Cantines 100% Bio, c’est possible !

jeudi 12 avril 2018.
 

Trois césars pour Petit paysan, c’est amplement mérité pour un très beau film, de très bons acteurs... Et une histoire qui n’aurait pas ému les foules il y a quelques années ! Mais aujourd’hui, si.

Combien de suicides d’agriculteurs, de crises du porc, du lait, combien de campagnes sur le gaspillage alimentaire aura-t-il fallu pour qu’on se pose enfin la question du modèle agricole ?

Le programme des insoumis-e-s, l’Avenir en commun, fait la part belle à l’agriculture paysanne. Le candidat Mélenchon proposait de « partir de nos assiettes » pour transformer la société en profondeur.

La question n’est plus contournable. Alors partons de nos assiettes, et de celles des enfants dans les cantines scolaires.

Barjac, il y a plus de 10 ans

Cette commune du Gard, de 1500 habitants a mis en place le bio et local dans ses cantines scolaires il y a plus de 10 ans. C’est une ville pionnière en la matière. Evidemment il s’agissait de la volonté de mieux nourrir les enfants de la commune. Mais la démarche est plus large, politique. C’est un patient domino que Barjac a mis en place : d’une envie, d’un besoin, d’une colère on fait une décision politique qui va impliquer la qualité des sols, les paysages, le travail des paysans, le travail des employés municipaux, les parents, jusqu’aux enfants.

Une colère : la nourriture vient de loin, est traitée pour être mangée par nos enfants d’une part, de l’autre des sols abîmés, des paysans qui ont du mal à vivre et une économie locale à faire tourner.

Une envie : le respect des enfants, leur proposer une cantine de qualité, une nourriture qui ait du sens autant que du goût.

Un besoin : tenir compte des impératifs écologiques et climatiques.

De nombreuses questions ont découlé de cette mise en place : comment travailler avec les producteurs, comment éviter le gaspillage alimentaire, comment gérer le surcoût ?

« Quoi faire de plus utile de l’argent public que de faire correctement manger les enfants » demande Edouard Chaulet, maire de Barjac, dans le film Zéro phyto, 100% bio. La commune de Barjac a ainsi inspiré les documentaires : Nos enfants nous accuseront et Zéro phyto 100% bio qui retracent les démarches de ces villes qui bougent. De constats simples, et de réalisations politiques concrètes, on peut tracer le chemin d’une nouvelle réalité plus globale, vertueuse pour le climat, l’écosystème.

Les enfants sont servis à l’assiette, et c’est ce qui permet de gérer au mieux les quantités, pour éviter de jeter de la nourriture. 250 repas par jour sont servis, ainsi qu’un fruit bio à la récréation. Un potager bio est ouvert dans la cour de l’école, une ferme et un boulanger sont installés en bio et fournissent la cantine.

Le repas est à 2€50, la part complémentaire est prise en charge par la commune. C’est à dire les impôts : ce n’est pas un coût mais un investissement qui profite à tout le monde, pour l’écologie et l’économie locales. Il est donc logique que le pot commun qu’est l’impôt serve à payer la cantine scolaire, et que le surcoût ne soit pas imputé aux seules familles des enfants scolarisés.

En 10 ans le chemin parcouru a permis de donner l’exemple à de nombreuses autres communes. Le label ECOCERT a été remis à la commune qui est aussi membre fondateur de l’association des 24 collectivités "un Plus Bio". Aujourd’hui, plus de 300 collectivités en France ont le label, et ces démarches collectives ont permis de faire progresser le bio dans les cantines de 16% en 2016.

Bio ? Local ? Les deux ?

Pas si simple. Toutes les structures vous le diront : cantines scolaires, restauration collective, restaurants, EHPAD... Se fournir en local implique un dialogue constant avec les paysans, et que ceux-ci travaillent également ensemble pour anticiper les besoins, ce qu’il faut planter et quand pour se relayer et ne pas avoir par exemple les haricots tous au même moment. S’il faut 15 tonnes de pommes de terre, comment se débrouiller à plusieurs pour les fournir et garantir qu’elles seront fournies ? A Barjac ils ont eu à tester les produits commandés qui n’ont tout simplement pas poussé. Alors souvent les cantines, épiceries et autres, vont se fournir sur les plateformes. Et font donc venir des tomates bios d’Espagne...

Côté maraichers, on sait aussi que la cuisine centrale, quelle qu’elle soit, a tendance à fixer les prix, car elle gère son budget et ses menus à l’année de façon contrainte, mais pas en fonction de la météo et des limaces. Même au niveau local on peut donc constater qu’avec de bonnes intentions, fixer le prix n’est pas forcément la prérogative du producteur.

Juste rémunération

A la suite de plusieurs mois d’Etats Généraux de l’alimentation, le gouvernement a annoncé vouloir légiférer (par ordonnances, une fois de plus) sur la rémunération des producteurs. Le but affiché est d’inverser la façon de créer le prix, en partant du cout de production, et de revaloriser le seuil de revente à perte (prix en dessous duquel un distributeur ne peut revendre), et de garder l’objectif de 50% de produits labellisés dont 20% de bio dans les cantines d’ici 2022. Dans le même temps, il bloque l’adoption d’une proposition de loi visant à revaloriser les retraites agricoles.

Peut-on penser qu’une fois de plus l’affichage d’une idée nécessaire va se percuter à la réalité du marché ? La confédération paysanne déroule un projet pour la profession, qui est aussi un projet de société. La juste rémunération des paysans, qui permet à de petites productions de vivre bien : 3 petites fermes valent mieux qu’une grosse, sortir le prix du marché, réformer la politique agricole commune pour soutenir les productions à l’actif plutôt qu’à l’hectare... Des propositions il y en a, des projets d’installation en bio aussi. Encore faut-il que le foncier soit disponible, que les aides à l’installation soient bien là, et que la rémunération permette aux paysans de vivre. Dans ce cadre, des débouchés locaux comme les cantines scolaires en bio et local sont nécessaires.

A vos fourchettes

Partout fleurissent des projets d’épiceries coopératives, de magasins de producteurs, de cantines centrales qui se fournissent en local avec un fort pourcentage de bio... A côté de Chambéry, se monte une épicerie coopérative qui a déjà pris contact avec 20 maraichers des environs. A partir de ce projet, un groupe d’insoumis, dont certains sont partie prenante de cette coopérative, mène une campagne locale avec les parents d’élève pour que les mairies proposent de passer les cantines en bio.

Tout comme le mouvement des AMAP (Association pour le Maintien de l’Agriculture paysanne), ou terre de lien qui aide les paysans à trouver du foncier, les citoyens ont la possibilité de se mêler de leurs affaires en réclamant, agissant pour la mise en œuvre de cantines en local et bio dans leurs communes, et de toute forme de distribution équitable et coopérative.

Bref, la citoyenneté, c’est tous les jours, dans le concret de nos vies.

Tifen Ducharne


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