Izïa Higelin n’est pas la première victime du crime de lèse-macronie

mercredi 19 juillet 2023.
 

Et elle ne sera sûrement pas la dernière…

En 2013, François Hollande avait aboli « l’offense au chef de l’État ». Et si elle n’a pas été rétabli dans la loi, en Macronie, on ne se moque pas du Roy. On ne touche pas à sa figure sacrée. Depuis ce 14 mai 2017, jour saint marquant son accession à la fonction suprême, jour mémorable où le premier acte du Président Macron aura été de se rendre en pèlerinage à la basilique Saint-Denis pour s’imprégner de l’âme des rois de France.

Alors imaginez un concert, six ans plus tard, où une jeune chanteuse aurait pamphletisé le locataire de l’Élysée, imaginant un lynchage collectif des plus colorés. Qui est-ce qui l’attend à la sortie de la scène ? Les gendarmes. À se croire le 17 novembre 1970, quand le journal Hara-Kiri a été interdit pour s’être moqué de la mort de De Gaulle.

Izïa Higelin, jeune chanteuse, s’est cru au pays de son père, au pays de Charlie, où la liberté d’expression est une valeur cardinale, d’autant plus pour les artistes. Un « dérapage », selon franceinfo – faut-il s’étonner des approximations sémantiques de la part d’un média qui qualifie d’étrangers des Français noirs et arabes ? Mais le pire dans tout ça, c’est qu’elle n’est pas naïve. À peine avait-elle fini sa diatribe qu’elle lançait à la foule : « Je vois déjà le gros titre de Nice-Matin demain  : Izïa appelle au meurtre de Macron ». Et ce fut exactement le cas. La Macronie est la chose la plus prévisible au monde, où le pire est toujours possible.

Izïa Higelin, hors de l’arc républicain ? Bien entendu, les chiens de garde du Président ont de suite poussé leurs cris d’orfraie habituels : c’est la République qu’on assassine ! Point de liberté artistique, point de liberté d’expression, Izïa Higelin lance un appel au meurtre, rien de moins. Son concert du 14-Juillet, prévu à Marcq-en-Barœul, a de suite été annulé car sa présence « serait en contradiction avec les valeurs de rassemblement qui prévalent lors de notre Fête nationale », dixit le maire LR de la commune. De surcroît, une enquête de police a été ouverte par le parquet de Nice pour « provocation publique à commettre un crime ou un délit ».

Izïa Higelin est loin d’être la première à subir les foudres jupitériennes.

En 2022, un ancien publicitaire avait été condamné à 5000 euros d’amende pour « injures publiques » au président de la République pour avoir affiché deux montages d’Emmanuel Macron en Adolf Hitler, et ce slogan : « Obéis, fais-toi vacciner ». La Cour de cassation avait finalement annulé cette condamnation, au nom de la liberté d’expression. En mai dernier, à Avignon cette fois-ci, une affaire similaire a eu lieu. Des dizaines d’affiches représentant Emmanuel Macron en Hitler ont été placardées dans la ville. Une enquête pour injure publique envers le Président et provocation à la rébellion a été ouverte.

On pense également à ce retraité de l’Eure, 77 ans, qui avait placé une affiche « Macron, on t’emmerde » sur sa maison, en pleine séquence de réforme des retraites. Convoqué au commissariat dans un premier temps – il évitera la garde à vue « étant donné son âge » –, il sera finalement condamné à un stage de citoyenneté pour outrage à personne dépositaire de l’autorité publique. « Je n’en ai rien à foutre, mais on va bien se marrer », avait alors réagi le bougre.

On pense aussi à cette dame, simple citoyenne, qui avait eu le malheur de qualifier Emmanuel Macron d’« ordure » sur sa page Facebook. Poursuivie pour « outrage à personne dépositaire de l’autorité publique », après une plainte du sous-préfet, elle passera huit heures en garde à vue et sera convoquée au tribunal. Elle n’a, in fine, pas été jugée, « en raison de la nullité de la procédure », avait indiqué le procureur. En effet, il aurait fallu qu’Emmanuel Macron en personne dépose plainte, puisque c’est lui qui est insulté. Une tentative d’intimidation manquée. C’est l’exception qui confirme la règle.

On pense enfin aux décrocheurs de portraits de Macron, condamnés pour « vol en réunion », alors qu’ils ôtaient des mairies les portraits officiels du Président dans le but de dénoncer son inaction climatique.

Et que penser, par ailleurs, du violent plaquage au sol qu’a subi un jeune homme, en avril dernier, alors qu’il chantait l’hymne des gilets jaunes à quelques mètres du chef de l’État ?

Seule constante à toutes ces histoires : jamais Emmanuel Macron ne commente quoi que ce soit. Jamais Jupiter ne descend de l’Olympe.

BONUS. Conseils à Izïa Higelin Izïa Higelin a fait l’erreur de s’en prendre au chef de l’État en improvisant, alors qu’elle aurait pu rester dans la tradition française et citer « Le Déserteur » de Boris Vian :

« Vous êtes bon apôtre Monsieur le Président Si vous me poursuivez Prévenez vos gendarmes Que je n’aurai pas d’armes Et qu’ils pourront tirer. »

Ou pourquoi pas un bon vieux Brassens qui le jour du 14-Juillet reste dans son lit douillet. Ou, quitte à parler prise de la Bastille, évoquer directement les paroles de « La Marseillaise » en lançant un brave « Aux armes, citoyens ! »…

Ou tiens, puisque c’est d’actualité, Izïa Higelin aurait aussi pu se moquer de la police. Mais elle n’a pas chanté « L’Hécatombe » de Brassens :

« En voyant ces braves pandores Être à deux doigts de succomber Moi, j’bichais car je les adore Sous la forme de macchabées […] Ils tombent, tombent, tombent, tombent Et selon les avis compétents Il paraît que cette hécatombe Fut la plus belle de tous les temps »

Elle n’a pas non plus déclamé « Dingue » de Ferrat :

« Un flic tabasse

Un jeune en loques

Ça laisse pas d’traces

Justice en toc

Un flic qui casse

Comme un canaque

Putain d’ta race

Un beur qui claque »

Elle ne s’est pas prise pour Coluche, singeant « le flic » : « Oui ! Je sais, j’ai l’air un peu con. Mais l’uniforme y est pour beaucoup », ni pour Boris Vian : « La police est sur les dents, celles des autres, évidemment. »

On dit ça, on dit rien.

Loïc Le Clerc


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message