Biélorussie : de l’appui massif aux groupes organisés pour faire tomber Lukashenko

mercredi 24 août 2011.
 

En Biélorussie, des centaines de jeunes descendent dans les rues à l’appel des réseaux sociaux. Ils protestent contre le manque de liberté d’expression et contre la répression de fer de l’État.

Chaque mercredi à sept heures du soir, des centaines d’habitants de Biélorussie applaudissent ou font sonner leurs téléphones cellulaires simultanément sur les principales places de tout le pays. C’est le mouvement « Révolution par les Réseaux Sociaux », créé il y a neuf semaines par cinq étudiants.

Le phénomène croît sur l’équivalent russe de Facebook, « Vkontakte », créant une nouvelle menace au régime du président Alexander Lukashenko.

« Ce mouvement n’est pas un mouvement de l’opposition traditionnelle de Biélorussie. Les participants sont des gens qui ne se sont jamais engagés dans des actions de l’opposition et ils n’ont jamais manifesté auparavant », a expliqué un de ses cinq fondateurs, Mikita Krasnou. « Les habitants de Biélorussie cherchaient de nouveaux organisateurs, de nouveaux représentants », a-t-il continué. « Jouer un rôle dans ce mouvement intéresse également l’opposition traditionnelle et ça l’a encore plus unie », a ajouté Krasnou.

La stratégie du groupe perturbe les autorités. Le 3 août dernier, à l’occasion du défilé du Jour de l’Indépendance, la police a annoncé des restrictions strictes concernant les applaudissements : Seuls, les vétérans ou les ex-soldats pouvaient applaudir. Celui qui ne respecterait pas cette mesure serait arrêté.

Les autorités imposent aussi des limitations à l’utilisation d’Internet. Plus de 40 pour cent de la population a accès au réseau de réseaux, mais ceux qui l’utilisent depuis leur lieu de travail, s’il s’agit d’une entreprise publique, ne peuvent pas accéder à des sites indépendants.

Depuis l’année dernière, ceux qui veulent utiliser les cybercafés doivent présenter leurs passeports. Et depuis juin de cette année, tous les sites web du pays sont obligés d’utiliser le domaine national (« .by »), ce qui permet de les contrôler plus facilement.

Tous les services d’Internet dépendent du fournisseur étatique et la connexion est chère et de mauvaise qualité. Ces derniers temps, l’accès à « Vkontakte » est bloqué le mercredi.

Mais le KGB (services de sécurité) a employé des tactiques répressives plus brutales contre les cyberactivistes. Le 3 août dernier, il y a eu beaucoup de détenus ; d’autres, dont les cellulaires ont été fouillés jusqu’à trouver qu’ils les avaient utilisés sur les principales places au moment des manifestations, ont été soumis à des interrogatoires.

Depuis que les interdictions des applaudissements ont commencés, autour de 1.500 personnes ont été arrêtées, certaines pendant quelques jours, d’autres ont même eu des condamnations d’un an.

« Il y a 15 ans, si quelqu’un appartenait à l’opposition, c’était soit un politicien ou bien un combattant, mais maintenant il faut que ce soit simplement un combattant », a dit Aliaksey Shydlovski, un des premiers prisonniers politiques de la période postérieure à l’indépendance et fondateur des mouvements « Front Juvénile et Bizon ».

Exilé à Prague depuis deux ans, il croit que « les gens qui descendent aujourd’hui dans les rues en Biélorussie sont plus courageux que nous, spécialement les femmes ». « Le régime est devenu plus incertain, et par conséquent plus dur », a-t-il dit.

L’insécurité du régime prend sa source en grande partie dans la crise économique qui domine le pays depuis l’année dernière, après que la Russie ait fait flamber les prix du gaz fin 2009.

Cette année, la monnaie nationale a été dévaluée d’environ 50 pour cent, les prix des produits de base ont augmenté et la population en a stocké, particulièrement de l’alimentation.

N’ayant pas disposé de l’appui du Fonds Monétaire International, la Biélorussie a reçu un prêt de stabilisation de 3.000 millions de dollars accordé par la Communauté Économique Eurasiatique, contrôlée par la Russie.

Les conditions pour obtenir ce prêt impliquent la privatisation de biens de l’État. La moitié de Beltransgaz, l’entreprise nationale de gaz naturel et son infrastructure, appartient déjà à Gazprom russe et le reste de ses actions pourraient aussi être vendues aux russes. Environ la cinquième partie du gaz russe qui est utilisé en Europe arrive par la Biélorussie.

« Ce que la Russie fait actuellement, c’est utiliser les sanctions économiques pour affaiblir Lukashenko et obtenir le contrôle de l’économie de la Biélorussie pour les oligarchies russes », a dit Raman Kavalchuk, un autre chef de l’opposition de la génération du Front Juvénile.

« Avec le temps, Lukashenko tombera. Il faudra plus d’une mobilisation sur Internet. On aura besoin que des syndicats et des initiatives indépendantes fassent descendre dans la rue des dizaines de milliers de personnes. Mais ceci ne peut se réaliser que lentement : la majorité de la population n’acceptera pas à nouveau de ne plus manger de viande à cause des prix prohibitifs », a déclaré Kavalchuk.

Vendre les biens de l’État à la Russie affaiblira le pouvoir de Lukashenko. Mais, sans cette mesure, il n’aura pas de moyens pour sortir de la crise économique qui se retourne contre lui, jusque dans la population la plus proche de lui, celle qui apprécie la stabilité économique que le régime a offerte par le passé.

« Les trois faits politiques les plus importants de cette année ont été : la révélation du fait que le KGB torturait des prisonniers politiques, les manifestations d’automobilistes contre l’augmentation du prix du gaz et la Révolution par les Réseaux Sociaux », a dit Ales Michalevic, un politicien actuellement exilé en République tchèque après avoir passé deux mois en prison pour avoir postulé aux élections présidentielles de décembre. Krasnou a jugé que « il y a différents moyens pour faire tomber Lukashenko ». « D’abord, nous essayons par la voie légale, à fin de ne donner aucune excuse au régime pour nous arrêter et nous frapper. Maintenant que nous avons beaucoup de partisans et de personnes qui nous font savoir, par les réseaux sociaux, qu’elles sont prêtes à s’unir et à résoudre des problèmes, nous essayerons de passer de l’appui massif à des groupes organisés que sont prêts à travailler en permanence », a-t-ajouté.

10.08.2011 • IPS • Claudia Ciobanu • (Prague)

Source : http://periodismohumano.com/

Traduction : Françoise Bague


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