Européennes : les faits marquants (par Christiane Chombeau, Charlotte Girard, Laurent Maffeïs et Christophe Ventura)

jeudi 18 juin 2009.
 

L’hyperabstention populaire

Les électeurs de France se sont abstenus à 59,52%. Mais ils ne se sont pas abstenus de la même façon partout. Les quartiers populaires ont beaucoup, beaucoup moins voté en 2009 qu’aux précédentes européennes, alors que les quartiers aisés, eux, ont voté comme d’habitude. On assiste ainsi à une hyperabstention populaire. Par exemple, au sein d’un même département, on s’abstenait déjà plus à Gennevilliers qu’à Neuilly en 2004. En 2009, les électeurs de Neuilly votent autant qu’en 2004 (à 50%). Mais à Gennevilliers, l’abstention bondit de 62 à 67%. Le différentiel d’abstention entre les deux villes a augmenté de 50%. Même chose dans les Yvelines. L’abstention bouge à peine à Versailles, passant de 47à 49%. Mais elle explose aux Mureaux, de 66 à 75%. Les classes populaires qui s’étaient remis à voter avec le référendum de 2005 grossissent à nouveau le bataillon des abstentionnistes. Selon les enquêtes sorties des urnes, 69% des ouvriers, 66% des employés, 70% des jeunes se sont abstenus.

L’abstention en chiffres...

Vaulx-en-Velin : 77 % d’abstention

Clichy-sous-Bois : 77 % (contre 18 % à la présidentielle de 2007 et 42 % au référendum de 2005)

Stains : 78 %

Les Mureaux : 75 %

Bobigny : 74 %

Tourcoing : 73 %

Aubervilliers : 72 %

La Courneuve : 71 % (contre 18 % à la présidentielle de 2007 et 41 % au référendum de 2005)

A Marseille : 17 points de différentiel d’abstention entre quartiers populaires ( 14ème et 15ème arrondissements à 73-75 % d’abstention) et quartiers bourgeois (7ème et 8ème arrondissements à 57 % d’abstention)

Abstention : un phénomène européen

L’abstention n’augmente pas qu’en France. Le phénomène est quasiment général dans les pays qui comme en Belgique et au Luxembourg n’ont pas institué le vote obligatoire. Le taux d’abstention est ainsi passé, de 38,01% en 1979, 41,02% en 1984, 41,59% en 1989, 43,33% en 1994, 50,19% en 1999, 54,53% en 2004 et 56,9% cette année. Les pays qui boudent le plus cette élection : la Slovaquie : 80,36% ; la Lituanie : 79,08% ; la Roumanie : 72,6% ; la République Tchèque : 71,78%, la Slovénie : 71,75%... Des pays nouvellement entrés dans l’Union européenne.

La droite en tête

En France comme en Europe, la droite est largement victorieuse faute d’alternative à gauche face à la crise. La droite est en tête dans 25 pays de l’UE sur 27 ce qui permet au PPE de conforter sa domination sur le Parlement européen. Cette victoire prend parfois des formes totalement démesurées comme en Hongrie où les conservateurs remportent 56 % des voix face aux sociaux-démocrates qui gouvernent le pays avec des libéraux centristes.

En France, l’UMP conforte sa domination majoritaire au sein de la droite en remportant 28 % des voix sur un total de 41 % pour toutes les droites et de près de 50 % en y ajoutant le Modem, contre à peine 17 % en 2004 pour l’UMP. Le parti présidentiel réalise ainsi le meilleur score d’un parti de droite au pouvoir depuis 30 ans. Certes la droite perd un grand nombre d’électeurs par rapport à la présidentielle. Mais c’est elle qui est le plus parvenue à mobiliser son électorat, y compris en dépassant dans de nombreuses communes les scores de Sarkozy au 1er tour de la présidentielle. C’est le cas par exemple à Meaux (34,5 % pour l’UMP), à Lyon, Bordeaux et Orléans (31 %), ou encore à Valenciennes (41 %).

Extrême droite et droites populistes font surface

Cette Europe, construite loin des peuples, et ne les protégeant pas de la crise économique fait le lit de l’extrême droite et des droites populistes. Au Royaume Uni, le British national party de Nick Griffin qui a exploité le scandale des notes de frais des députés en appelant à « punir » les « cochons » de parlementaires et dont le slogan de campagne était « des emplois britanniques pour les travailleurs britanniques » fait son entrée à Strasbourg avec 2 élus. En Hongrie c’est le tout nouveau parti ultranationaliste, le Jobbik, qui décroche 3 sièges. De même en Roumanie, le Parti de la Grande Roumanie, issu d’un parti dissous en 2007 et dirigé par Corneliu Vadim Tudor compte 2 eurodéputés. En Autriche le FPÖ dont les affiches clamaient « l’Occident aux mains des chrétiens » fait passer son nombre d’élus de 1 à 2, de même pour le Parti du peuple Danois qui avait pour slogan « Rendez-nous le Danemark ». En Grèce, le parti LAOS poursuit son ascension et obtient 2 sièges au Parlement européen. Le Parti de la liberté, un parti populiste et xénophobe qui se présentait pour la première fois aux Pays-Bas a emporté 4 sièges sur 22 et est devenu le deuxième parti du pays. Ses élus vont rejoindre l’élu irlandais de Libertas. En Finlande le Parti des vrais finlandais compte un élu, tandis qu’en Italie, la Ligue du Nord s’enracine dans le paysage politique en voisinant les 10% et emportant 8 sièges. Ailleurs, France ou Pologne, l’extrême droite et la droite populiste régressent au Parlement européen.

L’effondrement social-démocrate

Le Congrès de Reims avait déjà aligné le PS sur la social-démocratie européenne. Cela se traduisait par l’acceptation du Traité de Lisbonne et la négation des votes populaires, le refus de s’opposer à la domination des Etats-Unis et au grand marché transatlantique ou encore la perspective d’alliances au centre plutôt qu’à gauche. Avec comme suite logique l’intégration accrue du PS français au sein du PSE. Lors de ces européennes, le PS a porté cette ligne pour la première fois dans une campagne électorale. Cela s’est traduit par la place programmatique centrale accordée au Manifesto du PSE et par le lancement de la campagne du PSE à Toulouse, en présence des responsables des 27 partis sociaux-démocrates, y compris ceux qui gouvernement avec la droite au niveau national ou détiennent d’importants portefeuilles dans la commission Barroso.

Alors que le PS avait enregistré une forte progression et de nombreuses victoires lors du précédent rendez-vous électoral des municipales et cantonales, son alignement sur le PSE a provoqué sa chute aux européennes selon le lot commun que subit désormais toute la social-démocratie alignée.

Le PS dégringole de 29 à 16 % et la chute est encore plus forte en sièges, dont le nombre est divisé par 2 passant de 29 à 14 sièges. Mais plus encore que la précédente élection européenne, c’est l’écart avec les élections municipales et cantonales de 2008 qui illustre le mieux la brutalité de l’effondrement du PS. Au second tour des cantonales, le PS obtenait 35 % des suffrages contre 26 % pour l’UMP.

Le vote socialiste ne résiste pas mieux dans les villes dirigées par le PS. C’est le cas à Paris où les électeurs PS ne représentent plus que 5,56% des inscrits. La situation est identique dans des villes à fort ancrage socialiste comme Nantes, Toulouse ou Grenoble où le PS est distancé de 5 à 10 points par les listes Europe-Ecologie.

La dégringolade en chiffres...

Evolution du % de voix PS (européennes de 2004 / européennes de 2009)

Rennes : -47,73%

Montpellier : -45,28%

Nantes : -48,85%

Palaiseau : -47,66%

Grenoble : -47,50%

Toulouse : -47,77%

Paris : -45,33%

Clichy : -43,35%

Villeneuve d’Ascq : -41,18%

La Rochelle : -45,33%

Pantin : -35,04%

Saint-Priest : -42,97%

Tourcoing : -31,86%

Créteil : -40,26%

Le PSE dans le trou

Le groupe du PSE au Parlement européen perd 55 sièges sur ses 217 élus de 2004. Il ne représente plus que 22 % des eurodéputés.

En Allemagne, le SPD a obtenu son plus mauvais score pour une élection européenne avec 20,8% des voix.

Au Royaume-Uni, le Labour arrive en troisième position après le Parti conservateur et le United Kingdom Independence Party avec 15,31 % des voix, son pire score à une élection depuis 1918.

En Italie, avec 26% des voix (31% en 2004), le Parti démocrate prolonge sa lente dérive électorale malgré les difficultés de Berlusconi.

Recul de 20 points pour les socialistes au Portugal, 11 aux Pays-Bas, 10 en Autriche, 4 dans la partie flamande et 7 dans la partie francophone de la Belgique, 5 en Espagne...

La dynamique Front de Gauche

Un graphique vaut parfois tous les discours. Si l’on compare le vote Front de Gauche à celui en faveur des listes PCF en 2004, la progression en voix est spectaculaire malgré la hausse de l’abstention populaire. Elle est quasiment générale, puisqu’elle touche 85 départements métropolitains sur 96 ! Dans quatre grandes circonscriptions elle dépasse les 20%.

Si l’on compare les résultats en voix avec ceux du premier tour de la présidentielle de 2007, on constate que presque toutes les listes perdent des voix : plus de 6 millions pour l’UMP et le PS, plus de 5 millions pour le Modem, près de 3 millions pour le FN, 650 000 pour le NPA, 400 000 pour De Villiers et le CNPT, 300 000 pour LO. Seules deux listes progressent : 1 700 000 voix supplémentaires pour Europe Ecologie et 400 000 pour le Front de Gauche.


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