Sœur Emmanuelle et les chaînes publiques (tribune libre sur le site Le Grand Soir)

jeudi 23 octobre 2008.
 

Hier, dans le journal de France 2 à 13 h, près de 30 minutes ont été consacrées (c’est le cas de le dire !) au décès de soeur Emmanuelle. Et presque autant au journal de 20 h, sans préjudice des infos sur France Inter (et sur tous les médias en général).

Remarques :

1. Dans une période où s’annonce la crise financière (et - malheureusement - sans doute aussi, économique) la plus terrible depuis 1929, avec des conséquences incalculables sur l’ensemble des économies mondiales, il paraît étrange de stériliser autant de temps d’information pour un événement de si peu d’importance. De peu d’importance parce que la fondation soeur Emmanuelle va continuer sans sa créatrice, et parce que, pour autant que cette fondation se dévoue, elle ne représente néanmoins qu’une microscopique partie du soulagement des misères du monde.

2. Subrepticement, sous couvert des activités humanitaires de la soeur Emmanuelle, les médias instillent l’idée que le dévouement, l’abnégation, l’attention aux autres, le social sont organiquement liés à la religion (et même, plus spécialement, à la religion atholique). Cette insistance à mêler les deux (et à réhabiliter insidieusement la charité en lieu et place de la justice sociale) nous avait déjà été administrée à l’occasion des reportages sur la mort (et même la vie) de l’abbé Pierre et de la mère Teresa. Cela fait bon marché et de ceux qui accomplissent la même chose au sein d’autres religions - ou même dans des cadres strictement laïques - et, plus généralement, cela déplace la priorité vers le rafistolage des injustices mondiales plutôt que vers leur éradication. Et cela donne bonne conscience à peu de frais à l’opinion occidentale.

3. Enfin, alors que la France est officiellement laïque, alors que les églises sont désertées, alors que les séminaires se vident, alors que certains préceptes religieux (sur la sexualité, la morale, le couple) sont de plus en plus contestés - ou même ignorés - y compris des catholiques, l’insistance à mettre en vedette le catholicisme, à toute occasion et à intervalles rapprochés - le mois dernier c’était le pape (à une autre occasion les obsèques du cardinal Lustiger), tout cela apparaît pour le moins désobligeant pour tous les Français qui ne partagent pas cette foi. Et même pour ceux qui la confessent...

ARNAUD Philippe


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