu, non, une pensée ? La souveraineté de la France ne se réclame pas à Bruxelles pas plus qu’elle ne se négocie. Elle se recouvre immédiatement par la désobéissance aux traités européens et s’impose en étant prêt à assumer des constructions alternatives si nécessaire.

Vacillante quand il s’agit de retrouver notre souveraineté nationale, (J.J. Bourdin : « Est-ce que si vous êtes élue président de la République la France quitte l’OTAN »), Mme Le Pen consent tout juste à quitter le commandement intégré de l’OTAN mais en aucun cas l’OTAN elle-même dont elle considère que « l’OTAN est capable de bouger elle aussi. Cette organisation elle peut changer elle aussi. Il faut peut-être attendre de voir ce que M. Trump va proposer dans ce domaine. » Bref ne plus se soumettre aux décisions des Etats-Unis d’Amérique… en commençant par attendre ce qu’ils vont décider.

Là où Mme Le Pen fait preuve de clarté, c’est lorsqu’elle affirme vouloir conserver les outils institutionnels de contrainte du peuple :

J.J. Bourdin : « Fin de l’immunité présidentielle ou pas ? »

Mme Le Pen : « Non »

J.J. Bourdin : « 49-3 suppression ou pas ? »

Mme Le Pen : « Non »

J.J. Bourdin : « Vous gardez le 49-3 ? »

Mme Le Pen : « Je garde le 49-3 »

Le président de la République non seulement serait maintenu dans son pouvoir dans le cadre de la 5ème République agonisante, mais il resterait de surcroit irresponsable politiquement (à défaut de droit de révocabilité citoyen) et institutionnellement, le 49-3 étant conservé le bâillon de la représentation nationale.

Quand les mots s’envolent, les actes restent. En matière de souveraineté, Mme Le Pen promet de faire le spectacle à défaut de la restaurer dans les faits. Et comme c’est à la fin de la représentation que l’on paie les artistes, le clap de fin interviendra dès le 23 avril 2017.


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