Le beau printemps de Mélenchon (Par Cécile AMAR, envoyée spéciale du Journal du Dimanche)

dimanche 7 juin 2009.
 

"Libéré" depuis qu’il a quitté le Parti socialiste, allié au Parti communiste pour les européennes du 7 juin, Jean-Luc Mélenchon rêve de ramener la "vraie gauche" au pouvoir. "A tous les socialistes, je dis, aidez-nous, comme vous l’avez fait en 2005 (...) C’est par wagons entiers que viennent les électeurs socialistes !", a-t-il lancé jeudi lors du meeting de Rivesaltes.

Il sourit tout le temps, s’amuse, de sorties d’usine en salles remplies, rigole quand son portable n’arrête pas de sonner. Jean-Luc Mélenchon se sent libre, maintenant qu’il a quitté le PS, après trente ans de bons et loyaux services. "J’ai participé dans les années 1970 à la fondation de ce nouveau PS, se souvient-il, je l’ai connu ascendant et fraternel puis descendant, s’enfermant dans les compromissions. Aujourd’hui, je ne suis plus prisonnier des convenances."

Et depuis que les sondages le placent devant le NPA de Besancenot, lui, le "laïcard", se met à croire. Allié au PC à la tête du Front de gauche, tête de liste dans le Sud-Ouest, il vit un printemps enchanté. Mélenchon était rugueux, toujours en colère. Aujourd’hui, il est à la mode. Dans une France en crise, ses défauts deviennent des qualités, il s’indigne, gueule contre "les salopards de droite" qui vilipendent les travailleurs, fait pleurer dans les chaumières sur ces "ouvrières qui ont les doigts et les poumons bousillés", et dont les usines ferment pour délocaliser en Bulgarie. Et ça plaît.

Mélenchon et les ouvriers

L’ancien trotskiste - simple passage de jeunesse, il y a si longtemps - a même réussi à ressusciter le PC ! "Il me rappelle Georges Marchais", admire un vieux communiste à la sortie de son meeting à Perpignan. Une phrase qui résonne étrangement aux oreilles du si mitterrandiste Mélenchon. Mais au fond, le sénateur sait bien que la comparaison vaut adoubement, qu’elle fleure bon la nostalgie d’une époque où la gouaille communiste comptait, où le Parti pesait. "A Carmaux, pour mon premier meeting, raconte-t-il, je voyais bien que les durs m’attendaient au tournant, ils me disaient : ’On n’a jamais voté socialiste même en 1981.’" Mais dans la ville de Jaurès, l’habile orateur les met dans sa poche en leur parlant de Waldeck Rochet, et de sa valeureuse résistance !

"Il est sincère, ce n’est pas un arriviste", disent ceux qui viennent écouter celui qui fut l’un des meilleurs orateurs du PS. Dans cette campagne européenne, Mélenchon accomplit l’un de ses rêves : il va voir les ouvriers, "cette base sociale que j’ai toujours voulu représenter", et ils l’accueillent comme un des leurs, pas comme un social-traître ; ces "retrouvailles" lui font un bien fou. "C’est un immense honneur pour moi que le collectif des travailleurs de la Celanese appelle à voter Front de gauche", lance-t-il sous les applaudissements à Rivesaltes.

"Les électeurs socialistes viennent par wagons entiers"

Mélenchon se souvient du moment où tout a basculé dans sa tête. C’était en 2005, en pleine campagne du non à la Constitution européenne. Contre la direction de son parti, il menait campagne avec Buffet, Bové et Besancenot... Un soir, à la tribune, dans la Somme, il pète un plomb, appelle à tout renverser. Révolution ! Il est blême, mais la salle se lève, libérée. Mélenchon décide alors qu’il était dans le mauvais camp, dans celui qui enferme le peuple sous une chape de plomb, qui monopolise la parole. Sénateur, ministre, dirigeant socialiste, Mélenchon a déjà tout eu, "on ne peut pas m’acheter", fanfaronne-t-il.

Il veut croire que sa liberté sera contagieuse. Il retrouvera le pouvoir, mais avec la "vraie gauche" et arrachera les vrais socialistes à la direction du PS. "A tous les socialistes, je dis, aidez-nous, comme vous l’avez fait en 2005", lance-t-il en meeting. Lui qui a arpenté ces terres du Sud-Ouest lors de tous les congrès du PS cherche dans les salles les visages socialistes connus. "C’est par wagons entiers que viennent les électeurs socialistes ! Ils en ont marre, j’espère que mon cheminement va donner des idées à d’autres, je suis sûr que des militants vont partir du PS." Dans ce Midi rose, Mélenchon rencontre des élus, des secrétaires de section qui lui confient : "Ici, on va tous voter pour toi", et il n’en revient pas ; comme si le succès annoncé était trop beau.

Le Sénat, ce "cul de basse-fosse de la réaction"

Et si dans ce beau printemps ensoleillé, il était en train de réussir son pari ? Il se méfie de son instinct, de cette "ambiance qui ressemble tellement à 2005". "Le meilleur boosteur, c’est le succès", lui a dit son inspirateur allemand, Oskar Lafontaine. Alors Mélenchon rêve d’un bon score le 7 juin. Un score qui lui permettra de s’envoler vers Bruxelles, de quitter ce "cul de basse-fosse de la réaction", comme il surnomme le Sénat en meeting.

Un résultat qui lui permettra de poursuivre le Front de gauche aux régionales, à la présidentielle et aux législatives... En meeting, il promet : "Quand nous serons au pouvoir, nous ferons revoter le peuple français sur le traité de Lisbonne !" La salle applaudit. "Personne ne me dit : ’Mais tu es fou, tu es à 7% !’" Cette campagne ne devrait jamais finir.


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