À Grenoble, une convention citoyenne pour gérer les effets de la crise du Covid-19

mercredi 13 janvier 2021.
 

À Grenoble on ne se résout pas à subir la gouvernance très verticale décidée en petit comité à l’Élysée. Poursuivant un idéal de « démocratie sanitaire », la municipalité écologiste a lancé son propre comité de liaison citoyen sur le Covid-19. Reportage.

Les citoyens ont-ils leur mot à dire dans la gestion d’une crise comme celle du Covid-19 ? La question finirait presque par paraître incongrue tant le pouvoir actuel s’est jusqu’à présent bien gardé de se la poser. Avec son désormais célèbre conseil de défense, protégé par la confidentialité du bunker de l’Élysée – le bien-nommé « PC Jupiter », un poste de commandement exigu situé plusieurs mètres sous terre [1] – c’est peu dire qu’Emmanuel Macron ne s’est guère embarrassé de ces considérations.

Son approche est même à l’exact opposé : réuni en tout petit comité, tenu au secret-défense, ce conseil est vite devenu l’organe préférentiel pour affronter la pandémie et adopter toutes les grandes décisions, au gré des confinements, des couvre-feux et des reconfinements. Convoqué près d’une cinquantaine fois au cours de l’année 2020, il s’est ainsi substitué aux instances plus traditionnelles et collégiales, tel le Conseil des ministres, progressivement transformé en « simple chambre d’enregistrement » [2]. Sous couvert d’opérationnalité et d’efficacité, le président jupitérien a donc géré la crise du coronavirus comme il gère le pouvoir, de façon opaque et ultraverticale.

Les citoyens reprennent enfin la parole

À Grenoble, on veut pourtant croire que cette réponse n’a rien d’une fatalité. Démocratiser la gestion de cette crise sanitaire, en y faisant participer plus activement la société civile, c’est précisément le sens de l’expérimentation lancée par la ville à travers son « comité de liaison citoyen » spécial Covid-19. « Face à l’action solitaire du Gouvernement, et à ses réponses aveugles aux spécificités du terrain, nous avons nos propres leviers pour faire vivre le dialogue et la délibération collective, à l’échelle municipale », expliquait ainsi le maire écologiste, Éric Piolle, le samedi 7 novembre 2020. Ce jour-là, inaugurant officiellement le dispositif, une vingtaine de citoyens ont pris place dans une salle de l’Hôtel de ville pour débattre, le temps d’une matinée, de premières mesures prises par la municipalité dans ce contexte de crise sanitaire.

Au menu, une première délibération sur la tenue des marchés alimentaires, puis une deuxième concernant les différents moyens de lutter contre l’isolement. Pendant près de trois heures, les membres de la petite assemblée sont invités à donner leurs avis, faire part de leurs observations sur le terrain, à témoigner de leurs doutes ou de leurs inquiétudes, aussi. Le tout sous la houlette d’une animatrice professionnelle, Nathalie Jeauffroy, qui se charge de faire vivre les discussions selon différentes techniques, parmi lesquelles celle du « débat mouvant » – où l’on exprime son opinion en se positionnant dans l’espace – et ce, sans l’interférence des élus, absents de la salle des discussions.

Ces délibérations sont pour l’heure envisagées jusqu’en avril, à raison d’une réunion par mois. En décembre, les citoyens se sont prononcés sur les fêtes de fin d’année et la campagne vaccinale. La troisième session est prévue ce samedi 9 janvier. À chaque fois, la composition de l’assemblée change, tirée au sort parmi une liste plus large de 250 citoyens établie spécialement pour l’expérimentation : d’une part, un panel, paritaire et sans condition de nationalité, de 210 habitants qui ont été tirés au sort à partir de listings téléphoniques, auquel s’ajoutent d’autre part 40 volontaires du milieu associatif grenoblois, impliqués dans les thématiques de l’exclusion, de la jeunesse, du handicap ou encore du sport. En parallèle des assemblées mensuelles, un autre mode de consultation de ce comité citoyen ainsi constitué s’est également mis en place, à travers des questionnaires envoyés ponctuellement par mail.

Les premiers pas d’une « démocratie sanitaire »

À la sortie du premier concile, début novembre, les participants avaient fait part de leur enthousiasme quant à la démarche. Qu’on soit un grand habitué de la démocratie locale, comme Michel, président de l’Union de quartier Championnet, qui y voit là une « initiative intéressante » et admet « avoir encore découvert des choses ce matin, malgré un long passé associatif : la preuve qu’il est toujours enrichissant de pouvoir échanger sur les vécus actuels pour faire remonter des problématiques du terrain ». Ou qu’on soit beaucoup plus novice en la matière, comme cette gestionnaire-comptable, également mère de famille, qui raconte avoir souffert du coronavirus, contaminée par sa fille qui l’aurait attrapé à son collège, et qui remercie plusieurs fois de lui « avoir laissé la parole, j’en avais gros sur le cœur ».

Certes, la nature de ces premiers échanges a souvent accouché d’un consensus généralisé sur le constat : « C’est un peu comme nous demander si on est pour ou contre la guerre », ironise gentiment un musicien derrière son masque. Mais, en ces temps incertains, la fonction de témoignage est précieuse, selon Sébastien et Sabine, un couple en chaise roulante, qui ont participé activement aux débats et qui résument l’état d’esprit général : « Macron a décidé de nous confiner d’un coup d’un seul, mais il est un peu trop en haut pour comprendre toutes les implications que cela a dans la vie pratique des personnes du handicap, que ce soit par rapport aux auxiliaires de vie, qui n’ont pas assez de matériel, par rapport aux livraisons de repas, ou par rapport à l’isolement… C’est pour ça que ce genre d’outil est important ».

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