La théorie freudienne de la souffrance sociale

lundi 28 mai 2012.
 

C’est Emmanuel Renault qui la dégage du texte freudien . La présente note débarrassée des références aux œuvres de Freud est directement issue de son livre "Souffrances sociales" (Ed La Découverte p271 et suiv.).

Freud récuse expressément l’opposition entre psychologie individuelle et psychologie sociale Il a tenté de penser dit E Renault le psychisme humain dans ses interactions avec différents types de phénomènes sociaux .Si le concept de souffrance sociale n’est pas construit systématiquement chez Freud il est néanmoins possible d’en reconstruire une théorie issue de ses analyses. Une telle théorie combine alors trois modèles explicatifs. " Un premier renvoie à la pression exercée par la civilisation sur le psychisme individuel, un deuxième à un défaut d’identification à la vie sociale, un troisième à l’effet de circonstances sociales particulières.

L’approche de Freud repose sur la distinction entre différentes sources de souffrance et sur une distinction entre "souffrance normale" et une souffrance que l’on peut dire anormale, la seconde consistant en une transmutation de la première. La souffrance est, en effet, une grandeur dynamique et, à chacune des étapes de sa transformation, c’est à une imbrication de facteurs sociaux et psychiques que nous avons à faire.

La souffrance normale a trois sources qui sont selon Freud la surpuissance de la nature, la caducité de notre corps et la déficience des principes qui règlent les rapports des hommes entre eux dans la famille ; l’Etat et la société. Il tient à la condition humaine de ne pouvoir totalement maîtriser la nature, d’être vulnérable par l’intermédiaire de son corps (d’autres textes soulignent que notre vulnérabilité dépend de notre dépendance à l’égard d’autrui) et de ne disposer d’aucun critère naturel permettant de déterminer comment nos relations avec autrui doivent être régulées (d’ou les maux provenant des conflits et des crises sociales). Il en résulte que la souffrance est l’une des coordonnées essentielles de l’expérience humaine et que notre existence consiste en grande partie en une tentative de réduction de la souffrance. S’il convient de parler de souffrance normale, c’est donc parce que ses sources ne peuvent jamais être taries et que, toujours, les individus doivent mettre en place des "défenses" contre elles. Certaines de ces défenses ont la capacité de transformer la souffrance "normale" en souffrance "anormale".

Selon l’approche psychodynamique de Freud, la souffrance est toujours le lieu d’une interaction entre les effets de ces sources de souffrance, Freud propose donc une typologie des défenses contre la souffrance. Il mentionne à ce propos le contrôle de la vie pulsionnelles, la sublimation, le travail et les illusions (l’art), le renoncement, la transformation du monde et l’amour. Ces défenses définissent les différentes techniques de vie par lesquelles les individus peuvent entretenir un rapport non pathologique avec eux mêmes en se rendant supportables les les difficultés qui proviennent des sources de souffrance. Mais la mobilisation de ces défenses peut échouer et exiger la mise en oeuvre de défenses conduisant l’individu hors du domaine de la santé mentale, sous la forme de la névrose ou de la psychose.

Dans la mesure ou seule la psychose relève à proprement parler de la maladie et qu’en outre la souffrance psychotique apparaît comme l’un des destins possibles de la souffrance névrotique, il est permis de distinguer une souffrance normale, une souffrance pathogène (névrotique) et une souffrance pathologique (psychotique). Cette distinction au sein de la souffrance anormale est décisive dans la mesure où elle permet de déconnecter le modèle médical de la pathologie sociale d’une référence étroite à la maladie et ainsi de dépasser l’une des limitations de l’approche de la médecine sociale.

Chez Freud, c’est bien du point de vue de la névrose, et non de celui de la psychose, que se développe la critique sociale : "L’homme devient un névrosé parce qu’il ne peut supporter le degré de refusement que lui impose la société au service de ses idéaux culturels, et on en conclut que la suppression ou la forte diminution de ces exigences signifiait un retour à des possibilités de bonheur." ( ) Relevons que cette production sociales des névroses n’est pas ici conçu suivant le modèle des névroses collectives. Freud n’affirme pas en effet que la civilisation plonge l’ensemble ou la plupart de ses membres dans la névrose, ni même que ces productions culturelles propres portent la trace de la névrose, mais qu’elle impose un type de pressions normatives que la civilisation fait porter sur les individus.

La position de Freud pourrait donc être présentée par l’intermédiaire de deux thèses suivantes. Premièrement, il existe des névroses réactionnelles. En un sens toutes les névroses sont sont des formes de réaction aux exigences sociales particulières auxquels les individus ont à faire face, mais elles ne sont pas pour autant des névroses collectives. Deuxièmement, les névroses réactionnelles ne doivent pas simplement être interprétées comme des réactions à des interactions sociales déterminées mais aussi comme des réactions à des situations totales comme celle que désigne la notion de civilisation (ou celle de capitalisme). Si le diagnostic peut remonter jusqu’à l’identification d’une pathologie sociale, c’est parce que c’est la civilisation elle-même qui est en cause. .../...


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