Mouvement national-socialiste aux Pays-Bas (fondé le 14 décembre 1931)

lundi 26 décembre 2022.
 

Historiens et manuels scolaires réduisent de plus en plus le fascisme aux nazis allemands et à la shoah. Or, les Pays Bas sont le pays d’Europe occidentale où la communauté juive a perdu la plus forte proportion des siens, suite à la persécution par des Néerlandais, en particulier du NSB, objet de cet article.

Ce parti hollandais est caractérisé comme nazi par tous les spécialistes ayant écrit des ouvrages sur le fascisme.

1) Le NSB de 1931 à 1939

Après le Krach de 1929, le gouvernement hollandais mène une politique d’austérité et de florin fort pour échapper à l’inflation et ainsi protéger les placements financiers. Cela ne pouvait que provoquer un fort chômage, un accroissement des inégalités, une grande misère même dans une part importante de la population. L’extrême droite populiste s’avère capable de protéger les riches (d’où son implantation essentiellement dans le milieu bourgeois politiquement "libéral") tout en s’adressant efficacement de façon démagogique aux pauvres par un programme autoritaire.

En cette année 1931, la crise économique, sociale et culturelle génère dans tous les pays d’Europe une floraison de mouvements d’inspiration fasciste. Tel est le cas aussi aux Pays-Bas où deux fortes personnalités politiques (Anton Mussert et Cornelis van Geelkerken) réussissent à les rassembler dans un même projet qui aboutit en décembre à la création d’un mouvement unifié.

Le congrès de fondation comme le premier meeting public se déroulent à Utrecht, fief traditionnel des catholiques conservateurs, royalistes et intégristes depuis quatre siècles. Le siège du parti se fixe également à Utrecht. Cependant, le nom même du mouvement indique bien l’influence du parti national-socialiste allemand sur cet homologue néerlandais.

Ce nom "Mouvement national-socialiste aux Pays-Bas" prouve qu’il se considère comme la branche hollandaise du nazisme international. Ceci dit, il développe une idéologie impérialiste vis à vis des Indes néerlandaises (Indonésie actuelle).

Durant ses premières années, le NSB (Nationaal-Socialistische Beweging in Nederland) recrute surtout dans les milieux privilégiés du pays qui veulent maintenir leur ordre sécuritaire, économique, social et idéologique. Le "Dictionnaire historique des fascismes et du nazisme" résume les travaux des historiens en écrivant « Le parti connut un succès immédiat et recrutait ses adhérents essentiellement dans la bonne société (militaires de carrière, planteurs revenus dans la mère patrie, nobles et demi-nobles, étudiants et membres des classes moyennes...). »

Le nombre d’adhérents progresse très vite, s’élargissant vers les paysans à la campagne, commerçants, artisans et habitants des banlieues aisées en milieu urbain. De 900 en 1933, il passe à 21000 en 1934, 33000 en 1935, 52000 en 1936.

Electoralement, la progression est tout aussi nette avec 44 sièges gagnés dans les parlements provinciaux en 1935. « L’électorat du NSB réside essentiellement dans la classe moyenne : fonctionnaires, agriculteurs, commerçants et soldats soutenaient le parti. La majorité de ses électeurs... sont généralement assimilés au quatrième pilier de la société néerlandaise, la plus faible et le plus hétérogène, le pilier libéral (mouvance libérale), sans y être pleinement intégrés. » (Wikipedia)

A partir de 1936, le NSB connaît une crise due :

- à l’attitude hostile du gouvernement qui interdit les milices armées, décision qui vise particulièrement les WA (troupes d’assaut) du NSB

- à la condamnation du parti par l’Eglise catholique qui isole les cléricaux du NSB par rapport au milieu pratiquant large.

- à l’ambition contradictoire de deux chefs (Anton Mussert et Meinoud Rost van Tonningen). La montée dans l’appareil du second (appuyé par le NSDAP allemand) entraîne une évolution idéologique se rapprochant encore plus du nazisme allemand (antisémitisme en particulier)

2) Le NSB collabore avec l’Allemagne nazie de 1940 à 1945

En mai 1940, l’armée à la croix gammée franchit la frontière, bombarde Rotterdam, occupe l’ensemble des Pays Bas. Hitler nomme Arthur Seyss-Inquart comme Commissaire du royaume pour diriger le pays.

Le NSB devient le seul parti autorisé. Son nombre d’adhérents monte rapidement aux environs de 100000. La population est considérée comme aryenne par le Commissaire et par Hitler lui-même d’où une volonté de la nazifier idéologiquement. Environ 25000 hollandais s’engagent dans la Wehrmacht et la Waffen-SS (en particulier la 23e Panzerdivision de volontaires SS Nederland et la 34e division SS de grenadiers volontaires Landstorm Nederland qui combattent sur le front de l’Est).

L’existence du NSB comme parti nazi hollandais a eu des conséquences dans la violence de la répression vis à vis de Résistants généralement fusillés sur place.

L’existence du NSB a limité la possibilité de construction d’une Résistance nationale par sa présence dans la population permettant une répression ciblée. Ainsi, en 1943, plus d’un million de postes de radio ont été confisqués pour faire cesser l’écoute de la BBC alors que cela n’a pas eu lieu en France.

L’existence du NSB comme parti nazi hollandais a eu des conséquences surtout pour la population juive du pays qui subit une persécution plus dure qu’en France ou Italie, essentiellement organisée par des Néerlandais. Les déportés sont arrêtés par des Néerlandais, passent par des camps de transit tenus par un bataillon SS hollandais... Sur 140000 juifs vivant aux Pays Bas au début de la guerre, 107000 sont déportés parmi lesquels seulement 5000 survécurent. Sur soixante mille Juifs déportés à Auschwitz, 972 ont survécu. Sur trente-quatre mille Juifs déportés à Sobibor, seulement deux ont revu les Pays-Bas. Les Pays Bas représentent le pays où la population juive a été la plus meurtrie pendant la guerre après l’Allemagne et la Pologne. Un tiers des habitants ayant caché des Juifs est exterminé pendant la guerre, pourcentage considérable par rapport aux autres pays occupés.

Le traitement tyrannique et destructeur des juifs commence dès 1940 par des mesures de recensement et d’exclusion (de la défense, de la fonction publique, des universités) qui provoquent rapidement des réactions significatives, en particulier des manifestations étudiantes.

Les unités de combat du NSB, les WA (Weerbaarheidsafdeling) reconstituées, organisent des provocations, intimidations et agressions fréquentes dans le quartier juif d’Amsterdam qui mènent à la première grande rafle avec déportation vers les camps de concentration (11 février 1941).

Pourtant, parmi les quatre grands "piliers" communautaires néerlandais (ouvriers et gauche, catholiques, protestants, bourgeois libéraux), seul le quatrième sera sérieusement entamé par le NSB.

Le mouvement ouvrier et socialiste, malgré des trahisons fait preuve d’une combativité exceptionnelle avec trois grèves durant la guerre :

- celle de février 1941, à Amsterdam, principalement contre la déportation des juifs. Organisée par des membres du Parti Communiste (clandestin puisque interdit) grâce à leur implantation parmi les salariés de la ville, elle toucha surtout les transports publics dans la ville. Au cours de la journée, la grève s’étendit à la métallurgie, les chantiers navals et quelques autres secteurs plus minoritaires. D’autres villes qu’Amsterdam commençaient à être touchées lorsque les nazis déclenchèrent une répression à la hauteur de l’évènement : la seule grève générale anti-pogrom à avoir eu lieu en Europe occupée par les nazis.

- celle d’avril-mai 1943 contre le projet allemand de renvoyer en captivité les soldats néerlandais ;

- celle des chemins de fer de septembre 1944 pour soutenir l’avancée des armées alliées.

La Résistance passive communiste et socialiste a été significative.

En juillet 1942 et février 1943, le clergé catholique et protestant lit dans les églises et temples une lettre commune de protestation, contre la persécution des Juifs en particulier.

Comment expliquer ces résistances au nazisme ? Il est vrai que :

- considérant les Néerlandais comme des aryens, Hitler ne maintint pas une administration civile néerlandaise (contrairement à la France par exemple) mais s’appuya sur une administration fasciste (Allemands, Hollandais autour de Seiss-Inquart, autrichien).

- le « service du travail » (Arbeitseinsatz) obligeant tout homme de 18 à 45 ans à travailler dans les usines allemandes (400000 hommes concernés) a suscité une opposition.

- le pillage économique au service de l’Allemagne en guerre ne pouvait faire plaisir

- le ravitaillement devint de plus en plus difficile, particulièrement durant les derniers mois de guerre

- la construction du Mur de l’Atlantique créait des désagréments pour la population.

Il est probable aussi qu’une forme d’humanisme culturel diffusé dans la population depuis la Renaissance et la révolution bourgeoise du 16ème et 17ème siècle a limité la nazification idéologique qu’espéraient le NSB et les responsables allemands de l’occupation.

Jacques Serieys


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