5 mai 1981 : Assassinat de Bobby Sands par Margaret Thatcher et les conservateurs britanniques

vendredi 19 mai 2023.
 

Irlande du Nord : Gerry Adams doit immédiatement être libéré ! (Alexis Tsipras, Jean-Luc Mélenchon...

0) Con Bobby Sands, hasta la victoria siempre

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L’histoire humaine couve chaque jour d’innombrables tragédies. Ainsi, Bobby Sands, de famille catholique, habitait enfant dans un quartier protestant (ce qui veut dire très majoritairement réactionnaire en Irlande du Nord), avait de jeunes amis protestants et jouait au football en portant des couleurs nationalistes protestantes, parce que Bobby était un bon gars et ses parents de braves gens sans histoire.

Mais voilà, un jour leur maison est attaquée par de sinistres abrutis protestants couverts par la police et l’administration anglaise. Il doivent donc quitter leur monde pour le quartier de Twinbrook qui a poussé au fil des drames permanents de milliers d’Irlandais obligés comme les Sands de fuir la sauvagerie. Bobby devient apprenti carrossier mais se voit menacé de mort par de sinistres abrutis protestants couverts par la police et l’administration anglaise.

Il rejoint alors l’IRA, apprend la langue gaélique, devient un excellent militant. Incarcéré pour quatorze ans sans raison évidente, il subit le traitement habituel des adversaires politiques des libéraux anglais, à savoir l’inhumanité la plus totale. Porteur de revendications humanitaires minimes, Margaret Thatcher refuse tout.

Bobby engage une grève de la faim qui ne touche pas le coeur de pierre de Maggy... et Bobby meurt le 5 mai 1981 après soixante-six jours de grève de la faim, le 5 mai 1981, sans avoir recouvré le statut de prisonnier politique. Bobby Sands est donc décédé selon la volonté de la droite britannique.

Le journaliste Sorj Chalandon a parfaitement rendu compte de la première nuit suivant ce drame : Une nuit de mai comme seul novembre en ose. Une nuit de brouillard glacé, d’anoraks humides, d’écharpes relevées et de poings dans les poches. L’émeute avait cessé. Belfast chuchotait. La ville avait sa gueule grise. Celle des jours mauvais. Juste avant le drame, ou alors juste après. Tout allait renaître avec l’aube, les cris, les pierres et les bruits du feu. Bientôt, les vieilles reprendraient leur place sur les trottoirs, à genoux, leur rosaire à la main, nous le savions. Mais ce soir, tout se taisait. Tout se taisait parce que Bobby Sands était mort. Et que c’était impossible.

« Ne pose pas de questions. Ne prends pas de notes », avait dit notre accompagnateur. « Ne parle plus », a commandé un autre.

Que savons-nous de Bobby Sands ? En fait, rien. Ou peu. Ce que chacun savait de lui. Son visage, d’abord. Un sourire en noir et blanc sur les murs nationalistes, son regard à chaque fenêtre, au-dessus des cheminées, dans les portefeuilles, sur les agendas d’écoliers, piqué au revers des vestes, imprimé sur les maillots d’enfants, dans les pubs, les magasins, tatoué sur des peaux, brodé sur des drapeaux, en affiches, en calicots, en banderoles. Une photo. La même, toujours. La seule presque, prise en 1976 à la prison de Long Kesh. L’image unique que nous avions de lui.

« Respecte le silence », avait dit notre accompagnateur. C’était la nuit du 7 mai 1981. Nous étions à Twinbrook, un quartier catholique du sud-ouest de Belfast. Au coin des rues, dans les jardinets, contre les murs, adossés aux réverbères orangés, assis à quatre dans des voitures mornes, des femmes et des hommes faisaient le guet. Des combattants de l’IRA, des amis, des gamins larmes aux yeux, des jeunes dents serrées, des mères en peignoir, des voisins. La maison des Sands était de brique. Pareille aux autres. Avec juste un ruban noir accroché sur le seuil.

« Ne parle plus », avait dit l’homme. Il a frappé à la porte. Une entrée minuscule de papier peint, et l’escalier qui mène aux chambres. La chaleur, la maison. Ces endroits familiers où l’on se dit qu’on a la vie devant. Qu’il y aura des portes, et d’autres portes après, et des pièces à n’en plus finir jusqu’à croiser la mort. Et qu’on aura le temps. Le temps de s’y faire. Tout le temps. Et voilà que le salon s’ouvre. Et voilà que Bobby Sands est là.

Que savons-nous de lui ? Condamné à quatorze années de prison pour une arme de poing découverte sur lui à une époque où la police et l’armée britanniques ne protègent pas les républicains contre les agressions des "loyalistes". Bobby Sands devient un droit commun. Comme les autres, il refuse le costume carcéral. Comme les autres, il vit nu, recouvert de sa seule couverture de lit. Plus de visite, plus de courrier, plus rien.

Nous savons que le jeune homme s’improvise alors professeur de gaélique. Les mains en porte-voix, visage contre le mur de sa cellule, il hurle les mots de sa langue, il les chante, et les prisonniers récitent après lui. Tout cela, nous le savons.

Un matin de 1978, alors que des centaines de républicains vivent nus depuis deux ans, les Britanniques décident de confisquer leurs tinettes. Sands et les autres urinent sur le sol et répandent leurs excréments sur les murs des cellules. Les douches leur sont interdites. Ils sont lavés au jet.

En mars 1981, cela fait cinq ans que les hommes sont nus, et trois années qu’ils vivent dans leurs excréments. Nous savons que, sans l’aval de l’IRA, les hommes de Long Kesh entrent en grève de la faim. Bobby Sands a 26 ans. Nous savons qu’il prend le commandement des détenus républicains, et qu’il mène le jeûne. Les prisonniers ont cinq revendications. Simples à fendre l’âme, nous les savons. Les enfants les récitent, elles griffent les murs des villes, elles labourent les gorges à force d’être scandées. Pas d’uniforme carcéral, pas de travail obligatoire, libre association, une visite, un colis, une lettre par semaine et remise normale des peines.

C’est alors que nous avons rencontré son visage sur les murs. Ce regard et ce nom. Ses poèmes ont été récités, chantés, ses écrits brusquement découverts. « Notre revanche sera le rire de nos enfants », disait Bobby Sands. Nous savons que l’alouette, son emblème, est devenue symbole de résistance.

Après Bobby, Francis s’est porté volontaire. Et puis Ray, et Patsy, et Joe, Martin, Kevin, Kieran, Thomas et Michael. Nous le savons.

« Respecte le silence », nous avait dit cet homme. Le cercueil de Bobby Sands était levé, posé contre le mur, gardé par deux hommes de l’IRA en uniforme. Sur le satin blanc, un visage de cire. Poudré, maquillé de vie, du coton dans les joues. Ses os perçaient. Il était translucide. Entre ses doigts, le petit crucifix envoyé par le pape. Un visage, deux mains et puis rien. Un corps en creux. Posé sur son torse, le drapeau de la république, son béret noir et ses gants de soldat. Derrière, un canapé. Des amis, des proches. Ils parlaient bas. Ils parlaient dignes. Ils étaient soulagés. Depuis plus de deux mois, chaque regard irlandais portait sa mort en lui.

Nous savons beaucoup de Sands. Son visage, ses poèmes, son alouette, son combat pour la république et son espoir en la justice. Nous savons qu’il est mort le 5 mai 1981 à 1h17, après 66 jours de supplice. Nous savons qu’il avait 27 ans. Qu’il venait d’être élu député à Westminster. Nous savons que ses neuf camarades l’ont suivi dans l’agonie. Nous savons que Margaret Thatcher n’a pas cédé. Nous savons que jamais ce jeune homme n’a baissé la tête. Nous savons aujourd’hui le processus de paix.

« Ne prends pas de notes », avait dit l’homme, et nous avons gardé les mains vides. Pourtant, un mot nous reste. Un mot de plus, encore. Une phrase, écrite sur une carte pieuse déposée sur le corps, au milieu des autres, des saints éparpillés qui recouvraient sa mort. C’était une Vierge colorée et signée par plusieurs. En bas, à droite et au stylo rouge, il y avait une question : « Est-ce que demain se souviendra ? » Oui.

Tout militant de longue date croit porter tant de répulsion contre les puissants qu’une seule goutte supplémentaire ne trouverait pas de place. Pourtant, ce 5 mai 1981, je ne suis pas le seul à avoir grossi d’un litre de haine contre cette ignoble classe capitaliste britannique, aussi incapable d’humanité pour des irlandais socialistes sur la fin du 20ème siècle que pour des Kenyans, des Hindoux ou plus tôt des paysans anglais. Money is money, voilà leur seule raison de vivre et que meurent les jeunes sincères, demandant le respect de leur peuple et de sa langue, demandant seulement à ne pas être considérés comme des droits communs.

Quelle honte pour une nation de se donner comme premier ministre une conservatrice autoritaire typique, cousine germaine de Mussolini et Franco !. Ce genre de dirigeant s’octroie le droit d’écraser des populations de façon totalitaire puis de traiter en criminel enfin tuer comme à Dachau quiconque résiste.

L’histoire humaine comptera Margaret Thatcher parmi les salauds du 20ème siècle. Nous devons tout faire pour qu’elle n’oublie pas Bobby Sands, son sourire resplendissant sur sa photo de prisonnier pour que "notre revanche soit le rire de nos enfants".

J’ai confiance ! la mémoire des vaincus est bien plus forte dans le coeur des peuples que l’actualité factice servie par les actualités télévisées au service des milliardaires. Nous n’oublierons pas ce "gars de la classe ouvrière" qui se battait pour une "république d’Irlande souveraine, indépendante et socialiste" (écrits de prison).

Jacques Serieys

Bobby Sands en 7 dates

1954 Naissance à Belfast.

1972 Sa famille est expulsée du quartier par les protestants.

1972 Rejoint l’IRA.

1973 Condamné à cinq ans de prison.

1977 Condamné à quatorze ans de prison.

Avril 1981 Elu député à Westminster.

5 mai 1981 Meurt en grève de la faim.

3 mai 1979 : Margaret Thatcher, incarnation de la droite libérale implacable, devient première ministre britannique

2) Bobby Sands dans Hunger : mourir pour des idées le 5 mai 1981 (par Philippe Marlière)

CINEMA. Hunger, de Steve McQueen, caméra d’or au Festival de Cannes, retrace la grève de la faim de Bobby Sands, membre de l’IRA, décédé le 5 mai 1981

Le 5 mai 1981, Bobby Sands, membre de l’Irish Republican Army (IRA) emprisonné dans la prison du Maze près de Belfast, meurt après une grève de la faim qui a duré 66 jours. L’annonce de son décès provoque des scènes de violence en Irlande du Nord. Plus de 100000 personnes assistent à son enterrement. C’est à Steve McQueen, jeune cinéaste britannique, que l’on doit la mise en scène de cet épisode crucial de la lutte indépendantiste irlandaise. Hunger (Faim) a reçu la Caméra d’or, consacrée à un premier film en lice dans toutes les sélections lors du festival de Cannes 2008.

Une tragédie grecque

Hunger ne retrace pas les quelque quarante années de troubles en Irlande du Nord. À cet égard, le film est peu politique car la caméra n’essaye pas de donner un sens global au combat indépendantiste. À l’exception de rares séquences extra-muros, l’ensemble de l’action se déroule dans l’univers claustrophobique de la prison du Maze. Une telle approche est assez peu pédagogique, car elle n’explique pas aux spectateurs les plus jeunes ou les moins politisés, dans quelle mesure les événements de l’été 1981 ont pesé de manière fondamentale dans l’évolution du conflit.

À travers la figure-martyr de Bobby Sands, McQueen souhaite se concentrer sur deux aspects majeurs de la résistance nationaliste : d’une part, la nature totalitaire de l’ordre militaire imposé par l’État britannique sur l’île. D’autre part, en filmant minutieusement la lente déchéance physique et psychologique de Bobby Sands, McQueen propose une lecture quasi-métaphysique du jeûne : peut-on se laisser mourir de faim pour la défense d’une cause ? Peut-on volontairement mourir pour des idées ?

L’une des scènes les plus dures de ce film éprouvant montre un groupe de détenus républicains qui courent, nus, dans les couloirs de la prison. Ils tombent bientôt nez-à-nez avec un groupe de gardiens de prison en tenue anti-émeute. Ces derniers rouent les prisonniers de coups de matraque. Ce moment de sauvagerie sadique est pourtant le lot quotidien des prisonniers. Il illustre à l’envi la décision prise par l’État britannique de se débarrasser d’un problème politique par la violence.

Telle une tragédie grecque, le film se décompose en trois actes. Dans un premier temps, l’action évoque la campagne dite du dirty protest. La seconde séquence est un dialogue entre Bobby Sands et un prêtre catholique venu lui rendre visite. La scène dure 22 minutes ; 22 minutes d’un dialogue ininterrompu et tendu pendant lequel les deux hommes s’opposent sur la question de la grève de la faim : pour Sands, il s’agit d’un moyen au service d’une fin politique ; pour le prêtre, cette décision est hautement immorale. La troisième partie détaille les 66 jours de jeûne du cadre de l’IRA, son lent déclin physique. Les scènes de tabassage ont, selon McQueen, été tournées sans aucun trucage. Michael Fassbender, l’acteur irlando-allemand qui joue le rôle de Bobby Sands, a jeûné pendant 10 semaines avant de tourner la troisième partie du film.

Protestations et répression

La « protestation des couvertures » (the blanket protest) commence en septembre 1976 : un membre de l’IRA emprisonné refuse de revêtir l’uniforme des prisonniers de droit commun et demande, en tant que détenu politique, à conserver ses propres vêtements. Les autorités de la prison refusent d’accéder à sa demande arguant d’une nouvelle loi qui ne reconnaît plus aux membres de l’IRA le statut de prisonnier politique. Les combattants de l’IRA sont dorénavant considérés par l’Etat britannique comme des « criminels de droit commun ». Entièrement nus dans leurs cellules, été comme hiver, les prisonniers portent sur le dos une couverture crasseuse. Leur cellule ne comporte qu’un matelas et une bible.

À partir de 1978, la lutte pour la reconnaissance du statut politique prend une autre tournure, avec la « protestation sale » (the dirty protest). À la suite de nouvelles violences et brimades des gardiens, les prisonniers refusent de quitter leurs cellules et de se laver. Ils défèquent et urinent dans leurs cellules, prennent leurs excréments à pleine main et en recouvrent les murs de leur geôle. Leur urine ruisselle sous la porte de la cellule jusque dans les couloirs de la prison. Les déchets s’amoncellent et pourrissent dans un coin de la cellule. Les conditions de vie des prisonniers sont totalement inhumaines.

Le pouvoir thatchérien à Londres ne transige pas. En octobre 1980, les premières grèves de la faim ont lieu dans le bloc H de la prison, celui où sont détenus les membres de l’IRA. La Dame de fer ne recule toujours pas et le mouvement est interrompu avant d’avoir obtenu gain de cause. Entre alors en scène Bobby Sands, incarcéré depuis 1977 et condamné à 14 ans de détention. Sands veut relancer le mouvement de grève de la faim et, cette fois-ci, d’aller jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la mort. Il recueille les noms de 70 volontaires prêts à l’accompagner dans cet ultime combat. Bobby Sands est le premier à jeûner à partir du 1er mars 1981. Un nouveau gréviste doit rejoindre le mouvement toutes les deux semaines. Avant de mourir le 5 mai après 66 jours de grève de la faim, Sands est élu député de la circonscription de Fermanagh et de Tyrone sud le 9 avril, un poste qu’il n’occupera jamais. Lorsque le mouvement de grève est interrompu en août 1981, neuf autres personnes sont mortes de faim.

Pendant les sept mois que dure la grève de la faim, la province s’enflamme, les assassinats de part et d’autre se succèdent. Nombre d’entre eux touchent la population civile. Peu après la mort de Bobby Sands, 5000 étudiants manifestent à Milan et brûlent le drapeau britannique ; à Gand, des étudiants envahissent le consulat britannique ; à Paris, des milliers de personnes manifestent, à Nantes, St Etienne, Le Mans, Vierzon et St Denis, on inaugure des rues Bobby Sand ; à Oslo, des individus jettent un ballon rempli de sauce tomate en direction de la reine d’Angleterre. Partout dans le monde l’émotion est forte et le gouvernement Thatcher est montré du doigt.

En 1983, Londres accepte enfin les « cinq exigences » posées par l’IRA (dont celles d’être exempté du port de l’uniforme de prisonnier de droit commun ou de devoir travailler en prison). Le statut de prisonnier politique ne leur est cependant toujours pas octroyé. Jusqu’aux années 90, les membres de l’IRA seront présentés par les conservateurs et les médias britanniques comme un groupe de « délinquants » et de « criminels ».

Un tournant politique

Ces sept mois tragiques peuvent être vus comme un moment-clé du combat nationaliste. La lutte armée sera certes maintenue jusqu’aux accords de paix signés entre les parties belligérantes en 1998 (Good Friday Agreement). Toutefois, cette grève de la faim aura permis de politiser une population irlandaise jusqu’alors aveuglée par la violence sectarienne ou apathique. Bobby Sands et ses camarades auront affermi par leur action la conscience d’appartenance nationale au sein du camp républicain. Davantage, l’élection de Bobby Sands à la Chambre des Communes aura constitué bien plus qu’un acte symbolique. Une classe moyenne républicaine prend alors conscience qu’une Irlande réunie et indépendante est à la portée du bulletin de vote. À partir des années 80, la bourgeoisie catholique commence à voter en masse pour le Sinn Féin (l’organe partisan républicain, proche de l’IRA). Ce soutien ne s’est pas démenti à ce jour. On peut estimer que la solution politique négociée de 1998, qui permet aujourd’hui aux ennemis d’hier de cogérer ensemble la province, a paradoxalement pour origine les terribles événements de l’été de 1981.

Le film de Steve McQueen ne le montre pas et c’est regrettable : Bobby Sands n’était pas un personnage mystique et narcissique. C’était au contraire un militant intelligent et rationnel, un écrivain, un poète, un musicien. Dans ses écrits de prison qu’il nous a légués, il affirmait : « Je ne suis qu’un gars de la classe ouvrière, du ghetto nationaliste, mais c’est la répression qui crée l’esprit révolutionnaire de liberté. Je ne cesserai mon combat que lorsque j’aurai achevé la libération de mon pays, que lorsque l’Irlande sera devenue une république souveraine, indépendante et socialiste ».

Les dix membres de l’IRA qui ont mené la grève de la faim jusqu’au bout :

Bobby Sands, 27 ans, 66 jours de jeûne (1er mars-5 mai 1981)

Francis Hughes, 25 ans, 59 jours (15 mars-12 mai 1981)

Raymond McCreesh, 24 ans, 61 jours (22 mars-21 mai 1981)

Patsy O’Hara, 23 ans, 61 jours (22 mars-21 mai 1981)

Joe McDonnell, 29 ans, 61 jours (9 mai-8 juillet 1981)

Martin Hurson, 24 ans, 46 jours (28 mai-13 juillet 1981)

Kevin Lynch, 25 ans, 71 jours, (23 mai-1er aout 1981)

Kieran Doherty, 25 ans, 73 jours (22 mai-2 août 1981)

Thomas McElwee, 23 ans, 62 jours (8 juin-8 août 1981)

Michael Devine, 27 ans, 60 jours (22 juin-20 août 1981).

3) Un œillet rouge pour Bobby Sands

Il avait vingt-sept ans lorsqu’il est mort en prison après soixante-six jours de grève de la faim. Militant de l’IRA provisoire, il venait d’être élu député à la Chambre des communes du Royaume-Uni. C’était en 1981, Margaret Thatcher était premier ministre et faisait une guerre sans merci aux républicains irlandais.

Il y a trente ans, le 5 mai 1981, au terme de soixante-six jours de grève de la faim, mourait Bobby Sands, en Irlande du Nord, dans la prison de Maze. Cette prison, installée sur l’ancienne base de la Royale Air force nommée Long Kesh, fut d’abord un lieu de détention où l’armée britannique pouvait enfermer sans procès tout opposant à sa présence. Ainsi, en 1971, lors de l’opération « Démetrius », 450 hommes des quartiers catholiques de Belfast y furent parqués dans les H Blocks, des bâtiments en forme de H, dans des conditions très rudes. Bobby Sands avait vingt-sept ans. Après lui, dans les jours qui suivirent, moururent neuf autres prisonniers politiques qui, à son exemple, menèrent jusqu’au bout leur mouvement de protestation. La mort de Bobby Sands et de ses camarades provoqua une vague d’émeutes dans la population catholique irlandaise et ses funérailles furent suivies par 100 000 personnes. En France, même parmi ceux qui ne partageaient pas la stratégie et la tactique de l’IRA, la nouvelle suscita une très vive émotion.

Originaire d’une famille modeste de Newtownabbey, Bobby Sands avait quitté l’école tôt pour faire un apprentissage en carrosserie. « J’étais seulement un enfant de la classe ouvrière d’un ghetto nationaliste, écrit-il dans l’un de ses textes de prison. Mais c’est la répression qui a fait naître en moi l’esprit révolutionnaire de liberté." En 1972, à dix-huit ans, il avait rejoint l’IRA provisoire dont il était devenu un militant. La même année, des loyalistes (protestants favorables à la couronne d’Angleterre) obligèrent sa famille à quitter leur logement et à partir s’installer dans un autre quartier, à Twinbrook, dans l’ouest de Belfast. Une première fois, en 1972, Bobby fut condamné à quatre ans de prison pour détention d’armes à feu. Quelque temps après sa libération, en 1976, il se fit à nouveau arrêter, avec plusieurs de ses camarades, dans une voiture, après une fusillade avec la police royale d’Ulster et fut condamné à quatorze ans de prison.

En prison, Bobby Sands se retrouva bientôt officier commandant des membres de l’IRA et il contribua à relancer la lutte pour que leur soit reconnu le statut de prisonniers politiques, pour que soit mis fin aux mauvais traitements (passages à tabac et humiliations étaient monnaie courante de la part des gardiens), pour le droit de recevoir des visites et le droit de porter des vêtements civils. Devant la fin de non-recevoir obstinée opposée par les autorités anglaises, les prisonniers menèrent d’abord ce qu’on appela le « Blanket protest ». Refusant de porter l’uniforme des détenus, 300 d’entre eux décidèrent de rester en permanence nus ou seulement enveloppés d’une couverture, malgré le froid qui régnait dans la prison. Puis, ils durcirent leur mouvement. Ce fut le « Dirty protest » ou le « No wash protest » qui consista pour les prisonniers à refuser de se laver et même à étaler leurs excréments sur les murs… Thatcher continuant à faire la sourde oreille, ils décidèrent alors d’engager les uns après les autres la grève de la faim de telle manière que, si l’un d’entre eux mourait, le relais soit pris par ses camarades. Mais la « Dame de fer » refusa de se laisser fléchir… Ce mouvement suscita un grand écho. (En tous temps et en tous lieux, le martyre est une forme de lutte. Évidemment particulièrement efficace dans des pays où les sentiments religieux sont forts (comme hier dans l’Irlande catholique ou aujourd’hui dans le monde musulman). Mais cela vaut aussi pour ceux qui ont fait le choix de Prométhée, cette « religion » ou, en tout cas, cette foi en l’homme qu’est le communisme. Il suffit de penser à la force des exemples de Rosa Luxemburg ou Che Guevara…)

En avril 1981, après le décès d’un de leurs députés, les républicains présentèrent le prisonnier de Long Kesh aux élections législatives partielles. Et Bobby Sands fut élu. Ce qui conduira le gouvernement Thatcher à modifier la loi pour interdire à des prisonniers d’être candidats.

L’intransigeance dont fit preuve madame Thatcher pendant la grève de la faim et le cynisme qu’elle exprima ensuite (« Il a choisi de s’ôter la vie, a-t-elle déclaré. C’est un choix que son organisation ne laisse pas à beaucoup de ses victimes. ») ne furent pas pour rien dans l’émotion qui suivit sa mort.

(Avec le recul de ces années, je ne peux m’empêcher d’établir une relation entre cette attitude des conservateurs anglais et la façon dont l’État français actuel traite un certain nombre de militants emprisonnés, de George Abdallah aux membres d’Action directe, en passant par différents militants nationalistes ou intégristes  ; le refus de reconnaître un statut politique se doublant d’un véritable acharnement judiciaire et pénitentiaire).

Mais la détermination de Bobby Sands et de ses compagnons, ainsi que la force de leur conviction furent aussi pour beaucoup dans le mouvement de sympathie qui se leva. À certains égards, Bobby Sands n’était pas seulement une victime du système carcéral britannique, mais un combattant dont on pouvait comprendre et partager la cause. « Je n’arrêterai pas, avait-il écrit, tant que l’Irlande ne sera pas devenue une République, indépendante et socialiste. »

Vaincu dans la vie, Bobby Sands remportait dans la mort une victoire morale et devenait un martyr de la liberté.

À l’époque, comme la plupart des jeunes militants communistes, je fus profondément touché par cette mort et je réagissais avec mes moyens, en écrivant un poème qui fut diffusé en tract lors de manifestations. Puis, ce poème reproduit ci-après fut mis en musique et chanté par Mireille Rivat et un disque fut gravé qui connut une diffusion militante. De nombreux artistes à travers le monde réagirent aussi  : parmi eux, Léo Ferré ou le groupe Soldat Louis qui composèrent des chansons. Et l’acteur et cinéaste britannique Steeve MacQueen qui réalisa le film Hunger.

Poète et éditeur

Francis Combes

4) Réactions à l’assassinat de Bobby Sands

Pour visionner cette vidéo, cliquer sur l’adresse URL ci-dessous :

http://www.youtube.com/watch?v=3izo...

5) Paroles de la chanson Bobby Sands

Pour écouter cette chanson, cliquer sur l’adresse URL ci-dessous

http://www.youtube.com/watch?v=Cr3J...

Les chansons des rues de Belfast

Ont le même parfum d’Irlande

Elles pleurent comme le ciel de Belfast

Comme ont pleuré les yeux de Bobby Sands

*

Les chansons d’amour en Ulster

Font briller les yeux des filles

Parfois oublier l’Angleterre

Les militaires stationnés pour la vie

*

Les chansons de guerre à Belfast

Sont piégées de haine farouche

Pour hurler à la gueule d’en face

Pour eux il rest’ra toujours une cartouche

*

Refrain :

Chantez plus fort

Que le monde vous entende

Jurez à mort

L’insolente

Luttez encore

Comme pour l’indépendance

Aimez plus fort

Comme aimait Bobby Sands

Toutes les chansons d’Irlande du Nord

Se souviennent d’une dame de fer

Qui s’était jurée d’les voir morts

Un passeport catholique "Bon pour l’enfer"

*

Les chansons des pubs de Belfast

Trouvent même la bière militante

L’ivresse étant bien moins néfaste

Que l’arrogance de la classe protestante

*

Refrain

Les chansons d’curé en Irlande ont quelques âmes à défendre Si pour les deux côtés elles chantentsans arme, elles savent : pas d’miracle à attendre

Les chansons des mômes de Belfast sentent déjà bon la colère Pour qu’l’injustice n’ait plus sa place les poings serrés avant l’plastic du père

Refrain

Les chansons des rues de Belfast ont le même parfum d’Irlande elles pleurent comme le ciel de Belfast Comme ont pleuré les yeux de Bobby Sands comme ont pleuré leurs yeux pour Bobby Sands


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