D’après la juge Prévost-Desprez, des témoins ont vu Nicolas Sarkozy recevoir des enveloppes d’argent liquide au domicile de Liliane Bettencourt

lundi 5 septembre 2011.
 

Les internautes ont posé leurs questions à Gérard Davet et Fabrice Lhomme, les auteurs du livre "Sarko m’a tuer".

Kiki : Des témoins ont vu Nicolas Sarkozy recevoir des enveloppes d’argent liquide au domicile de Liliane Bettencourt. Pourquoi la juge Prévost-Desprez n’a-t-elle pas enquêté sur cette information ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : Dans le livre que nous publions, la juge relate avoir recueilli hors procès-verbal des confidences de témoins dans l’affaire Bettencourt sur d’éventuels versements d’argent liquide à Nicolas Sarkozy. Elle n’a pas enquêté plus avant sur ces faits pour deux raisons principales : la première tient au fait que les témoins ne voulaient pas s’exprimer sur procès-verbal par peur de mesures de rétorsion. La seconde est que la magistrate n’était pas saisie d’un éventuel cas de financement politique, puisqu’elle n’enquêtait que sur un abus de faiblesse.

Simone : Comment expliquez-vous le comportement de Mme Prévost-Desprez, magistrate faut-il le rappeler, qui vous communique une telle information recueillie par sa greffière entre deux portes ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : Madame Prévost-Desprez a manifestement été écœurée par les manœuvres du pouvoir via le procureur de Nanterre pour l’empêcher d’enquêter. C’est ce qui explique qu’elle ait aujourd’hui envie de vider son sac.

Noël : La magistrate ne devait-elle pas dénoncer ces faits au parquet ? N’est-ce pas une obligation déontologique ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : Encore une fois, à partir du moment où ces confidences ont été recueillies hors procès-verbal, elles ne pouvaient pas être utilisées judiciairement. Par ailleurs, la juge entretient des relations tellement exécrables avec le Parquet, qu’elle soupçonne de protéger le pouvoir, que toute communication entre les deux parties était absolument impossible.

Tarentule : Relater les paroles d’une juge dessaisie qui évoque des déclarations hors-procès verbal, n’est-ce pas un peu "limite" pour des journalistes d’investigation que vous êtes ? N’êtes-vous pas en train de vous exposer à une plainte en diffamation ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : Il nous a semblé que recueillir les déclarations d’une magistrate connue et respectée était au contraire une démarche journalistique incontestable. D’autre part, ces déclarations viennent conforter d’autres éléments déjà apparus publiquement. Par ailleurs, quand bien même les déclarations des témoins parlant de remise d’espèces auraient été consignées sur un procès-verbal, elles n’en constitueraient pas plus une preuve irréfutable.

Raphaël : Pourquoi avoir choisi de faire un livre, plutôt que de publier une série d’articles dans Le Monde ?

Ju : Pourquoi n’avoir pas publié cette information dans votre journal ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : Les personnes que nous avons interrogées, et qui toutes décrivent un système visant à affaiblir ou attaquer des personnes coupables de menacer le président de la République, n’ont accepté de s’exprimer qu’à condition que leurs témoignages soient regroupés dans un ouvrage, afin d’éviter une personnalisation excessive et donc dangereuse pour elles.

Elisa : Ce livre va-t-il rendre plus difficile votre travail journalistique vis-à-vis de l’Elysée ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : Nous n’en savons rien, mais en ce qui nous concerne, la publication de cet ouvrage ne changera absolument rien à nos méthodes de travail.

Judith : Curiosité : pourquoi avoir publié ces bonnes feuilles dans Libé et L’Express, alors que vous êtes tous deux journalistes au Monde ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : La publication de bonnes feuilles est un choix qui relève uniquement de l’éditeur. D’autre part, nous estimons qu’il est préférable que les extraits d’un livre publié par des journalistes ne paraissent pas dans la publication qui les emploie, pour des raisons déontologiques qui nous semblent évidentes.

Nicolas. F. : Votre livre fait déjà beaucoup de bruit ce matin, alors qu’il s’agit uniquement d’extraits, pourriez-vous nous en dire un peu plus concernant celui-ci ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : Notre livre donne la parole à une trentaine de personnalités qui ont toutes en commun d’avoir été à un moment ou à un autre victimes de la vindicte du pouvoir. Il s’agit de magistrats, de policiers, de hauts fonctionnaires, de journalistes, etc., dont la carrière, voire la vie, a été affectée. Nous décrivons les méthodes, parfois brutales, utilisées par le pouvoir pour se débarrasser des gêneurs.

Henry : Que ferez-vous si M. Sarkozy vous attaque en diffamation ? Comment pouvez-vous apporter des preuves de vos dires ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : C’est à la justice maintenant de faire son travail et de s’emparer de ces révélations. Une nouvelle fois, ces déclarations de la juge s’inscrivent dans un contexte plus général. La juge Prévost-Desprez a relu ces déclarations, les assume et si la justice le souhaite, nous imaginons qu’elle sera disponible pour toute audition.

MrBen : Vous-mêmes ou votre éditeur avez-vous subi des pressions avant la sortie du livre ? Avez-vous contacté l’Elysée pour avoir les explications du président ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : Premièrement, nous n’avons subi aucune pression de qui que ce soit. Par ailleurs, concernant Nicolas Sarkozy, il s’est toujours tenu à une règle : il ne répond jamais aux demandes d’entretien dans un livre le concernant. Nous avons publié ce livre lorsque nous avons terminé notre enquête tout simplement. Nous n’obéissons à aucun calendrier politique. Enfin, en France, ne sommes-nous pas en permanence en campagne électorale ? Si nous avions voulu interférer dans le cours de la prochaine présidentielle, nous aurions au contraire retardé le livre, afin qu’il paraisse dans les derniers mois ou les dernières semaines précédant l’échéance. Sur le plan politique, la seule chose que nous souhaitons, c’est qu’il y ait un débat parlementaire et, pourquoi pas, une demande de commission d’enquête sur les méthodes employées par le pouvoir et les services secrets.

Tommaso : Y a-t-il une chance pour que l’enquête reprenne et qu’il y ait un nouveau développement judiciaire ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : Bien entendu, pour la bonne et simple raison qu’il y a toujours des enquêtes en cours sur les différents volets de l’affaire Bettencourt. Elles sont instruites au tribunal de Bordeaux, et les juges qui en sont chargés pourraient se saisir de nos révélations.

Paul : Pensez-vous que votre livre aura un impact sur le choix des Français en 2012 ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : Ce n’est absolument pas notre propos. Nous ne sommes pas des journalistes politiques, mais des journalistes enquêteurs. Notre seul but, c’est de décrypter un système dont la violence n’est pas compatible avec un Etat démocratique.

betacam33 : Ces juges de Bordeaux n’ont-ils pas été saisis justement dans l’optique d’étouffer cette affaire ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : Non. Ceux qui ont voulu étouffer l’affaire, ce sont les membres du Parquet dépendant du pouvoir. En particulier Philippe Courroye, dont les méthodes ont été déclarées illégales par la cour d’appel de Bordeaux. Les juges de Bordeaux ont toute latitude, s’ils le souhaitent, pour pousser à fond leurs investigations.

Ryad : Est-ce que vous pensez que vos révélations démontrent clairement l’absence d’un contre-pouvoir effectif, ce que devrait être la justice et qui, le cas échéant, interviendrait contre les dérives monarchiques ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : La justice n’est pas indépendante en France, on peut le regretter. On s’aperçoit, à la lueur de cette affaire, à quel point la volonté sarkozyste de supprimer les juges d’instruction serait une erreur. Même si ceux-ci ne sont pas tous exempts de reproches, ils présentent au moins l’avantage d’être indépendants.

Dominique : La juge risque-t-elle des poursuites disciplinaires ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : La juge n’est pas membre du parquet, elle dépend du siège. Il est compliqué de s’en prendre à une magistrate opiniâtre, courageuse et qui n’a commis, par ailleurs, aucune faute


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