Droit de manifester : la dérive autoritaire se poursuit

lundi 11 février 2019.
 

Avec la loi sur les violences en manifestation, la majorité vient d’ajouter une nouvelle loi liberticide à son arsenal répressif.

Aujourd’hui les mots sont importants. Il ne s’agit pas d’une « loi anti-casseurs » mais d’une loi anti-manifestant·e·s qui vise à faire taire toute expression politique qui dérange le pouvoir dans un contexte général de recul des droits et libertés en France.

Cette loi prévoit, en l’état, la possibilité pour le préfet d’émettre une interdiction de manifester et la constitution d’un fichier des personnes interdites de manifestation (articles 2 et 3).

Ces décisions seront prises sur la base de présomptions, de suppositions de la police selon une définition floue et extensive des actes répréhensibles. En effet, l’arrêté pourrait être prononcé sur des « agissements » qui feraient que la personne « constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public » ou sur le fait de son appartenance de près ou de loin à un collectif jugé répréhensible. Pour Amnesty International, « Cela n’est rien d’autre qu’une présomption de culpabilité par association. Il sera ainsi possible pour le préfet d’interdire à une personne de manifester, simplement sur la base de ses fréquentations jugées mauvaises par les services de renseignement ou le pouvoir exécutif ».

Ce premier article est un moyen de renforcement des pouvoirs du préfet sur le contrôle de l’expression politique sans aucun contrôle judiciaire. Pour Ugo Bernalicis, il s’agit d’un « glissement du pouvoir de l’autorité judiciaire indépendante vers le pouvoir de l’exécutif, du préfet et de la police ».

Quatorze député·e·s LREM ont voté en faveur de la suppression de cet article, à l’instar de l’ensemble de leurs collègues de gauche ; trois autres se sont abstenu·e·s.

En plein délire anticipatif, après le délit de groupement, l’article 1er permet la fouille et l’inspection des personnes et de leur véhicule au nom de la recherche d’armes qui peuvent être des « armes par destination ». Selon, encore une fois, l’appréciation souveraine de la police tout pourrait être considéré comme une arme par destination, du stylo aux balles de pétanque dans sa voiture.

Cette nouvelle loi introduit encore un peu plus d’arbitraire avec son article 4. Désormais une personne qui a le visage partiellement ou totalement caché lors d’une manifestation pourra être condamné à un an d’emprisonnement et jusqu’à 15.000 euros d’amende. Savoir si la personne utilise son écharpe en cache nez contre le froid ou pour se dissimuler intentionnellement sera à la discrétion de la police. Elle pourra interpeller et mettre en garde à vue toutes personnes qu’elle jugera « douteuses ».

On assiste là au vote d’une loi générale contre l’exercice d’une liberté publique fondamentale, contre un pilier de notre démocratie ainsi qu’à l’affaiblissement de nos principes fondamentaux de droit pénal.

Les député·e·s de la France insoumise refusent la criminalisation et les entraves au droit de manifester, ils ont déposé 58 amendements en ce sens. La France insoumise propose d’abroger le décret Sarkozy de 2009 sur la dissimulation du visage en manifestation, de renforcer la sanction pécuniaire pour toute entrave au droit de manifester et d’encadrer le recours au procureur. Les député·e·s de la FI ont proposé de redonner le contrôle au pouvoir judiciaire pour que la prérogative du préfet lui soit retirée. Cette proposition tend à faire cesser l’inflation des pouvoirs de police administrative sans aucun contrôle juridictionnel, situation qui affaiblit gravement notre démocratie.

La protection de la liberté de manifester passe aussi par la protection des manifestant·e·s eux-mêmes contre les violences. La France insoumise a proposé l’interdiction des LBD et des GLI F4 ainsi que la création d’un observatoire des violences policières. Le choix de l’affrontement et de la violence envers les manifestant·e·s est un choix politique et idéologique du gouvernement auquel les député·e·s de la France insoumise préfèrent la désescalade. En effet, la position gouvernementale du « maintien de l’ordre » ne garantit pas la protection des libertés fondamentales et exalte les tensions.


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