Coup de colère dans les syndicats britanniques

dimanche 20 septembre 2009.
 

Royaume-Uni . De nombreux syndicalistes réunis en congrès à Liverpool ont fustigé la « rigueur » annoncée par Gordon Brown comme un moyen de présenter la facture de la crise aux salariés.

« La récession en Grande-Bretagne est terminée », a proclamé l’Institut national pour la recherche économique et sociale il y a dix jours. La raison ? Une croissance de 0,2 % enregistrée le trimestre précédent, la remontée du cours des actions à la City et des prix de l’immobilier. Mais la « bonne nouvelle » d’une reprise imminente est malheureusement très loin d’être ressentie par la plupart des citoyens britanniques. Tout au contraire. Le chômage continue de grimper et quelque 2,47 millions de personnes sont désormais concernées, ce qui porte le taux de chômage à un niveau record de 7,9 %, en dépit de normes de comptage des personnes privées d’emploi hyperrestrictives outre-Manche. Le nombre de chômeurs officiels a ainsi augmenté de 210 000 en trois mois.

La colère des délégués syndicaux

Parmi les sans-emploi, la jeunesse est très rudement frappée. On trouve ainsi près de 1 million de jeunes travailleurs de moins de vingt-quatre ans. Ceux-là se sont mobilisés en créant un nouveau mouvement, Les Jeunes luttent pour l’emploi, qui vient de rassembler une première manifestation devant Westminster mercredi dernier. Une analyse plus précise des chiffres révèle sans surprise combien ce sont les moins qualifiés qui souffrent le plus ce qui souligne, à sa manière, l’importance de la question de la formation. Le seuil des 3 millions chômeurs officiels pourrait être atteint dans les mois à venir.

À Liverpool où le TUC, la confédération syndicale, a tenu son congrès cette semaine, la colère des délégués, qui en ont assez de payer une crise que d’autres ont provoquée et pour laquelle ils ne sont en rien responsables, s’est fortement exprimée. Et la plaidoirie du premier ministre, Gordon Brown, venu défendre avant les législatives du printemps prochain, le bien-fondé de sa politique devant les congressistes en condamnant celle du parti d’opposition n’y a rien changé. D’autant que le dirigeant travailliste a annoncé une purge dans les dépenses publiques afin de réduire le déficit, qui culmine à plus de 12 % du produit intérieur brut, à la suite des mesures massives prises notamment en faveur du secteur bancaire et financier. Le gouvernement, a-t-il déclaré, « taillera dans les coûts, les services inefficaces, les programmes non nécessaires et les budgets moins prioritaires », tout en assurant que la ponction ne toucherait pas « les services essentiels vitaux »…

Tony Woodley, cosecrétaire général du plus grand syndicat, Unite, a rétorqué quelques instants plus tard : « Nous n’acceptons pas de payer le prix pour la cupidité des banquiers qui ont créé la situation dont nous souffrons. » Et de fustiger, de l’intérieur même du parti travailliste puisqu’il en reste membre, « ce gouvernement » qui a donné aux voleurs de la planète finance un permis de spéculer avec les richesses du pays.

Woodley n’était pas le seul au congrès à soutenir ceux qui préparent des actions, y compris des grèves, pour défendre leurs emplois et leur pouvoir d’achat. Et il a réclamé une nationalisation des banques en lieu et place du soutien public et donc de leur remise à flot à la charge des contribuables.

Bob Crow, secrétaire général du RMT, le syndicat des transports, s’est montré encore plus vindicatif : « Le Labour et les conservateurs se sont engagés tous les deux à des réductions de dépenses publiques et à des privatisations. Les syndicats doivent organiser la résistance et il faut commencer à la préparer ici à Liverpool », a-t-il lancé. Et de préciser : « Notre syndicat n’a aucun doute sur les boniments des grands partis avant les élections et il est persuadé que de vraies coupes dans les budgets sociaux seront imposées une fois le décompte des bulletins de vote effectué. » Dans bien des domaines, ces « purges » sont déjà une réalité. « Quelque 2 500 emplois sont ainsi menacés, a poursuivi le syndicaliste, dans les services de maintenance des chemins de fer et l’on s’apprête à supprimer des centaines de postes de sapeurs-pompiers. »

LES POSTIERS POUR UNE GRÈVE NATIONALE

Les postiers devraient voter la semaine prochaine en faveur d’une proposition de grève nationale contre des milliers de licenciements associés à un prétendu programme de modernisation de La Poste, mis en place sans négociation.

Dilemme pour les syndicalistes qui ne sont évidemment pas prêts à délivrer un blanc-seing aux tories. « Il se peut qu’il n’y ait que 6 % de différence entre le Labour et les tories », s’est ainsi consolé Billy Hayes, secrétaire général du syndicat des travailleurs dans la communication, ajoutant : « Nous devons aussi traiter cette réalité. »

La direction du Labour reste persuadée qu’elle pourra une nouvelle fois jouer sur le registre du « moindre mal » pour convaincre les salariés de ne pas se jeter dans les bras de la bête conservatrice. Mais ce n’est guère une politique à enflammer un électorat devenu bien las des vieux jeux politiciens.

Le député travailliste de gauche John McDonnell réclame comme certains de ses collègues au Parlement que son parti change réellement de politique. « Les gens, a-t-il déclaré récemment, ont été aliénés à des politiques fondées sur des guerres illégales et immorales, sur la privatisation de nos services publics, sur des attaques contre les libertés et sur l’avidité sans borne dans le secteur financier. » Une voix tonitruante certes, mais encore bien minoritaire au sein de l’appareil travailliste et qui ne devrait pas être suivie dans les orientations du New Labour pour les législatives du printemps 2010.

Peter Avis


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