Il aura fallu une bonne petite semaine : mais la question a fini par atteindre les oreilles d’Hortefeux. En quoi a exactement consisté le rôle d’infiltration des policiers en civil, dans les manifestations des derniers jours ? Quelles consignes leur ont été données ? Se sont-ils contentés d’infiltrer les groupes de casseurs présumés, pour les identifier et les arrêter plus facilement (ce qui fait partie des légitimes missions de maintien de l’ordre) ou bien les ont-ils parfois excités, voire ont-ils eux-même lancé quelques pierres, cassé quelques vitrines ? Ont-ils poussé le camouflage jusqu’à porter des autocollants CGT ? Quelles consignes précises leur ont été données ? Ont-ils, de retour de mission, rédigé des rapports ?
Ces questions, nous sommes quelques sites de presse à les poser, depuis une semaine, nous appuyant sur de nombreux témoignages de manifestants. Mais elles n’intéressent pas la presse traditionnelle, qui a bien d’autres questions, certainement plus urgentes, à traiter. Pour qu’elle se penche sur la question, il faut qu’un élu politique ou un responsable à mandat l’importe (la question) dans le débat public, et la déverse directement dans l’oreille réticente des journalistes. C’est ce qu’a fait Mélenchon, sur France Inter (en s’avançant un peu sur le cas de Chambéry, dans lequel les images à notre disposition ne permettent pas de conclure à l’implication directe d’un policier dans le lancer de cailloux, comme nous l’ont fait remarquer plusieurs @sinautes). Thibault vient ce matin à sa rescousse, dans Libé, un ton au dessous, à propos de porteurs "bizarres" d’autocollants CGT à Lyon. Les parlementaires du PC et du Front de Gauche demandent une commission d’enquête. Hortefeux et les syndicats de policiers protestent. La question est désormais dans le débat public, portée par un élu politique et un responsable syndical.
L’intéressant, est le cheminement de cette question. Si nous l’avons posée plus tôt que d’autres, c’est parce que les témoignages ont afflué, dans les forums et les boîtes aux lettres, et que nous avons le nez collé en permanence sur les forums et les boîtes aux lettres, alors que les confrères des journaux et des radios ne jurent, hélas, que par le fil de l’AFP (je généralise, je sais, mais c’est pour les besoins de la démonstration). Ainsi, à côté des déclarations officielles, et des fuites de documents judiciaires ou policiers, s’invente un troisième acteur de l’investigation : le témoin direct. S’invente ? Bien sûr que non. Rien de plus ancien, dans la presse, que le reportage ou l’enquête de terrain. Même si elle a un peu tendance à l’oublier, et que le Net lui donne une deuxième jeunesse.
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