Un nouveau Guéret est né ( Jean Luc Mélenchon)

lundi 15 janvier 2007.
 

Samedi, j’étais à Firmi. C’est une commune de l’Aveyron située dans le bassin minier près de Decazeville. Je participais à une manifestation de défense du bureau de poste. Firmi c’est déjà une légende lointaine dans l’histoire du mouvement ouvrier. La culture de solidarité ouvrière et de lutte ne s’est pas perdue. Heureusement pour les gens du coin. Là bas, les gens doivent se battre pour tout : la maternité, le train, la poste, les gendarmerie. Tout. Les merveilles du monde libéral prévoient qu’ils n’ont plus droit à rien ! Mais les gens se battent.

L’insurrection civique

L’insurrection civique va s’exprimer dans les urnes en Mai, cela va de soi... L’insurrection civique est aussi une réalité plus ample. Elle implique les formes de la lutte elle-même. Elle lui donne sa forme, lui suggère des moyens d’expression et, dès lors, elle préfigure un projet politique ou la souveraineté populaire est le cœur de tout, même si les mots pour le dire ne sont pas toujours prononcés de cette façon. Cela change beaucoup de choses, vous aurez l’occasion de le constater. Loin d’être une atténuation ou une « modération » de la colère sociale que telle ou telle lutte exprime c’est au contraire la radicalité de sa volonté d’aboutir qui se manifeste. Son contenu fondamentalement anti libéral est dans le fait qu’elle nie le droit du marché à décider là où la volonté humaine décide de s’imposer. C’est la revendication d’une régulation particulière qui s’impose : la régulation citoyenne. En politique cela s’appelle la souveraineté du peuple. Je prends l’exemple de Firmi.

Comme je l’ai rappellé, il y a eu avant cela en Aveyron des luttes pour le maintien de la maternité, des gendarmeries, et ainsi de suite. Il y a surtout le fil rouge de la bagarre pour garder la liaison ferroviaire directe PARIS RODEZ. Cela se traduit par des occupations de gares à répétition. Vous n’en trouvez pas trace dans les médias parisiens (à l’exception de « Aujourd’hui en France »). Mais, localement, la presse suit le mouvement avec beaucoup de sérieux. Si bien que nul n’en ignore le déroulement. Du coup le piège de la mort silencieuse ne fonctionne pas. Depuis, les cheminots sont le fer de lance du comité de défense des services publics de l’Aveyron. Et celui-ci est le centre organisateur de la lutte sur tous les fronts. Quand l’affaire de la Poste à Firmi s’est présentée, c’est bien sûr loin des yeux parisiens. Sur place, la méthode à consisté pour les décideurs à ne parler de rien à personne, à ne réunir aucun des comités consultatifs prévus par la loi. Habilement, ils comptaient sur les compétitions de territoires et les esprits de clocher pour dépouiller les gens avec le consentement des plus malins.

Le maire décide donc d’organiser un référendum sur la base des dispositions prévues par la loi Jospin sur la démocratie de proximité. Puisque je cite Lionel Jospin, notez d’ailleurs que c’est au même gouvernement Jospin, quand il présidait l’Union européenne, que l’on doit le refus de valider le deuxième paquet de directives postales. J’en reviens au fil de mon récit. La préfète met deux mois à donner son point de vue (avec une femme, ça change tout, non ?). Elle a donc consulté « Paris » comme on dit. Réponse : le référendum n’est pas légal car l’organisation du service postal n’est pas de compétence communale. On se souviendra cependant que s’il s’agit d’ouvrir une agence postale c’est bel et bien la commune qui doit en faire la demande et mettre la main à la poche... Il y avait là de quoi passer à des formes de luttes différentes et peut-être avoir la tentation d’un moins grand formalisme démocratique. Pourtant, localement, personne ne renonce à la méthode de la mobilisation républicaine.

La mobilisation républicaine

Le Conseil municipal adopte donc à l’unanimité une délibération unique en son genre. Elle confie en effet au Comité de défense des services publics le soin d’organiser une consultation des citoyens à propos du plan de réorganisation du service postal à Firmi. En quelque sorte, le Conseil municipal n’accepte pas d’être dessaisi de son pouvoir d’organisation de la démocratie locale. Instance représentative légale, il demande aux citoyens de faire respecter leur souveraineté. En le faisant, il ne peut certes légaliser le résultat du vote qui ne s’imposera pas à la poste, mais cependant il le légitime !

Il met ainsi le « bon droit » du côté de la décision citoyenne. La lutte militante et la mobilisation démocratique fusionne en une démarche unique. La bannière est celle de l’intérêt général, la méthode celle de l’implication citoyenne dans la forme de base : le vote. C’est cela une mobilisation républicaine. Le terme s’applique quand se combinent ces ingrédients : la défense d’un intérêt général clairement énoncé, la désignation claire de l’intérêt particulier auquel elle s’oppose, l’implication citoyenne (c’est-à-dire sans exclusive de catégorie de participant en vue d’une décision qui engagera tous ceux qui l’ont prise ensemble quelque soit leur avis), la forme démocratique et citoyenne de cette implication populaire, l’articulation avec une instance démocratique représentative (ici le conseil municipal de Firmi). Cette démarche va être un succès foudroyant. De toute la zone postale les citoyens viennent participer à la journée de consultation et voter dans les urnes, installées par le comité de défense avec l’aide de la mairie, sur le marché, devant la poste et devant la mairie de Firmi. A la proclamation des résultats il y a foule.

Le meeting fait salle comble dans l’humble salle des fêtes de Firmi où 450 personnes s’entassent pour manifester leur mobilisation intacte. Intervenant au nom de la Convergence des associations de défense du service public, son président Bernard Defaix annonce qu’il demande au comité départemental d’organiser la Fête qui se tient d’habitude dans la Creuse. Le secrétaire du comité de l’Aveyron, Pierre Pantanella, déclare que son comité accepte. Les élus annoncent leur appui. La presse régionale peut titrer : « A Firmi un nouveau Guéret est né ».

Un rendez vous à rendre incontournable

Le rendez est vous est pris. Il aura lieu quinze jours ou trois semaines avant le premier tour des présidentielles. En ce qui me concerne je forme le vœu que l’Aveyron nous donne un point de fixation qui permette de placer la question sociale et républicaine soulevée par la défense des services publics au cœur de la campagne et jusqu’à son terme. Localement, PRS, forte association du département, s’implique sans réserve. Nationalement, je suis sûr que cela fera tache d’huile et je compte bien y contribuer.


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