Les Pays-Bas veulent interdire le port de la burqa

vendredi 27 octobre 2006.
 

Le débat sur le port du voile islamique, qui avait valu à la France de vives critiques, prend de l’ampleur en Europe. S’il avait été mené en France au nom de la laïcité, il est lié, dans les autres pays, aux problèmes d’intégration rencontrés avec certaines communautés de religion musulmane.

Le gouvernement de Tony Blair vient de rompre avec un tabou outre-Manche, en s’interrogeant sur le bien fondé de marquer sa différence en obligeant les femmes à porter des vêtements qui cachent totalement leur visage, comme le niqab ou la burqa.

Cette interrogation n’est pas le seul fait des sociétés européennes. En Egypte, le doyen de l’université de Helwan, près du Caire, vient de relancer la polémique en bannissant récemment le niqab, voile qui ne laisse apparaître que les yeux, du foyer de sa résidence universitaire.

Le Parlement des Pays Bas a eu, jeudi 19 octobre, un débat sur l’attitude à adopter. La ministre de l’immigration et de l’intégration, Rita Verdonk, y a estimé qu’il fallait prévenir le port, dans les lieux publics, de la burqa - qui couvre intégralement le corps, y compris les yeux - tout comme celui d’ "autres voiles couvrant le visage".

Une majorité de députés s’était ralliée, dès décembre 2005, à une proposition de Geert Wilders, dissident du parti libéral VVD et fondateur d’un nouveau parti populiste, le Parti pour la liberté (PVV), afin d’interdire totalement la burqa. Adversaire résolu de l’islam radical, M. Wilders, plusieurs fois menacé de mort, vit sous haute protection.

Convoquée par les députés pour s’expliquer sur les lenteurs du gouvernement dans ce dossier, Mme Verdonk a promis d’agir dès qu’elle serait en possession du rapport demandé à une commission d’experts composée de juristes, d’un islamologue et d’un imam, et qui doit lui être remis le 7 novembre. Elle a déclaré, à titre personnel, qu’elle se prononçait contre le port d’un vêtement qui, dit-elle, n’a pas sa place dans une société "où les gens doivent pouvoir se regarder dans les yeux". Selon la ministre, la burqa est un obstacle à une bonne intégration.

Traduisant les réticences d’une partie du courant chrétien démocrate, hostile à toute entrave à la liberté religieuse, le ministre de la justice, Ernst Hirsch Ballin, a indiqué que les experts s’étaient vus confier une mission plus large que la simple étude des moyens légaux d’interdiction.

Mais sa collègue Maria van der Hoeven, titulaire du portefeuille de l’enseignement, s’est clairement prononcée contre le port de vêtements trop couvrants pour les étudiantes comme les enseignantes. La ministre est soutenue par l’Union des universités (VSNU).

Le débat actuel est influencé par celui qui a eu lieu dans la Flandre voisine. Le parlement régional de cette région belge a voté, en 2004, une motion interdisant le port du voile intégral, estimant que toute personne circulant sur la voie publique devait pouvoir être identifiée.

En Allemagne, la polémique a été relancée le 15 octobre dans l’édition dominicale du quotidien Bild par des personnalités politiques d’origine turque qui ont exhorté les femmes musulmanes vivant dans le pays à "enlever le voile" pour mieux s’intégrer à la société.

"Rejoignez le monde actuel, rejoignez l’Allemagne, c’est ici que vous habitez", avait plaidé, notamment, Ekin Deligöz, une élue Verte au Bundestag. Selon une autre députée, la social-démocrate Lale Akgün, marcher dans la rue sans porter le voile n’est pas un "péché", c’est une question d’ "égalité des droits" entre l’homme et la femme.

Depuis, Mme Deligöz a reçu des lettres de menaces et des courriels au ton désobligeant émanant, selon elle, "à 90 % d’hommes". Plusieurs organisations représentant une vision traditionnelle de l’islam ont dénoncé cette initiative, défendue par des responsables politiques allemands.

"Je vois le voile comme un signe politique d’isolement, voire d’oppression lorsqu’il est imposé aux jeunes filles et aux femmes", acommenté la secrétaire d’Etat à l’intégration, la chrétienne-démocrate Maria Böhmer (CDU).

Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles) Et Antoine Jacob (Berlin), Pour Le Monde Le Monde, 21 octobre 2006


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