Mai 68 et l’impossibilité d’une révolution civile (par Edward Luttwak)

samedi 17 mars 2018.
 

Edward Luttwak est un important stratégiste US, économiste et historien. A ce titre, il a suivi précisément la crise révolutionnaire française et en a conclu à l’impossibilité d’une révolution portée par la classe ouvrière ou même par des civils. Par contre, il décrit les coup d’état militaro-policiers comme faciles à organiser.

Comme viennent encore de le démontrer les événements de mai 1968, l’insurrection, qui fut longtemps le moyen classique par lequel on faisait la révolution, est aujourd’hui devenue un procédé désuet. Le dispositif de sûreté intérieure et extérieure de l’Etat moderne, comportant un personnel spécialisé, des moyens de transport et de communication variés, des sources d’informations étendues, ne saurait être mis en échec par l’agitation de masses civiles, si intense et prolongée soit-elle. Toute tentative de la population civile, ayant pour objet de faire usage de la violence par des moyens improvisés, sera toujours neutralisée par l’efficacité des armes automatiques modernes.

D’autre part, une grève générale peut, certes, paralyser provisoirement un système de gouvernement, mais elle ne saurait le démolir d’une manière définitive ; en effet dans toute organisation économique moderne d’Etat, la population civile manquera de vivres et de combustibles bien avant les militaires, la police et les services qui leur sont alliés.

C’est pourquoi l’Etat moderne est pratiquement invulnérable ù toute attaque directe, mais il reste exposé ù deux menaces : la guérilla et le coup d’Etat. La guérilla tend à effectuer une lente érosion de l’infrastructure humaine et physique de l’Etat : c’est un long et sanglant processus. Le coup d’Etat, par contre, s’appuie essentiellement dans ses opérations sur les éléments mêmes de la structure de l’Etat que les protagonistes de la guérilla cherchent à détruire : les forces armées, la police et les services de sécurité.

La technique du coup d’Etat est celle du judo : les protagonistes doivent utiliser la puissance de l’Etat contre ses dirigeants politiques. Ils y parviennent par un processus d’infiltration et de subversion, grâce auquel on obtient le concours absolu d’une partie, numériquement faible mais tactiquement indispensable, des forces de sécurité, tandis qu’on se borne à neutraliser pour une période limitée la plupart des autres éléments. (2)

Cet ouvrage a pour objet d’exposer les techniques nécessaires pour mener à bien un coup d’Etat, dans les trois domaines militaire, politique et policier (renseignements), depuis la première phase de l’infiltration jusqu’à l’ultime étape, au cours de laquelle, les objectifs capturés, la stabilisation commence, le coup d’Etat ayant réussi.

Cette étude ne comporte aucune orientation ni idéologie politique, attendu qu’elle constitue un manuel pratique, relatif à la prise du pouvoir et non pas à la manière d’utiliser celui-ci lorsqu’on l’a conquis. (1)

NOTES

1 -sur cette dernière phrase : une manifestation soit de malhonnêteté intellectuelle vu l’imbrication qui dure encore de Luttwak dans le système de domination idéologique étasunien soit d’aliénation idéologique : le complexe impérialiste de supériorité)

2- la crise de Mai 68 s’achève quand De Gaulle part le 29 Mai à Baden-Baden rencontrer Massu : il y a encore de l’essence pour mettre dans les réservoirs des blindés français stationnés en Allemagne et dans ceux des véhicules de la gendarmerie en France. Une grève générale n’est pas un coup d’Etat !

A l’inverse, quand en Mai 1981 Mitterrand annonce qu’il va prendre 4 ministres communistes dans son gouvernement, il ravive des craintes remontant à 1945. Washington manifeste alors officiellement une vive inquiétude. Mitterrand rassure : aucun ministère régalien (Intérieur, défense, affaires étrangères) n’est concerné, pas plus qu’en 1945 !


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