D’abord, je voudrais souligner que Pierre Laurent a été élu avec près de 80 % des voix des délégués. Beau score, non ? C’est un résultat plus que satisfaisant qui lui donne une réelle légitimité alors que certains annonçaient une révolte organisée contre lui. Le candidat alternatif, issu de la puissante fédération communiste du Pas de Calais, Jacky Hénin, a finalement préféré se retirer. Il a dû admettre qu’il était en réalité très minoritaire parmi les communistes. Tant mieux, il était aussi à la tête d’un regroupement assez incohérent (les "huistes" additionnés aux orthodoxes : soit un oxymore politique). Son élection éventuelle aurait signifié la fin du Front de Gauche, et un succès pour tous ceux qui veulent que rien ne bouge à la gauche du PS. Ils sont nombreux dans différents appareils (politiques ou médiatiques) à le souhaiter. Quelle ligne politique derrière la candidature Hénin et sa prétendue « affirmation de l’identité communiste » ? En contre point de ses discours grandiloquents, pour qui sait lire et entendre, le message était clair. Il le dit lui même. Il reproche au Front de gauche de « passer son temps à bouffer du socialiste » (de quoi parle-t-il exactement ? Il faut être plus précis. Doit-on désormais taire toute critique contre le PS ?) et insiste lourdement dans ses clins d’oeils en direction du PS : « J’ai entendu Martine Aubry à la télé, et elle est une vraie femme de gauche. Je ne suis pas dupe, son discours est de circonstance, mais n’empêche qu’elle joue son rôle. » Décryptons. Déjà, ce que ne comprends pas Hénin et ses alliés, c’est que l’évolution du discours du PS, que lui même considère comme de "circonstance", est la conséquence directe de l’émergence du Front de Gauche. Et puis, je connais la conclusion pratique de ce type de discours : le seul avenir du PCF est dans un accord mitonné à minima avec le PS, on ne conteste plus leur hégémonie à gauche et on négocie pour sauver nos députés. Point final. A terme, le PCF ne serait plus qu’un satellite du PS, une sorte de PRG bis, les drapeaux rouges claquant au vent les jours de manifs en plus.
Il y a un an en juin 2009, Jacky Hénin, pour se faire élire député européen à la tête d’une liste Front de Gauche, n’avait pas le même discours, et pour cause. L’apport du PG était alors le bienvenu. Il sait compter les voix... pas fou le Jacky. Il sait très bien que sans le soutien de toutes les composantes du Front de Gauche, il aurait été battu. Sa conception est donc, Oui au Front de Gauche quand cela m’est utile localement, Non quand cela ne correspond plus à mes intérêts de courte vue. Subtil, non ? Impossible en réalité de diriger un grand Parti avec une telle orientation zig-zagante.
C’est donc une autre ligne qui l’a emporté lors du Congrès du PCF de ce week-end. C’est une grande nouvelle. J’ai assisté à la première journée de ce congrès. Chaque jour, des responsables nationaux du PG étaient présents pour écouter attentivement les débats. Les militants communistes dans leur grande majorité veulent autre chose. Avec Pierre Laurent c’est l’affirmation qu’une autre orientation et un autre avenir sont possibles. Lui, il croit au Front de gauche. Il sait qu’en cette période de profonde crise politique, le paysage de la gauche n’est pas figé, il peut évoluer et fortement en moins de deux ans. L’exemple du Limousin est là. Le Front de gauche peut jouer les premiers rôles à plus de 20 %. Il faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! La période l’impose, elle est grave. J’ignore si nous réussirons, mais la haute idée que nous avons de la Politique nous donne des responsabilités. Qui veut seulement mendier sa survie et préserver des positions d’élus (pour d’ailleurs en obtenir chaque fois un peu moins) ? Pas nous au PG.
Enfin, je connais Pierre Laurent et sa personnalité. Je l’ai découvert lors de la campagne européenne de 2009. J’ai fait plusieurs réunions publiques à ses cotés (photo, en Bourgogne le 29 mai 2009, avec Pierre et une section du PCF, nous avions fêté les quatre ans de la victoire du Non au TCE) . C’est un homme intelligent et précis. Rien à voir avec le portrait moqueur qu’une presse bien malveillante, a faite de lui. L’anti communisme primaire n’est décidement pas mort. Mais bah ! Comme on me l’a appris : "Laissons la peur du rouge aux bêtes à cornes". Economiste de formation, longtemps journaliste, Pierre Laurent est un intellectuel militant. C’est précieux. Sans lui, et bien sûr Marie-George Buffet qu’il faut également saluer, le Front de gauche n’aurait jamais pu exister.
Alors bien sûr, beaucoup de choses restent à construire, à préciser, à inventer. L’union reste un combat, pour reprendre une nouvelle fois les vieilles formules dans années 70. Je ne suis pas naïf. Le Parti de Gauche a beaucoup de sujets de discussion a mener avec nos amis du PCF. Mais je dis que Pierre Laurent peut être un acteur majeur d’une nouvelle page de la gauche française. Il n’y arrivera pas seul, mais beaucoup va dépendre de lui. Je suis convaincu qu’il en est conscient. Issu d’une grande famille communiste, il a le sens de l’histoire.
Bonne chance Pierre, et bon courage, je salue ta nouvelle élection et vive le Front de Gauche !
2) Sur L’actualité, et toujours, quelques idées sur le PCF...
Depuis le 29 mai 2005, nous pensons que le courant de la gauche que nous représentons au sein de la gauche peut être majoritaire, à condition qu’il soit unitaire. C’est pourquoi le Front de Gauche existe. Il ambitionne de rassembler toute « l’Autre gauche » (celle du « Non » de 2005) pour qu’elle prenne la tête de la gauche. Belle ambition, non ? L’élection présidentielle de 2012 sera un rendez-vous majeur de ce chantier. Echouer, et faire exploser le Front de gauche sur cette échéance, en nous présentant de manière divisée, avec plusieurs candidats, nous ferez perdre de nombreuses années, et hypothéquerait les chances de victoire de toute la gauche. J’en suis convaincu.
Dans ce cadre là, le PCF doit jouer un rôle majeur. Il est la principale composante organisationnelle du Front de gauche. Personne de sérieux ne peut le nier. Mais il incarne aussi une histoire, avec ses pages lumineuses, et ses pages sombres. Ce dernier point, je l’ai encore constaté l’autre soir, lors de l’émission de LCP. Dès que l’on parle alternative nationale c’est moins vrai sur le plan local), le PCF doit, en quelque sorte, en permanence, « montrer patte blanche » sur de nombreuses pages de son histoire avant d’être écouté. C’est agaçant. Cela peut sembler cruel à certains de mes lecteurs communistes, mais c’est ainsi. En 2012, il faudra un candidat pour le Front de Gauche , donnant une vision globale pour diriger notre pays, capable d’incarner la continuité du combat communiste, mais aussi d’en incarner d’autres, afin que toutes ces rivières deviennent fleuve. Il faudra ainsi s’adresser à l’électorat socialiste, abstentionniste et écologiste (dans l’ordre que l’on voudra, puisqu’il faudra parler à tous).
Et puis franchement, je ne crois pas qu’une miraculeuse candidature « issue du mouvement social » pourrait faire l’affaire. Les réponses attendues sont politiques, pas seulement syndicales. De plus, la bataille sera aussi médiatique, tant aujourd’hui cela occupe une place centrale dans la perception de la politique pour des millions de gens. Une candidature qui n’aurait aucune expérience en la matière nous mettrait collectivement en danger. Une fois posé ce raisonnement, discutons sereinement, entre camarades, dans le respect des positions de chacun.
Voilà, depuis un an et demi, ce blog me permet de réfléchir à haute voix sur ces questions majeures. L’un de mes derniers billets consacré au dernier congrès du PCF, et à l’importante arrivée de Pierre Laurent, a rencontré une audience significative. Beaucoup d’amis m’ont fait savoir qu’ils l’avaient apprécié. Je les en remercie. Mais, il ne m’a pas échappé que d’autres, membres du PCF, m’avaient trouvé un peu trop rude envers Jacky Hénin. Ce dernier m’a même laissé un message sur le blog. Je le remercie pour l’attention qu’il me porte. Je veux aussi lui dire la chose suivante, pour qu’il n’y ai pas de faux débats entre nous. J’aime les femmes et les hommes qui se battent pour leurs idées. « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent » disait Victor Hugo. Jacky Hénin est au premier rang de cette catégorie d’être humain, les meilleurs selon moi. Cet hommage rendu, Jacky et ses amis doivent aussi comprendre que le PG existe, avec ses qualités et ses défauts. Avec le PCF, et d’autres, nous voulons écrire une page nouvelle de l’histoire de la gauche de notre pays. Nous tenons le Front de gauche comme un acquis précieux, mais fragile, et il nous semble qu’on ne peut le critiquer à la légère en disant qu’il n’est là que « pour bouffer du socialiste ». Je n’aime pas ce type de formule « à l’emporte pièce ». Elle est fausse selon moi, et trop superficielle comme diagnostic. J’attends aussi de ceux qui critiquent le Front de Gauche, surtout si ils sont militants du PCF, qu’ils me disent quelle est leur stratégie alternative. L’idéal communiste qui a fait battre le cœur de millions de femmes et d’hommes durant le vingtième siècle, doit continuer à vivre en ce vingt et unième. J’y crois. Mais, j’ai la conviction que, comme l’on fait, avec des communistes, nos camarades d’Amérique latine, d’Allemagne, d’Espagne et de bien d’autres pays encore, il faut savoir regarder la réalité en face. Même si elle peut nous faire monter les larmes aux yeux car on l’a trouve injuste. Ne restons pas figés, tétanisés. Nous sommes des matérialistes, nous aimons la vie, et comme nous l’a appris Vladimir Illich Lénine « analysons concrètement, une situation concrète ». Lui-même, durant sa vie militante, s’est interrogé sur les formes d’organisations et a su changer de nom et de modes d’organisations selon les périodes.
A notre nouvelle époque, doit correspondre un nouveau programme et je le répète de nouvelles formes d’organisations. Non pas pour renier nos convictions, mais pour les faire vivre. Longue vie au Front de Gauche !
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