Le scandale du lait chinois contaminé prend de l’ampleur (8 articles du Monde)

dimanche 28 septembre 2008.
 

L’affaire de la contamination par la mélamine de produits laitiers chinois prend chaque jour une ampleur croissante. Selon le ministère chinois de la santé, cette contamination a déjà imposé la prise en charge médicale de 53 000 jeunes enfants dont près de 13 000 restaient hospitalisés mardi 23 septembre.

Officiellement, quatre décès de nourrissons ont été enregistrés et plus d’une centaine de ces enfants sont toujours dans un état grave. Le gouvernement chinois a fait savoir qu’il « acceptait la démission » de Li Changjiang, responsable de l’administration en charge du contrôle de qualité.

Ce scandale agroalimentaire est aussi en train de se propager à l’étranger. Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, Michel Barnier, ministre français de l’agriculture, a demandé, lundi 22 septembre, que l’Europe renforce ses contrôles sur les importations de produits alimentaires et notamment celles en provenance de Chine.

Un nombre croissant de pays asiatiques et africains suspendent leurs importations de tous les produits laitiers fabriqués dans l’empire du Milieu. Des distributeurs asiatiques prennent aussi, de leur propre initiative, la décision de retirer les aliments potentiellement contaminés par la mélamine, parmi lesquels des yaourts, des pains au lait, des bonbons ou des chocolats.

Pour sa part, la multinationale alimentaire suisse Nestlé a choisi de réaffirmer, lundi 22 septembre, que ses produits laitiers élaborés en Chine n’étaient pas contaminés par la mélamine. Nestlé reconnaît toutefois que certains d’entre eux pouvaient contenir des traces de cette substance chimique, mais dans des proportions qui permettent d’affirmer que ces aliments ne présentent aucun danger sanitaire. Nestlé précise que dans un lot - depuis retiré du marché - de lait liquide « Nestlé Dairy Farm UHT Pure Milk », des tests ont révélé des traces de mélamine à hauteur de 1,4 ppm (partie par million) soit un niveau de vingt fois inférieur à la limite tolérée par l’Union européenne. Celle-ci est située à 30 ppm, une tolérance due notamment au fait que la mélamine peut être présente dans les emballages.

« ESPRIT DE LUCRE »

« Nous sommes depuis vingt ans présents en Chine où nous avons une vingtaine de sites industriels et nous ne pouvons pas rester silencieux, déclare Robin Tickle, porte-parole de Nestlé. Nous ne sommes en rien impliqués dans des pratiques frauduleuses, nourries par un esprit de lucre. Ces fraudes ont conduit à mettre sur le marché des laits ou des produits dérivés où l’on pouvait trouver des taux allant jusqu’à 4 000 ou 5 000 ppm. »

Présente dans les aliments, la mélamine provoque une altération de la fonction rénale due à la formation de calculs. Plusieurs questions demeurent aujourd’hui sans réponses quant aux raisons qui ont conduit à cette fraude industrielle de grande ampleur, commise par de nombreux opérateurs chinois de l’industrie des produits laitiers. Une des hypothèses les plus vraisemblables est que la présence de mélamine permettait de masquer le coupage du lait avec de l’eau en laissant croire que les concentrations en protéines étaient normales.

Jean-Yves Nau

* Article paru dans le Monde, édition du 24.09.08.

Le scandale du lait contaminé chinois s’étend à d’autres produits et la censure menace

SHANGHAÏ CORRESPONDANT

Douze nouvelles arrestations, le maire de Shijiazhuang renvoyé, des milliers d’inspecteurs envoyés dans les centres de collecte laitiers à travers toute la Chine, des hôpitaux spécialement désignés pour traiter gratuitement les enfants malades (comme à Shanghaï, où 100 enfants seraient contaminés), le gouvernement chinois fait feu de tout bois pour limiter les dégâts d’un scandale sanitaire qui a pris de l’ampleur. Et en atténuer les retombées sur l’opinion publique chinoise et internationale.

CCTV, la télévision chinoise, a annoncé, jeudi 18 septembre, que de la mélamine (composant chimique présent dans le plastique) avait été décelée dans les produits laitiers liquides cette fois (et non plus seulement la poudre pour bébé) de trois acteurs majeurs du secteur, Mengniu, Yili et Shanghai Bright Dairy, qui dominent le marché de Shanghaï. Mengniu, le numéro un chinois du lait, fournit la chaîne américaine Starbucks. Selon l’administration générale en charge de la supervision alimentaire, les quantités décelées seraient toutefois insuffisantes pour « nuire à la santé d’un adulte de plus de 60 kg pour 2 litres de laits ingérés par jour ».

Parallèlement, les inspections menées à Hongkong ont confirmé la présence de mélamine dans huit autres produits de Yili, dont des boissons et des glaces. Quatre bébés sont, à ce jour, décédés. Si la rapidité de réaction de Pékin a été louée par le représentant en Chine de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Hans Troedsson, celui-ci a néanmoins encouragé les autorités chinoises à déterminer s’il n’y avait pas eu dissimulation de la part des autorités locales.

Lors d’une conférence de presse, jeudi à Shijiazhang, la capitale du Hebei où se trouve le siège de Sanlu, le vice-gouverneur de la province, Yang Chongyong, a reconnu la responsabilité des autorités locales. Sanlu, a-t-il admis, a tenté d’étouffer l’affaire et d’acheter le silence des consommateurs et des médias avant d’avertir le gouvernement municipal de Shijiazhang le 2 août. Celui-ci n’aurait alors prévenu le gouvernement de la province que le 9 septembre. A son tour, la province a tardé à prévenir le gouvernement central.

A ces non-respects de procédure s’ajoutent d’autres failles du système : les plus gros fabricants de produits laitiers, comme Sanlu, étaient exemptés d’inspections sanitaires au motif qu’il fallait « aider les sociétés qui produisent des produits de haute qualité et compétitifs à l’international en évitant de leur faire subir des tests répétés », explique le China Daily, qui annonce la suppression des exemptions par le gouvernement.

Surtout, le secteur des produits laitiers, marché très récent en Chine, est au coeur d’enjeux commerciaux considérables. Il représentait, en 2007, 18 milliards de dollars de revenus, deux fois plus qu’en 2003, selon Euromonitor International. Les géants du lait s’y livrent bataille par le biais de campagnes de publicité de grande ampleur : ainsi Mengniu est connu pour avoir sponsorisé le très populaire concours de chant SuperGirl. Yili a été partenaire des Jeux de Pékin. Sanlu a lui aussi beaucoup investi dans la publicité ; des stars chinoises vantent la qualité de ses produits dans des annonces télévisées et la marque a tout fait pour associer son nom à la santé et au progrès scientifique. Que Sanlu ait été l’un des seuls grands acteurs du secteur associé à un étranger (le néo-zélandais Fonterra) a également joué en sa faveur.

Certains commentateurs sur Internet font un lien direct entre la lutte contre l’inflation du gouvernement et le recours à la mélamine pour diminuer leurs coûts. Un article dans ce sens posté hier sur un forum de discussion de Tianya n’était déjà plus accessible vendredi matin. La presse chinoise a reçu l’instruction de n’utiliser que les dépêches officielles pour traiter de l’affaire du lait.

« Le gouvernement s’acharne à mettre les médias et les citoyens au pas, nous empêchant de superviser le gouvernement et le secteur privé : rien de telle pour aggraver la crise du système », écrit sur son blog Lian Yue, connu pour avoir sensibilisé l’opinion publique autour d’un projet de raffinerie à Xiamen en 2007.

Brice Pedroletti

* Article paru dans le Mondeédition du 20.09.08.

PRUDENCE À BRUXELLES

Suite à cette affaire, la Commission européenne a indiqué vendredi 19 septembre avoir demandé aux pays de l’Union de renforcer leurs contrôles aux frontières sur les importations de produits laitiers. Bien que la Chine « n’exporte pas de produits laitiers dans l’Union européenne », selon la Commission, par mesure de précaution, il est « demandé aux Etats membres de renforcer les contrôles aux frontières » sur tous les produits laitiers, afin de s’assurer que des produits chinois ne pourraient pas parvenir en Europe via des réimportations en provenance de pays tiers. (- avec AFP)

Le « made in China » inquiète les autorités sanitaires

SHANGHAÏ CORRESPONDANT

Le scandale du lait frelaté en Chine attire à nouveau l’attention sur les failles en matière d’hygiène et de qualité des produits alimentaires chinois, malgré les réformes en cours et de nombreuses « campagnes de rectification » menées tambour battant.

Le président chinois, Hu Jintao, a lui-même dénoncé, vendredi 19 septembre, à mots voilés, la corruption de cadres du Parti dans les provinces concernées par la crise du lait frelaté. « Ces affaires montrent que certains cadres ont perdu le sens des principes de l’intérêt général et des responsabilités », a-t-il indiqué.

En 2004, l’affaire de la poudre de lait pour bébé contrefaite par de petits ateliers et vendue sous la marque Sanlu, qui s’était soldée par la mort d’au moins 13 bébés, avait servi d’électrochoc. La multitude de petits fabricants du secteur agroalimentaire est un casse-tête pour les inspecteurs sanitaires. Un tiers des 450 000 fabricants de produits alimentaires répertoriés en Chine n’auraient pas de licences, et 78 % emploient moins de 10 personnes, selon le Livre blanc sur la sécurité alimentaire de 2007. Difficilement contrôlables, ils sont prêts à tout : de la sauce de soja fabriquée à partir de cheveux humains ramassés dans les salons de coiffure aux nouilles contenant du plomb en passant par les « snacks », amuse-gueules dont les Chinois sont friands, remplis d’insecticide. Plusieurs cas d’empoisonnement aux médicaments ont été relevés.

EMIETTEMENT DES RESPONSABILITÉS

Cette fois, la présence de mélamine dans la poudre de lait implique des acteurs puissants de l’industrie laitière. Un reporter du quotidien de Hongkong South China Morning Post, qui s’est rendu en Mongolie intérieure, a pu constater auprès des centres de collecte de Yili et de Mengniu que les lots de lait qui ne passaient pas les tests de qualité étaient souvent rachetés à bas prix et probablement recyclés dans la fabrication de poudre de lait.

En 2007 et 2008, plusieurs affaires de produits frelatés fabriqués en Chine ont eu un retentissement à l’étranger. Le gluten de blé contaminé à la mélamine a tué des milliers de chiens et de chats aux Etats-Unis. De l’héparine, un anticoagulant fabriqué à partir de matières premières extraites de l’intestin de porc, dont la Chine est le premier fournisseur mondial, a fait des dizaines de morts en Amérique. Des composants toxiques auraient été ajoutés dans certains lots car ils permettaient d’économiser de la matière première en « mimant » l’efficacité anticoagulante de l’héparine. De la même manière, de la mélamine a été ajoutée dans le lait et le gluten de blé pour faire croire à un apport de protéines.

Ces scandales à répétition ont poussé le gouvernement chinois à réformer le système de supervision du secteur alimentaire et sanitaire. Il a, notamment, tenté de réduire l’émiettement des responsabilités parmi les organismes chargés du contrôle de l’hygiène et de la sécurité alimentaire, partagées entre des ministères, des agences et le gendarme de l’industrie, l’Administration générale de la supervision de la qualité, de l’inspection et de la quarantaine (Aqsiq).

La corruption dénoncée par le président chinois n’est pas nouvelle. En juillet 2007, l’ancien directeur général de l’administration de tutelle de la sécurité alimentaire a été exécuté pour avoir approuvé la mise sur le marché de médicaments qui ont ensuite provoqué la mort de centaines de personnes. Le 2 août 2008, un haut responsable de l’Aqsiq s’est suicidé à Pékin car il était suspecté d’avoir reçu des pots-de-vin.

Un projet de loi concernant l’hygiène et la sécurité alimentaire, en cours d’examen, prévoit la prison à vie pour la fabrication de produits alimentaires frelatés, et la mise en place d’un système de suivi des produits. Ce texte a néanmoins été allégé suite aux réticences des industriels, notamment étrangers, inquiets de voir leurs coûts s’alourdir.

Pour pallier ces déficiences, les Etats-Unis ont obtenu de la Chine que la FDA (Food and Drug Administration) installe 15 de ses inspecteurs à Shanghaï, Pékin et Guangzhou, à partir d’octobre.

Brice Pedroletti

* Article paru dans le Monde, édition du 21.09.08.

LES PRÉCÉDENTS SCANDALES

2004.

Des Yo-Yo susceptibles de se casser se révèlent contenir un liquide contaminé par des bactéries fécales.

2006.

Des traces de colorant industriel cancérigène sont détectées dans des poulets.

2007.

Découverte, dans du dentifrice, de diéthylène glycol, produit potentiellement mortel utilisé dans les antigels. Des dizaines de personnes en seraient mortes en Amérique latine.

Plusieurs millions de jouets vendus, aux Etats-Unis, par Thomas and Friends et le groupe Mattel, sont rappelés à cause de leur peinture au plomb. Puis, 4 millions de boîtes de jouets sont retirées du marché américain en raison de la présence d’un solvant adhésif toxique.

2008.

Au Japon, dix personnes sont hospitalisées à cause de raviolis surgelés contenant des pesticides.

La justice américaine se saisit d’une affaire d’aliments pour animaux contenant de la mélamine, qui ont tué plus de 4 000 chiens et chats.

Scandale du lait contaminé à la mélamine. Au moins quatre enfants sont morts et des milliers d’autres sont contaminés.

Les crises sanitaires entraînent un renforcement des systèmes de contrôle

La mondialisation croissante des échanges commerciaux alimentaires implique-t-elle que l’affaire des produits laitiers chinois contaminés par la mélamine puisse prendre une dimension internationale ? La chaîne canadienne de supermarchés T & T a certes décidé, vendredi 19 septembre, de retirer par précaution de ses rayons tous les yaourts liquides produits par les sociétés chinoises Mengniu et Yili, impliquées dans ce nouveau scandale sanitaire. L’Agence canadienne d’inspection des aliments a toutefois indiqué n’avoir, pour l’heure, engagé aucune procédure de rappel d’aliments.

Ni l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ni l’Autorité européenne des aliments n’ont jugé nécessaire de formuler des recommandations spécifiques.

En juillet 2007, après la découverte aux Etats-Unis de mélamine d’origine chinoise dans des aliments pour animaux et des farines pour poissons, l’OMS avait « invité instamment tous les pays à renforcer leur système de sécurité sanitaire des aliments et à se montrer beaucoup plus vigilants à l’égard des producteurs de denrées alimentaires et de ceux qui en font le commerce ».

L’histoire montre que le renforcement des systèmes de sécurité sanitaire n’est mis en oeuvre qu’après l’éclatement de crises qui, parce qu’elles renvoient au spectre de l’empoisonnement collectif, ont toujours un grand écho dans l’opinion. C’est ainsi que les dispositifs actuellement en vigueur en Europe, généralement tenus pour être performants, résultent pour une bonne part de la considérable émotion suscitée par l’affaire dite de la « vache folle ».

Reste aujourd’hui à observer quelles seront les conséquences de la contamination d’un produit aussi symbolique que le lait, maternisé ou pas, par un composé chimique que l’on utilisait à d’autres fins et censé simuler, dans le cas présent, la présence de protéines. La volonté chinoise de développer son commerce avec le reste du monde devrait, en toute logique, conduire Pékin à mettre en oeuvre au plus vite les recommandations formulée par l’OMS ; une organisation dirigée par le docteur Margaret Chan, citoyenne de nationalité chinoise.

Jean-Yves Nau

* Article paru dans le Monde, édition du 21.09.08.

L’Europe augmente son niveau de vigilance sur les importations de produits laitiers

Le scandale du lait chinois contaminé par de la mélamine incite l’Europe à augmenter sa vigilance, même si la Chine n’y exporte pas de produits laitiers. La Commission européenne a demandé aux Etats membres de l’Union, vendredi 19 septembre, de renforcer leurs contrôles.

Il s’agit de s’assurer qu’aucune importation chinoise de ce type ne passe entre les mailles du filet, via des réexportations de la part de pays tiers commerçant dans ce domaine avec la Chine.

L’UE a également réclamé aux autorités chinoises un compte rendu exhaustif de cette crise, et des sanctions contre toute tentative d’étouffer l’affaire. « Notre priorité est de garantir l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement européenne », a rappelé, à Pékin, Robert Madelin, directeur général de la santé et de la protection du consommateur de la Commission européenne. Aucun cas d’intoxication lié à la consommation de produits laitiers chinois n’a, selon lui, été signalé en Europe.

CLAUSE DE SAUVEGARDE

L’exportation de produits laitiers n’a été jamais autorisée de la Chine vers l’Europe, selon la Direction générale de l’alimentation française. En 2002, un embargo portant quasiment sur l’ensemble des produits d’origine animale a été décidé par les Européens, à la suite d’une visite de contrôle en Chine de l’Office alimentaire et vétérinaire européen.

Cet organisme avait alors jugé que le plan de surveillance des résidus dans les produits chinois, qui permet de détecter les traces de médicaments vétérinaires ou de contaminants environnementaux n’était pas assez solide. L’organisme avait alors demandé que l’UE actionne une clause de sauvegarde.

Depuis, cet embargo a été levé pour ce qui concerne les crustacés, les produits de l’aquaculture ou encore la viande de lapin et les produits à base de volaille. Mais pas pour les produits laitiers.

En revanche, Singapour a annoncé, vendredi, la suspension de l’importation des produits laitiers chinois. Enfin, deux des compagnies incriminées ont exporté des produits au Burundi, au Gabon, au Bangladesh, en Birmanie et au Yémen, qui n’ont pas encore réagi officiellement.

Laetitia Clavreul

* Article paru dans le Monde, édition du 21.09.08.

Lait frelaté en Chine : un haut responsable démissionne

Le patron de l’administration chinoise chargé du contrôle de qualité, Li Changjiang, a démissionné, lundi 22 septembre, dans le cadre du scandale du lait contaminé à la mélamine, a annoncé l’agence Chine nouvelle.

Le ministère de la santé a annoncé, dimanche, que 12 892 enfants avaient été hospitalisés. Quatre enfants en bas âge sont morts depuis la mi-septembre après avoir bu du lait en poudre mélangé à de la mélamine, une substance toxique utilisée dans la fabrication de colles et de plastiques. Le dernier bilan officiel faisait état de trois enfants décédés et 6 244 bébés malades à des degrés divers.

Vendredi, le numéro un chinois, Hu Jintao, a dénoncé le comportement des autorités locales dans cette crise, estimant que certains cadres avaient perdu le sens des « responsabilités » et de l’« intérêt général ». Des responsables locaux de la province du Hebei (Nord), siège d’une des principales sociétés laitières mises en cause, ont été accusés de laxisme et limogés.

LEMONDE.FR avec AFP

Censure sur mesure sur le Net

Premier moteur de recherche chinois avec plus de 60 % du marché local (contre 25 % pour Google), Baidu a-t-il fourni à l’entreprise Sanlu, le fabricant de la poudre de lait frelatée, une sorte de censure « sur mesure », permettant d’expurger de ses résultats de recherche toute information négative sur la marque ?

Les internautes chinois en sont convaincus : début septembre, quelques jours après que le scandale du lait frelaté a éclaté, des sites d’information chinois font état d’un échange de lettre entre Sanlu et une supposée agence de relations publiques, début août.

A l’époque, la contamination est encore secrète. L’agence conseille à son client de recourir à un service proposé par Baidu, pour 3 millions de yuans (303 000 euros), afin de « gérer et contrôler les informations » à son sujet.

Les internautes font des tests : en tapant plusieurs phrases relatives à Sanlu (associé à « enfant », ou bien « calculs rénaux »), ils obtiennent cent, voire mille fois moins de résultats sur Baidu que sur Google en chinois.

Le site Tianya, qui héberge des forums de discussion très populaires, lance même un sondage : 57 % des 4 100 participants au vote déclarent, entre autres, qu’ils n’utiliseront plus Baidu. La firme aura tôt fait de démentir et de lancer une contre-attaque en règle dans les médias : la lettre serait un faux et Baidu ne s’est jamais livré à de tels écarts déontologiques.

Le mélange des genres entre une recherche censée être relativement objective et les impératifs commerciaux a toujours rendu certains moteurs de recherche suspects. Mais en Chine, les sites Internet chinois, dont les moteurs de recherche pratiquent une autocensure avérée, peuvent être forcés de supprimer des contenus « sensibles » pour des raisons politiques.

Baidu est depuis longtemps critiqué pour incorporer massivement les résultats payants dans ses recherches - identifiés depuis peu par un sigle discret - alors que Google les place à part.

« En Chine, il faut savoir que lorsqu’un annonceur signe un contrat publicitaire avec un site, il n’est pas rare que celui-ci propose comme service l’effacement manuel des informations négatives pour la société. Avec 253 millions d’usagers Internet, le marketing et les relations publiques en ligne sont d’une importance considérable pour toutes les entreprises », estime Liu Ning, analyste pour le consultant BDA, spécialisé dans les nouvelles technologies à Pékin.

Début septembre, The Register, un site anglais, publiait un long rapport sur l’un des services de recherche de Baidu, le « MP3 Search Service », qui guide directement l’usager vers des sites de téléchargement de musique en format MP3. L’enquête révèle qu’une écrasante proportion des recherches est aiguillée vers des sites pirates, au détriment des sites légitimes. Et qu’en outre, tout un système de contournements empêche que s’affichent les avertissements de violation de droits d’auteur.

Brice Pedroletti

* Article paru dans le Monde, édition du 23.09.08.

NAU Jean-Yves, PEDROLETTI Brice, CLAVREUL Laetitia


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