Santé : Reconstruire l’Hôpital public et l’accès au soin pour tous

mercredi 1er juillet 2020.
 

Grâce à l’héritage du Conseil Nationale de la Résistance et à la sécurité sociale mise en place par Ambroise Croizat, le monde de la santé a longtemps échappé aux griffes du capitalisme. La solidarité des travailleurs a fondé un système où chacun paye à la hauteur de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins. Soigner tout le monde est l’objectif que le Conseil National de la Résistance a voulu et couvrir les dépenses implique le partage des richesses produites.

Depuis 30 ans, ce modèle solidaire ne cesse d’être attaqué par les gouvernements successifs. La sécurité sociale est passée de caisse collective des travailleurs administrée démocratiquement à une institution sous le joug de hauts fonctionnaires coupés des réalités et acceptant qu’une part croissante des missions soient déléguées au secteur privé. Ces assurances privées ne cessent de croître sur le dos des travailleurs, compliquant sans cesse les démarches de remboursement.

La création de l’Objectif National de Dépense de l’Assurance Maladie (ONDAM) en 1995 a renversé le paradigme qui consistait à soigner d’abord et chercher les recettes correspondantes ensuite. Depuis ce moment, les gouvernements ont eu le pouvoir sur les dépenses de la branche maladie de la sécurité sociale. Depuis ce moment, le secteur de la santé est sous-financé. Pour diverses raisons démographiques, nous devons faire 4% de soins en plus chaque année. Cela signifie que pour faire l’ensemble des soins dans d’aussi bonnes conditions, le financement du secteur de la santé devrait également augmenter de 4% par an mais ça n’est jamais le cas. En 2019, la loi de financement de la sécurité sociale à fixé une augmentation du budget de 2,3% pour 2020 mais les 1,7% manquant représentent des dizaines de milliards. C’est ainsi que chaque année l’écart se creuse pour nos soignants.

Les hôpitaux publics, longtemps épargnés par les logiques managériales de réduction des coûts et des effectifs, sont quant à eux devenus des entreprises dirigées par des technocrates n’ayant que la rentabilité en tête. Les travailleurs ne contrôlent plus leur outil de travail. Toutes les réformes de « modernisation de l’offre de soin » impliquent des suppressions de postes et un raccourcissement des temps d’hospitalisation. L’hypertechnicité médicale et les séjours ambulatoires remplacent la prise en charge globale des patients. Le manque de matériel et le sous-effectif chronique sont devenus systémiques pour augmenter la rentabilité. Chaque absence conduit les directions à justifier des suppressions de postes supplémentaires. Les métiers et les salaires sont sans arrêt dévalorisés, créant une hémorragie de travailleurs vers le secteur privé.

La découpe du soin en actes a favorisé l’émergence d’un modèle productiviste en ville comme à l’hôpital, transformant les artisans du soin en automates de la maladie. Les gestes et les cadences sont mesurés, poussant les soignants à toujours accélérer. Les métiers de santé se sont déshumanisés, mettant ainsi en souffrance les patients comme les soignants. En 2019, un mouvement social inédit a secoué le secteur de la Santé. Des mois durant, des centaines de services d’urgences étaient en grève. Les grandes manifestations sont pourtant sévèrement réprimées par le gouvernement.

La crise CoVid 19 arrive sur ce système de santé très fragilisé. L’ensemble du système étant déjà géré « en tension », il a fallu rapidement arrêter toute activité non urgente, déprogrammer opérations et consultations, improviser de nouveaux lits de réanimations. Ces procédures étaient prévues dans le cadre du « plan blanc » et les personnels de santé les ont mis en place en un temps record. La plus grande difficulté était de le faire malgré la fatigue accumulée. Tous les personnels de santé ont pourtant répondu présents. Le gouvernement a parlé de « héros » pour dépolitiser, installer l’image de personnes prêtes au sacrifice plutôt que de professionnels de santé exigeant de meilleures conditions de travail, du matériel et des moyens humains.

De grandes failles sont apparues au grand jour avec cette épidémie malgré l’engagement des soignants. En premier lieu, l’absence de stratégie au sommet de l’État qui s’en remet aveuglément au marché pour régler les problèmes. Face aux pénuries de masques, de tests et de médicaments, la seule réponse des autorités fut : les commandes sont passées. Des recommandations sanitaires délirantes ont tenté de masquer ces manques. On se souvient du port du masque inutile en population générale ou encore du dépistage inutile des personnes asymptomatiques.

En second lieu, les politiques de fermeture de lits des hôpitaux nous ont fait frôler une catastrophe. Au plus fort de la crise, 2400 personnes ont été hospitalisés en réanimation en moins d’une semaine pour une capacité de 5000 lits sur le territoire national. Seul l’arrêt des activités programmées a permis d’augmenter le nombre de lits de réanimation, au prix de retard de prise en charge sur beaucoup d’autres pathologies.

Enfin, la communication gouvernementale appelant les patients à appeler le 15 au lieu de voir leur médecin a conduit de nombreux français à ne pas consulter. Les cabinets de médecine de ville étaient littéralement vides pendant la crise alors que le SAMU et les réanimations étaient débordés. Les conséquences seront très lourdes pour la population. Selon Unicancer, on estime entre 5000 et 10000 morts supplémentaires du cancer sont à venir à cause du retard au dépistage. L’affaiblissement généralisé de notre système de santé a fait beaucoup de victimes car pour faire face à l’épidémie, nous avons dû arrêter bon nombre des autres activités de soins.

Pourtant l’espoir de retrouver un système de santé d’excellence est bien là et ne dépend que de choix politiques. En premier lieu, le système de santé publique, à l’image de tous les services publics ne doit plus être vu comme un coût mais une richesse.

- L’État doit reprendre ses responsabilités de financeur, notamment auprès des hôpitaux.

- L’annulation totale de la dette illégitime des hôpitaux doit être prononcé.

- La gouvernance de l’ensemble du système de santé doit être rendu plus démocratique dans sa gestion.

- L’ONDAM doit être supprimé. Les recettes doivent être recherchées en fonction des dépenses effectuées et non l’inverse.

- Un plan d’embauche doit être mis en place. Les syndicats et collectifs exigent 100 000 soignants de plus dans les hôpitaux et 300 000 soignants de plus dans les EHPADs.

- Les métiers, carrières et salaires doivent être très largement revalorisés pour l’ensemble des personnels afin que le secteur de santé publique redevienne attractif.

- Les modes de financements doivent être revus afin de favoriser le retour à une prise en charge globale des patients plutôt qu’à des actes déshumanisants.

- La France doit retrouver une souveraineté dans la santé avec par exemple la création d’un pôle public du médicament, redéployer une industrie productive en matériel de santé.

Gardons en tête que notre pays ruiné après la seconde guerre mondiale a su mettre en place un système de santé solidaire et efficace, il n’y a aucune raison qu’il n’y parvienne pas aujourd’hui.

Dr Khelfaoui Karim


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