J’ai entendu entonner cette chanson par les anciens de mon village d’Entraygues :
ceux qui avaient porté haut leurs idées autour du quotidien L’avant-garde avant 1914,
ceux qui avaient subi une dure répression après 1918 de la part du ministère de l’intérieur de la Chambre bleu horizon qui les caractérisait comme "fief du communisme révolutionnaire"
ceux qui avaient refusé unanimement d’entrer en 1940 dans la Légion Française des Combattants parce qu’ils n’étaient "ni racistes, ni fascistes"
ceux qui avaient stoppé net le bataillon mécanisé de la Wehrmacht qui remontait les 15 et 16 août 1944 du Languedoc vers la Normandie...
A ma connaissance, cette chanson restée anonyme date du Premier empire (certainement 1810 comme l’indiquent les paroles). Durant mon enfance, je l’ai entendue sur l’air de la Complainte de Mandrin.
Dans Souvenirs de mon enfance, le journaliste Fernand Momméja, proche de Clémenceau, commence ainsi son récit d’une journée de Conseil de révision vers 1900 dans le canton d’Entraygues.
"Aujourd’hui on tire au sort à Entraygues. La preuve, c’est que tout à l’heure, une bande a débouché au tournant de Condat en chantant :
Les Maires et les Préfets,
Sont tous des mauvais sujets,
Les Maires et les Préfets,
Sont tous des mauvais sujets.
Ils nous font tirer au sort, tirer au sort, tirer au sort,
Ils nous font tirer au sort
Pour nous conduire à la mort !
*
Adieu donc mes chers parents
N’oubliez pas votre enfant !
Adieu donc mes chers parents
N’oubliez pas votre enfant !
Scrivez lui de temps en temps, de temps en temps, de temps en temps,
Scrivez lui de temps en temps
Pour lui envoyer d’l’argent !"
J’ai trouvé sur le web cette version sur un autre air et des paroles un peu différentes. Pour l’écouter, cliquer sur l’adresse URL ci-dessous :
https://www.youtube.com/watch?v=EqX...
Plus connue en occitan, elle a été chantée par Claudi Marti
https://www.youtube.com/watch?v=2FV...
et Lo Dalfin
J’ai préféré mettre en ligne ci-dessus les paroles chantées durant mon enfance à Entraygues. Elles me paraissent probablement plus proches de la version originale,
pour des raisons d’accent languedocien (région d’origine). Je ne crois pas que des occitanophones aient pu entonner à l’époque par exemple « L’maire et M’sieur le préfet », ni le "Languedô", ni...
pour des raisons de simplicité populaire en ce qui concerne les paroles. Par exemple, je ne vois pas des bandes de conscrits chanter que « l’maire et m’sieur le préfet sont de mauvais cadets ». Par contre, je les imagine bien plus balancer, sous le 1er empire, que« les maires et les préfets sont des mauvais sujets ».
Le répertoire des conscrits le jour des conseils de révision était assez nettement contestataire quoique souvent hétéroclite : paillard et anticlérical, patriote et antimilitariste...
Pour les couplets dont je ne me rappelle pas bien, j’ai laissé ci-dessous la version disponible sur le web.
Je suis-t-un pauvre conscrit
De l’An Mil huit cent dix
Je suis-t-un pauvre conscrit
De l’An Mil huit cent dix
Faut quitter le Languedoc, (3)
Faut quitter le Languedoc
Pour aller à la mort
*
REFRAIN
Les Maires et les Préfets,
Sont tous des mauvais sujets,
Les Maires et les Préfets,
Sont tous des mauvais sujets.
Ils nous font tirer au sort, tirer au sort, tirer au sort,
Ils nous font tirer au sort
Pour nous conduire à la mort !
*
Adieu donc mes chers parents
N’oubliez pas votre enfant !
Adieu donc mes chers parents
N’oubliez pas votre enfant !
Scrivez moi de temps en temps, de temps en temps, de temps en temps,
Scrivez moi de temps en temps
Pour m’envoyer d’l’argent !
*
Adieu donc mon tendre coeur,
Vous consolerez ma soeur,
Adieu donc mon tendre coeur,
Vous consolerez ma soeur,
Vous lui direz que votre enfant, que votre enfant, que votre enfant,
Vous lui direz que votre enfant
Est parti au régiment !
*
Qui a fait cette chanson ?
En sont trois jolis garçons.
Qui a fait cette chanson ?
En sont trois jolis garçons.
Ils étaient tailleurs de bas, tailleurs de bas, tailleurs de bas,
Ils étaient tailleurs de bas,
Et maintenant ils sont soldats !
Lo conscrit de 1810
Ièu soi un paure conscrit
De l’an mila uèit cent dètz (bis)
Cal daissar lo lengadòc, lo Lengadòc lo Lengadòc
Cal daissar lo Lengadòc
Per se’n anar a la mòrt.
*
Luènh d’aicí i a un país
De nèu blanca, de cèl gris (bis)
Nos i cal anar morir, anar morir anar morir
Nos i cal anar morir
Per l’Emperaire e son filh.
*
Lo rector e lo regent
Nos an parlat plan longtemps (bis)
Partissèm fòrça contents, fòrça contents fòrça contents
Partissèm fòrça contents
Serèm sus lo monument.
*
Mainatz-vos Lengadocians
De faire d’autres enfants (bis)
N’auràn besonh dins vint ans, dins vint ans dins vint ans
N’auràn besonh dins vint ans
Negres e Republicans.
*
Vos a escrit un gojat
Nascut pròche vòstre ostal
Dormís, a pro caminat, pro caminat, pro caminat
Dormís, a pro caminat,
E son conte es acabat.
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