La fracture entre le Parti Socialiste et les ouvriers (Texte Trait d’Union)

dimanche 2 juillet 2006.
 

Les ouvriers constituent le cœur historique de la base sociale du mouvement socialiste. Ils partagent avec les employés les mêmes conditions objectives d’existence et forment avec eux un vaste bloc sociologique recouvrant aujourd’hui encore la majorité du salariat de notre pays. La défense de leurs intérêts et l’amélioration de leur condition devraient donc logiquement être au cœur de l’action et du projet d’un Parti qui revendique les suffrages du plus grand nombre de nos concitoyens.

Pourtant, le vote ouvrier pour notre parti décline inexorablement, même si cette chute n’est pas linéaire. Ainsi, en 1978, un tiers des électeurs socialistes étaient des ouvriers. En 1981, 74% des ouvriers votent pour Mitterrand et 44% votent socialistes aux législatives de la même année. En 1984, un quart de l’électorat socialiste est ouvrier, 10% aux européennes de 1994. Le 21 avril 2002, Lionel Jospin n’a récolté que 13% des suffrages ouvriers. Entre la présidentielle de 1995 et celle de 2002, notre candidat a maintenu son score chez les cadres mais l’a divisé par 2 chez les ouvriers. Lorsqu’il s’est retrouvé face aux ouvriers de LU, les médias n’ont pas manqué de stigmatiser sa difficulté à leur parler et son incapacité à leur offrir des réponses.

Le message des urnes est donc clair : notre parti ne comprend plus les ouvriers et ne se fait plus comprendre d’eux. L’élimination de notre candidat en 2002 consacre la fin d’une relation privilégiée depuis un siècle entre le monde ouvrier et les partis de gauche. En outre, lors du référendum du 29 mai 2005, 79% des ouvriers ont voté non (59% contre Maastricht), alors même que le Parti portait officiellement le oui dans les deux cas. Par cette contribution, nous voudrions aider notre Parti à enrayer cette fracture qui compromet durablement le retour de la gauche au pouvoir. Nous devons répondre pour cela à une série de questions difficiles. Comment expliquer ce divorce ? Comment analyser les transformations de la condition ouvrière ? Dans quelle mesure le discours socialiste contribue-t-il à l’invisibilisation des catégories ouvrières ?

I La situation ouvrière en France

A. Les transformations de la condition ouvrière et l’amoindrissement de la conscience de classe

Les structures économiques se sont modifiées en profondeurs au cours du 20ème siècle contribuant à faire chuter le nombre d’ouvriers ces dernières décennies. En 1954, 61% de la population active était composée d’ouvriers (record relatif) ; en 1975, on comptait 9 millions d’ouvriers (record absolu). En 2000, les ouvriers ne sont plus « que » 6 millions. Le déclin semble net. Mais les ouvriers représentent encore 28% de la population active. En outre, les familles ouvrières demeurent le principal groupe social français puisque 40% des enfants sont élevés dans une famille où un des deux parents est ouvrier. Ainsi, malgré une diminution relative de leur nombre, les ouvriers représentent encore une part centrale de la population active.

Depuis les années 1920, et plus encore pendant les 30 glorieuses, le modèle d’organisation du travail était majoritairement celui de l’usine, lieu du travail rassemblant un grand nombre d’ouvriers dans un même espace. Le compromis fordien était le pendant de l’organisation taylorienne au sein des usines : la hausse régulière des salaires constituait la contre partie d’un travail harassant. Aujourd’hui, avec la montée en puissance du toyotisme, ce modèle s’est désagrégé. On assiste à un éclatement et à une multiplication des sites de production du fait du déclin de la grande industrie. L’éclatement du collectif de travail rend plus difficile les mécanismes d’identification ouvrière. La multiplication du phénomène de sous-traitance renforce cet éclatement et complique la représentation syndicale. L’ouvrier est séparé de ces camarades, ce qui fragilise la conscience de classe ; on se trouve en face du risque de disparition d’un référentiel commun.Les espoirs de promotions internes sont mis à mal par la polarisation entre opérateurs et ingénieurs, sans possibilité de promotion professionnelle et salariale. D’anciens métiers qui étaient des vecteurs fondamentaux de la culture de classe ont disparu.

Marx décrivait ainsi le processus de conscientisation ouvrière : « Le développement de l’industrie, non seulement accroît le nombre de prolétaires, mais les concentre aussi en masses sans cesse grandissantes ; la force des prolétaires augmente et ils en prennent mieux conscience ; les collisions individuelles entre l’ouvrier et le bourgeois prennent de plus en plus le caractère de collisions entre deux classes. Les ouvriers commencent alors à former des coalitions (syndicats) contre la bourgeoisie ; ils s’associent pour la défense de leurs salaires. ». Or l’industrie ne se développe plus. Le groupe ouvrier demeure une classe en soi car ses conditions d’existence et ses intérêts sont objectivement homogènes ; mais pour pouvoir activement défendre ses intérêts, les ouvriers peinent à entretenir une conscience de classe et à garder confiance dans leur capacité à changer la société. Pour celà, le rôle des mobilisations syndicales et des partis politiques ouvriers (communiste mais aussi socialiste) reste primordial. Du fait des attaques contre le droit du travail, on assiste aussi à une féodalisation des rapports au travail qui contribue à faire reculer la conscience collective.

B. Face à cette réalité, la prééminence de l’idéologie libérale.

L’idéologie dominante tend à vouloir nier l’existence même des ouvriers. Elle est aujourd’hui relayée par la puissante machine médiatique qu’il s’agisse de la télévision de la radio ou de la presse écrite. Au sein des médias, les ouvriers sont soit f olklorisés soit le plus souvent absents. Ils ne sont présents dans aucune émission, encore moins dans les fictions qui survalorisent et idéalisent des classes moyennes et supérieures largement minoritaires dans la société. Ils n’apparaissent finalement que dans le journal de 20 heures lorsqu’ils sont licenciés et donc perdent leur condition sociale. Non content d’avoir minoré leur rôle dans la société, l’idéologie dominante va jusqu’à nié leur utilité économique, notamment à travers tout un discours mensonger sur « la fin du travail » ou l’avènement de « l’économie virtuelle ».

Le mépris du travail ouvrier est particulièrement visible au niveau éducatif. Le système organise une filière d’excellence et une filière de l’échec. Ainsi l’image de l’excellence est véhiculée par les filières générales. Hors de ce parcours, un mépris de classe s’exprime envers l’enseignement professionnel. Cet enseignement de très bonne qualité permet pourtant aux ouvriers français de bénéficier des meilleures qualifications au monde et de compter parmi les plus productifs. Malgré ces réussites, ces filières sont présentées comme le seul choix des élèves en difficultés. Ces préjugés dominants reproduisent un vieux mépris pour le travail, déjà identifié en son temps par Diderot qui a montré qu’il renvoyait à la distinction d’ancien régime entre le noble (qui ne travaille pas) et l’ignoble (le tiers état qui travaille). Cette idéologie, qui imprègne encore toute la société, a aussi influé sur le discours socialiste.

II La Gauche soumise à l’idéologie dominante

A La désouvriérisation du discours

En le nommant, on offre une existence au groupe. Or, en même temps que se transforme la société industrielle de la France du XXe siècle s’opère, à travers des luttes symboliques, le vieillissement des mots sociaux qui servent à la décrire : ouvrier, patronat, classe ouvrière. Cette dévalorisation de la condition ouvrière a été intégrée par de nombreux jeunes qui aujourd’hui refusent catégoriquement cette dénomination, comme si elle était honteuse. La majorité sociologique d’une société en vient ainsi à être niée dans sa dignité. Parallèlement, en se désouvriérisant, le langage socialiste contribue à son niveau au processus de désobjectivation du groupe. Alors que tout au long des années 1970, la référence à la classe ouvrière était omniprésente et que le congrès d’Epinay se donnait pour but la « défense des intérêts du prolétariat », il n’est pas fait mention une seule fois du mot ouvrier dans la motion majoritaire au congrès de Dijon en 2003.

Cette désouvriérisation est également ostensible sur les affiches socialistes. Il est loin le temps où ces dernières proclamaient « le PS avec les OS » ou mettaient en scène un ouvrier en bleu de travail pour dénoncer la politique de Giscard d’Estaing.

A l’inverse, J-M Le Pen s’adresse explicitement à la classe ouvrière, comme dans son appel du 25 avril 2002 : « Vous les mineurs, les métallos, les ouvriers et les ouvrières de toutes ces industries ruinées par l’euro mondialisme de Maastricht ». Celui qui est objectivement le pire ennemi de la classe ouvrière est l’un de ceux qui sait le mieux se faire entendre et comprendre d’elle.

Quant au diagnostic préparatoire au projet socialiste de 2005 , il constate presque avec indifférence l’occultation contemporaine de la réalité ouvrière : « La permanence du chômage de masse, le déclin relatif de l’industrie dans la part des actifs occupés, les délocalisations ont installé l’idée que les ouvriers n’ont plus d’avenir en tant que groupe social. La tertiarisation, la substitution progressive des qualifications d’opérateur et de technicien à celle d’ouvrier, ont contribué à donner un corps idéologique à ce présupposé. En fait, les ouvriers représentent encore près de 30% des salariés. Plus de 40% des employés, contre 29% des ouvriers, ont le sentiment d’appartenir aux classes moyennes. » Ce paragraphe n’est qu’une compilation de données statistiques qui ne propose aucun recul critique sur le mythe sociologique de la « classe moyenne ». La référence permanente à la « classe moyenne » figure pourtant parmi les armes préférées du discours libéral pour dissoudre la menace politique que pourrait représenter la majorité sociologique du pays. Pire, les théories anglo-saxonnes sur la « moyennisation » et « la société complexe » ont complètement pénétré dans une partie du discours socialiste qui entretient ainsi les conditions de domination intellectuelle et morale du plus grand nombre.

B Le capitalisme horizon indépassable ?

Lors du congrès d’Epinay, la ligne de rupture avec le capitalisme prévaut, et on valorise le positionnement de gauche. Citons Mitterrand pour nous en convaincre : « Réforme ou révolution ? J’ai envie de dire oui, révolution. Violente ou pacifique, la révolution c’est d’abord une rupture. Celui qui n’accepte pas la rupture, celui qui ne consent pas à la rupture avec l’ordre établi, politique, avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, il ne peut pas être adhérent du Parti socialiste. »

La ligne de « la rupture avec la rupture » est pourtant aujourd’hui largement admise dans la direction du Parti. Un renversement politique et même philosophique dont l’ampleur a été en partie dissimulée aux militants du Parti. Le tournant de la rigueur et l’abandon des politiques de relance en 1983, le consensus tacite sur l’économie mixte et l’inutilité des nationalisations en 1988 ont déjà contribué à affaiblir l‘opposition historique entre socialisme et libéralisme. En 2000, L. Jospin déplorait face au conflit social de Vilvoorde : « l’Etat ne peut pas tout » , au JT de 20 heures . Mais cette impuissance se manifestait dès le milieu des années 1980, face au déclin de la sidérurgie que nous avions promis de maintenir à flot . Un représentant des ouvriers exprime sa colère à l’égard d’un député socialiste en ces termes : « nous, ouvriers, nous vous démissionnons ».

Dans cette situation, le PS ne donne pas de signification idéologique à la montée des inégalités. Or c’est paradoxalement quand les inégalités régressent que la conscience de classe gagne du terrain et quand elles se développent que la mobilisation devient plus ardue. Pour le plus grand nombre qui vit concrètement dans des conditions d’oppression, l’utilité du PS ne va donc plus de soi.

C. La division du prolétariat dans les discours socialistes.

Le principal succès de l’idéologie dominante est d’avoir réussi à créer une division secondaire au sein du prolétariat et a la présenter et la faire accepter comme plus importante que la division principale Capital / Travail. Il s’agit de la division entre ceux qui ont (un peu) et ceux qui n’ont rien. Le thème de l’exclusion substitue donc à l’ancienne conflictualité de classe une distinction entre ceux qui sont dotés d’un emploi plus ou moins stable et ceux qui ne peuvent compter que sur les maigres et aléatoires prestations de l’assistance. La question sociale est posée sous l’angle unique et résiduel du chômage et de la dualité inclus/exclus, ce qui amène à négliger des thèmes comme le pouvoir d’achat, les conditions de travail, les conséquences de la flexibilité. C’est dans ce cadre qu’apparaissent des luttes sectorielles : les mouvements des sans. Ils ont pour ambition de conscientiser une frange de la population qui se situe hors de la classe ouvrière. Ces mouvements sont minoritaires et ne peuvent pas lutter contre la puissance de l’idéologie dominante qui continue de diviser le prolétariat.

La première conséquence de cette division est l’abandon relatif par certains syndicats des revendications de bases du mouvement ouvrier (hausse des salaires, baisse du temps de travail). Le nombre des luttes revendicatives diminue. Le mouvement ouvrier est dans une position défensive. La réforme des 35h est à ce point significative. Il ne s’agit pas en premier lieu d’améliorer la vie des ouvriers mais de partager le travail.

A cette division inclus / exclus s’ajoute une division basée sur le concept de moyennisation qui a rencontré un fort écho au sein de notre parti. La direction du Parti a ainsi pu théoriser l’émiettement de la société et adopter une vision continuiste de la structure sociale. Dans le diagnostic 2005, on retrouve le thème de la société complexe : « nous sommes dans une société fragmentée. Cela demande de faire évoluer notre grille d’analyse qui date des années 1970, 1980. Mais si on ne peut plus parler de classes au sens propre, il y a bien des principes collectifs d’organisation et de domination à l’œuvre » Faire évoluer les grilles d’analyse mais pour aller où ? Il y a bien une absence de vision alternative du monde dans laquelle une grande partie des ouvriers pourraient se reconnaître. Avec l’abandon du discours sur le conflit principal entre capital et travail, un nombre croissant d’entre eux disparaissent dans l’abstention. Quand ils ne sont pas dressés les uns contre les autres en étant séduits par des divisions secondaires en leur sein : appartenance religieuse, identité régionale voire crispation xénophobe. Poussé à bout par les fascistes, le vieux mécanisme de substitution de la question nationale et raciale à la question sociale risque ainsi de contaminer une partie croissante du salariat. Pour nous, il y a donc urgence à ouvrir les yeux et à retourner ces engrenages dangereux.

L’idéologie dominante et ses conséquences dans le discours de la Gauche n’ont pas non plus été sans effets sur le comportement des ouvriers face à la politique. Ils se font sentir au sein des partis (diminution des effectifs, modification sociologique) mais également dans le rapport des ouvriers avec le vote démocratique.

III La politique et les ouvriers

A Les ouvriers et le parti socialiste

Gramsci écrivait à propos du mouvement ouvrier : « Il faut veiller attentivement à ce qu’il y ait homogénéité entre dirigeants et dirigés car chaque classe sociale secrète ses propres attitudes et sa propre idéologie. ». L’absence d’homologie sociale entre les électeurs ou sympathisants du parti et leurs propres membres contribue à entretenir des incompréhensions et provoquer des réactions de rejet.

Embourgeoisement

La chute du nombre d’ouvriers dans les rangs du PS est très marquée : ils représentent 5% des adhérents aujourd’hui contre 10% en 1985.

Les adhérents socialistes présentent un haut niveau de formation : alors que 29% de la population française a un niveau d’étude égal ou supérieur au bac, ils sont 66% dans les rangs socialistes. Dès les années 1950, les mineurs ne vont plus dans les sections ; ils s’y sentent mal à l’aise en présence du maître d’école qui signale leur faute d’orthographe et les entorses qu’ils font subir à la langue française. Ce décalage peut amener les ouvriers à se sentir illégitimes en section, lors de prise de parole ou de rédactions de contributions par exemple. En effet, chaque groupe social n’a pas la même capacité à exprimer son point de vue en public. Les différences de capital culturel jouent donc un rôle primordial et contribuent à rendre invisibles les catégories populaires au sein même du parti. Un tel décrochage n’aurait pas été possible si le Parti n’avait pas abandonné progressivement ses pratiques d’éducation populaire et de formation idéologique et politique de ses militants.

Enfin, 56% d’entre nous déclarent consacrer moins d’une heure par semaine à leur militantisme, ce qui parait trop peu pour développer une activité structurée et régulière envers les ouvriers. D’autant que cette activité partisane présente un caractère épisodique, moins marqué en période non électorale. Ainsi d’une part les militants qui résidaient traditionnellement dans les quartiers populaires ne peuvent plus convaincre autour d’eux, et d’autre part, le militantisme des adhérents restant ne permet pas des interactions assez fréquentes et assez longues avec ces milieux sociaux. On assiste donc à une véritable désagrégation des relais militants.

· Notabilisation et technocratisation

L’essentiel des membres de nos instances nationales appartiennent aux classes supérieures. Même inconsciemment, ils ont ainsi une certaine vision du monde, partagent un habitus similaire et souvent malgré eux une représentation commune des classes populaires. L’augmentation du nombre d’énarques et de hauts fonctionnaires au sein des instances nationales contribue aussi à une forte technicisation du discours qui le rend peu lisible.

En outre, notre parti est un parti d’élus. En 1998, plus d’un tiers des adhérents socialistes avait détenu ou détenait un mandat, ce qui tend à professionnaliser le parti, au détriment de la vie militante. Les principaux élus municipaux sont, pour beaucoup d’entre eux, en place depuis les élections de 1977. Cette notabilisation contribue à la dépolitisation du discours politique local : lors des élections municipales de 2001, le principal axe de campagne était la proximité, thème apolitique dont peuvent se prévaloir les candidats de n’importe quel parti. Or la politisation des enjeux locaux a constitué historiquement un puissant facteur de mobilisation politique de ces groupes. Pendant longtemps, pour s’implanter dans les milieux ouvriers, les socialistes politisaient les activités sociales à priori non politiques, de façon de donner à l’adhésion le sens d’une dimension existentielle globale.

Le PS ne réunit donc pas dans son état actuel les conditions formelles pour voir les ouvriers s’identifier à lui. Le principal écueil de cette distance sociale paraît être une indifférence accrue du PS vis-à-vis des ouvriers, aggravée par le crédit excessif accordé aux sondages d’opinion. L’alliance si particulière entre la classe ouvrière et les intellectuels propre à la France depuis Jaurès s’est défaite dans les vingt dernières années. Il s’est développé au PS une méconnaissance profonde des conditions d’existence des classes populaires, voire un réel désintérêt. A partir du moment où ont cédé les digues qui protégeaient les ouvriers du regard méprisant des élites, les processus de dévalorisation massive de la condition ouvrière a pu se donner libre cours. Le slogan ‘‘ Et nous les OS ?’’ clamé dès les années 1980 reflète ce sentiment d’abandon. Les ouvriers se sentent injustifiés d’exister en tant qu’ouvriers.

B. La nécessité de l’union des gauches

Gramsci nous enseignait déjà que les travailleurs ne pouvant se permettre des divisions, ils ne doivent avoir qu’un seul parti. Cela renvoie à la nécessité de l’union des gauches qui n’est plus aussi largement reconnue que dans le passé dans notre parti.

Le programme commun de gouvernement de 1972, qui entérine l’union de la gauche, constituait une référence idéologique de poids. Il a été rédigé en partie en entreprise, par les travailleurs, ce qui influence évidemment son contenu. Ces premières stratégies de rassemblement depuis le Front populaire furent payantes si l’on considère qu’elles ont dominé la gauche durant toutes les années 1970 et continué à faire sentir leur influence après la victoire de 1981. Ces événements ancrèrent dans l’esprit des socialistes le fait que la reconquête du pouvoir était impossible sans le rassemblement de la gauche. Nos camarades du PCF participant à cette Union, des pans entiers du groupe ouvrier pouvaient s’y reconnaître.

La gauche plurielle de 1997 n’est ainsi qu’une lointaine parente de l’union de la gauche ; elle s’est faite en l’absence de toute base théorique commune et de programme, et n’a pas permis le regroupement de la gauche le 21 avril 2002. Aujourd’hui, en l’absence d’une union des gauches sans exclusive, il apparaît chimérique de réconcilier durablement le PS et l’ensemble de la gauche avec les ouvriers.

C L’espoir du 29 mai 2005 : le retour des ouvriers en politique

Le 29 mai, le caractère censitaire du vote a disparu. Les ouvriers ont voté massivement, même de manière plus importante que les autres groupes sociaux. Pour la première fois depuis 1981, le postulat selon lequel l’abstention était proportionnelle au niveau de revenu a été laminé. Pour tous les républicains, cela constitue une formidable victoire. Ainsi, il faut remarquer que les ouvriers vont voter quand ils ont l’impression que leur vote peut changer leur vie. Le rejet du libéralisme, la volonté de défendre des principes républicains tels que la laïcité ont été des éléments déterminants dans la décision d’aller voter. D’autant que ce vote a correspondu avec un renouveau historique des revendications salariales qui marque aussi le réveil d’une partie de la classe ouvrière dans le mouvement social.

Il ne s’agit donc plus d’obéir à des consignes de votes issues de partis décrédibilisés à leurs yeux. Ce scrutin renforce la division existante entre notre parti et sa base sociologique naturelle. Le 29 Mai dernier, 79% des ouvriers ont voté non, a rebours de la ligne officielle du parti. Au lieu de s’enfermer, de bunkeriser sa direction dans des certitudes invalidées par nos électeurs, le PS devrait entendre ce message et agir en conséquence. Les socialistes se trouvent face à la nécessité absolue de saisir l’opportunité que constitue ce vote de classe pour bâtir une alternative à gauche.

Mardi 12 juillet 2005

Contribution thématique présentée par Yves CARROY (CN BF CR CM 63), Bastien LACHAUD (92), Laurent MAFFEÏS (BF 92), Raquel GARRIDO (bureau CNE 75)


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