Margaret Thatcher, de droite libérale totalitaire

vendredi 19 mai 2023.
 

1) Les causes du succès thatchérien de 1966 à 1990

2) Premier acte du thatchérisme : la préparation de la curée anti-ouvrière de 1979 à 1982

3) Deuxième acte du thatchérisme : l’attaque anti-ouvrière de 1983 à 1985

4) Troisième acte du thatchérisme : Offensive libérale et contradictions

De 1979 à 1990, Margaret Thatcher réussit à casser le mouvement ouvrier (avant Thatcher, près de 55% de la population active est syndiquée), à casser les acquis sociaux, à paupériser et insécuriser les milieux populaires au profit des nouveaux lords capitalistes, à casser les services publics et le secteur industriel nationalisé…

Elle fait également preuve d’une inhumanité fascisante vis à vis des prisonniers irlandais.

5 mai 1981 : Assassinat de Bobby Sands par Margaret Thatcher et les conservateurs britanniques

Margaret Thatcher, dame de fer, dame de fiel (par Philippe Marlière)

1) Les causes du succès thatchérien

Quatre raisons principales expliquent ce succès d’un « libéralisme » économique sans limite :

• De 1966 à 1974, le monde a connu un haut niveau de combativité sociale (24 millions de jours de grève en Grande Bretagne en 1972) mais cela n’a pas débouché politiquement d’où usure du combat, épuisement du syndicalisme, doute sur les perspectives, écart croissant de détermination entre milieux radicaux et masse des salariés, sectarisme entre courants politiques, repli des sociaux démocrates travaillistes sur leurs intérêts politiciens électoraux…

• De 1976 à 1979, le gouvernement travailliste de James Callaghan applique les consignes du FMI : réduction du coût des services publics, limitation draconienne des hausses de salaire malgré la hausse permanente des prix… Durant une première partie de son mandat, il justifie sa politique d’austérité par une faible croissance (2,8% du PIB) ; lorsque celle-ci repart à la hausse, il trouve d’autres justifications pour continuer la même cure d’austérité pour les salariés. L’électorat populaire déçu, croit de moins en moins dans l’utilité de la gauche pour améliorer ses conditions de vie.

• La bureaucratie syndicale britannique, très liée au parti travailliste dans ces années-là, soutient la politique d’austérité jusqu’à la veille de la victoire des conservateurs en 1979. Ensuite, Thatcher et le patronat vont jouer sur du velours face à des permanents totalement incapables de penser et de mener une lutte d’ensemble.

• Thatcher profite évidemment de 1979 à 1990 d’un contexte mondial marqué d’une part par un reflux de la combativité sociale, d’autre part par le rouleau compresseur du capitalisme financier transnational vecteur de l’hégémonie idéologique nouvelle du « libéralisme » hérité de Milton Friedman, Friedrich Hayek et James Buchanan.

2) Premier acte du thatchérisme : la préparation de la curée anti-ouvrière

Les conservateurs emportent les élections législatives du 4 mai 1979 avec à leur tête Margaret Thatcher, épouse d’un banquier, fille d’épiciers ruraux pour qui le Travail, la réussite individuelle, l’Ordre et la Morale traditionnelle fondent les vérités éternelles. Cela donne comme programme politique : la dérèglementation car toute protection sociale favorise les fainéants, la réduction au minimum du rôle de l’Etat au plan économique, la baisse des impôts pour les riches, des priorités budgétaires sécuritaires…

Dès son arrivée au pouvoir, la « Dame de fer » applique son programme de façon systématique : suppression du contrôle des prix, dérégulation du marché des capitaux…

Le principal objectif de Margaret Thatcher, c’est de casser le mouvement ouvrier (but commun du fascisme et du libéralisme reaganien). Or, le Trade Union Congress représente une force certaine dans les années 1970 : syndicat unique du pays, il compte 14 millions d’adhérents en 1980 (54% de la population active).

La première ministre choisit ses premiers angles d’attaque sur des terrains où elle peut espérer un certain isolement idéologique, médiatique et politique du syndicat : fin du monopole d’embauche, interdiction des grèves de solidarité, sanction des grèves sauvages… Dans un deuxième temps, elle n’attaque toujours pas le syndicalisme frontalement mais par étape (premières privatisations limitées par exemple dans les transports routiers), attendant comme un boxeur sur un ring, le bon moment pour frapper et porter le coup décisif.

En face, beaucoup de permanents syndicaux sont des pépères parvenus souhaitant surtout ne pas prendre de risque personnel. Ils auraient dû par exemple soutenir nationalement la grève de 13 semaines dans la sidérurgie au début 1980 sinon c’était ouvrir la porte à une défaite de chaque branche professionnelle isolée.

Une réussite de la Dame de Fer mérite d’être notée durant cette période : elle construit une hégémonie idéologique par une communication populiste cachant une pratique anti-ouvrière.

Elle poursuit ses largesses aux gros spéculateurs tout en flattant les petits du milieu populaire.

Elle poursuit la destruction des filets de protection sociale (logement, chômage…) tout en communiquant contre les élites… Résultat de cette primeur donnée à une communication ayant pour but d’isoler la gauche et les syndicats de leur base : en juin 1982, 44% des ouvriers non qualifiés et 52% des ouvriers spécialisés se déclarent satisfaits de cette chère Margaret.

Pour gagner cette sympathie dans le milieu populaire britannique, la Première Ministre a utilisé, sans aucun état d’âme, le même type de ressort idéologique que le nazisme ascendant en Allemagne : les étrangers désignés comme boucs émissaires et attaqués sans vergogne. Le processus s’avère « tout bon » pour la droite :

* effondrement des revenus et des protections des populations d’origine étrangère

* émeutes locales (Liverpool, Birmingham, Londres) vilipendées par les médias.

* utilisation de ces violences par le pouvoir politique qui se pose en défenseur de l’Ordre et du Royaume Uni historique face aux étrangers.

* afin de conserver en Grande Bretagne une réserve de travailleurs poussant les salaires à la baisse, soutien au communautarisme ethnique et religieux.

3) Deuxième acte du thatchérisme : l’attaque anti-ouvrière

Margaret Thatcher estime le moment venu d’attaquer :

• après son succès militaire des îles Malouines face à l’Argentine qui fait revivre les fantômes identitaires nationalistes britanniques avec en particulier la puissante navy maîtresse des mers.

• Après sa deuxième victoire aux législatives, en juin 1983.

Elle privatise alors en quelques mois les ports, les entreprises automobiles Jaguar et Rolls Royce, les télécommunications, British Airways, les aéroports, le gaz…

Elle casse le droit du travail et beaucoup d’acquis sociaux.

Dès 1983, les mineurs, cœur du mouvement ouvrier britannique, réagissent par cinq mois de grève des heures supplémentaires.

Ils luttent clairement contre une mesure symbolique de Thatcher : les restrictions au droit de grève.

Dès le 8 mars 1984, au début de la grande offensive thatchérienne, ils débutent une lutte historique du mouvement ouvrier international : un an de grève marqué par une mobilisation extraordinaire des 150000 mineurs, 80% de grévistes au 12 avril, une détermination exceptionnelle malgré les charges des forces de l’ordre, malgré deux morts parmi eux et des centaines de blessés, malgré les interpellations policières (7428 au 30 octobre 1984), malgré les promesses financières du patronat pour ceux qui reprendraient le travail et malgré la misère s’installant dans les foyers.

Si le syndicat des mineurs a fait son possible, on ne peut en dire autant des travaillistes, trop soucieux de réélection facile par alternance pour s’engager dans le soutien réel à une lutte ouvrière, incapables de penser l’articulation entre combat social et rapport de force politique. Ils soutiennent parfois verbalement les mineurs mais en les appelant sans cesse à la modération pour terminer la grève, en condamnant toute violence des mineurs alors qu’ils étaient sans cesse harcelés par la police. Le sinistre Neil Kinnock va compter dans l’échec de la grève.

Quant aux directions syndicales, elles vont faire preuve d’une veulerie infinie, incapables de trouver la forme d’un soutien réel aux mineurs même lorsque d’autres secteurs partent en lutte.

Au début, la grande majorité de l’opinion soutient les mineurs. Puis, peu à peu, radio et télévision en donnent une image violente et minoritaire.

Au début, le mouvement gréviste prouve son unité. Huit mois plus tard, 130000 mineurs sont toujours en grève mais des failles apparaissent entre les modérés et les plus déterminés.

Le 9 mars 1985, après un an de grève, les mineurs décident la reprise du travail.

4) Troisième acte du thatchérisme : Offensive libérale et contradictions

Margaret Thatcher peut terminer son travail de démolition des acquis sociaux britanniques et de promotion des lords capitalistes : allègement de la fiscalité sur les hauts revenus, mesures pour faciliter encore les activités financières de la City, nouvelles privatisations (British petroleum, sidérurgie, distribution d’eau…), compression draconienne de budgets comme la santé, le logement, les transports collectifs…

En 1989-1990, la Grande Bretagne connaît une grave crise financière et immobilière qui illustre à quel point le libéralisme porte en lui des contradictions insurmontables :

• pour lutter contre l’inflation qui rogne les revenus des rentiers, le gouvernement relève les taux d’intérêt

• de nombreux foyers populaires ne peuvent plus rembourser leurs emprunts soudain renchéris

• le nombre de sans-abri et de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté augmente rapidement (9 à 10 millions en 1994).

En 1990, Margaret Thatcher veut imposer une nouvelle réforme, la pool tax, pour diminuer les dépenses sociales du pays (ici celles des collectivités locales), pour obliger les gens à accepter n’importe quel travail, n’importe quel statut et n’importe quel salaire. Les élus locaux travaillistes mais aussi beaucoup de conservateurs craignent pour leur réélection.

Battue au sein de son propre parti, Margaret Thatcher se retire en novembre 1990 au profit de John Major. Cependant, les conservateurs emportent encore, pour la quatrième fois consécutive, les élections législatives d’avril 1992.

Autre article sur notre site :

22 novembre 1990 : Margaret Thatcher démissionne

Conclusion

Le bilan du thatchérisme peut être comparé à un cataclysme : effondrement de l’industrie productive, triomphe de la spéculation, précarisation des emplois, marginalisation sociale d’une partie importante de la population qui n’apparaît même plus dans les statistiques du chômage.

Pire, lorsque Tony Blair et les travaillistes emportent les législatives de 1997, ils ne s’attaquent à aucune des ruptures anti-sociales majeures de Margaret Thatcher.

Jacques Serieys


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