Réponse à la "Lettre ouverte à Marc Dolez" (par Catherine Guillaume)

mercredi 16 janvier 2013.
 

Textes mis en ligne sur notre site suite à la démission de Marc Dolez :

- A PROPOS DU DÉPART DE MARC DOLEZ, par Eric Coquerel

- Dolez a raison : nous ne sommes pas d’accord, par Jean-Luc Mélenchon

- Lettre ouverte à Marc Dolez, par Robert Duguet

Sur le même débat du positionnement vis à vis du PS :

- Le Front de gauche face aux pièges de la division qui lui sont tendus

Réponse à la "Lettre ouverte à Marc Dolez" (par Catherine Guillaume)

La lettre ouverte de Robert Duguet à Marc Dolez aurait pu être l’occasion d’un vrai débat d’orientation si l’on ne sentait à chaque ligne le ressentiment de vieux règlements de compte internes à "Forces Militantes". Traiter Marc de "Mufti" n’apporte pas grand chose. D’autant que les problèmes de démocratie interne sont malheureusement la chose la mieux partagée du monde.

Cet a priori de défiance envers Marc me gène d’autant plus que moi, j’aurai plutôt un a priori de confiance, non pas pour ce qu’il écrit, mais pour les actes politiques qu’il pose. Bien sûr, comme le rappelle Robert lui-même, lors de la campagne référendaire de 2 005, " A l’époque, on ne pouvait que se féliciter que tu sois un des seuls parlementaires socialistes à te mouiller pour le non à l’Europe néo-libérale, à laquelle la « social-démocratie » européenne et le PS français, se ralliaient".

Mais pas seulement. Dans les années suivantes, il a posé des actes courageux, et là, il était bien seul.

Je ne prends que deux exemples : 1) Lorsque le Parti Socialiste, en avril 2 008, ( 6 mois avant notre départ collectif) rédige sa nouvelle déclaration de principe, qui jette par dessus bord à peu près tout ce qui restait de références, mêmes formelles, à la révolution, à la lutte des classes, aux intérêts de la classe ouvrière...Marc sera le seul dirigeant socialiste à voter contre. Il avait tout simplement émis un vote de principe, sans considération pour telle ou telle manoeuvre interne. 2) Il sera le seul dirigeant du Parti de Gauche à s’engager clairement aux côté du peuple palestinien, en rendant visite, dans sa prison de Gilboa, en novembre 2 009, à notre camarade , le franco-palestinien Salah Hamouri, détenu depuis 2005 par les autorités israéliennes sans la moindre preuve et sans jugement. Je l’ai dit lorsque j’étais au PG, je le redis, nous ne construirons pas un parti profondément implanté dans les quartiers populaires sans un engagement déterminé aux côtés du peuple palestinien, pour le droit et la justice.

Et puis, et ce n’est pas rien, regardons les résultats des législatives. Une simple question : Est-ce tout à fait par hasard si Marc sera le seul, parmi tous les candidats du Parti de Gauche à être devant le candidat du PS aux législatives ? Je ne le pense pas. Il y a certes des dizaines d’années de militantisme de terrain. Mais il y a aussi une question d’orientation politique, une orientation qui est apparue UTILE aux salariés dans leur combat contre leurs exploiteurs. Quelle orientation ?

Je suis en désaccord total sur les deux points évoqués par Robert, sur Hénin-Beaumont comme sur les deux gauches irréconciliables.

1) Sur Hénin-Beaumont je partage l’analyse de Marc. Notre électorat (les 4 millions) a été désorienté par cette candidature. Beaucoup nous avaient rejoint sur la question sociale, le combat contre l’Europe libérale, pour des mesures d’urgence immédiates capables de bloquer les licenciements, d’en finir avec la précarité...Le tout sur fond d’une immense aspiration à chasser Sarkozy et toute son équipe . Cette candidature a été décalée, à la fois par rapport au message de la présidentielle, à la fois par rapport aux aspirations populaires. Et je m’étonne que Robert puisse se revendiquer de la stratégie "Front contre Front". Front de Gauche contre Front National ? Cette funeste théorie "troisième période", qui a conduit la classe ouvrière allemande à la catastrophe en 1933, en faisant, non pas du nazisme, mais de la sociale-démocratie l’ennemi principal, avec les conséquences que l’on connaît. Nous avons suivi les mêmes camps de formation dans notre jeunesse, en particulier sur la question du combat contre le fascisme. Sommes-nous toujours d’accord pour considérer que ce combat nécessite, comme il le rappelle dans sa lettre, "l’unité de front de la social-démocratie, de la gauche social-démocrate et du KPD (PC Allemand) " ? Alors, il ne peut s’agir d’un combat singulier d’ " leader de masse, ayant choisi de casser la tête à la dirigeante du FN ". Cette candidature avait certes du panache, mais le panache ne remplacera jamais l’action de masse. Pour en terminer sur Hénin-Beaumont, j’espère qu’au moins Robert admettra, en accord avec ses citations précédentes, qu’il aurait fallu, au soir du premier tour, alors que les télés étaient présentes, appeler à voter pour Philippe Kemel, le candidat socialiste qui restait face à Marine Le Pen. Non ?

2) Robert semble faire sienne la désastreuse théorie des deux gauches irréconciliables. Qu’Hollande capitule chaque jour devant la Commission Européenne, les banquiers et autres "pigeons", c’est un fait. Je suis d’ailleurs étonnée que certains soient étonnés. Nous connaissons le personnage, formé par Delors et Rocard, cherchant à transformer le PS en parti démocrate..Tout cela a été fort bien analysé par Jean-Luc dans "En quête de gauche". De là à considérer que gouvernement, groupe parlementaire, militants socialistes et électeurs socialistes formeraient un bloc homogène, participant tous d’une gauche qui n’est pas la nôtre, il y a un sacré pas à franchir, ce que fait Robert et tous le tenants des deux gauches irréconciliables. Outre que cette théorie, portée pendant des décennies par la LCR et quelques autres, a fait la preuve concrète de sa stérilité absolue et a conduit le NPA dans le triste état où il est aujourd’hui, il faudrait peut-être revenir à quelques fondamentaux. Et employer pour cela des termes un peu plus scientifiques. Le terme de "gauche" renvoie à une position dans l’hémicycle lors de la Révolution française. Parlons plutôt de classe ouvrière, ou de prolétariat, ou de salariat. Immédiatement on aperçois le grotesque de cette théorie. Y aurait-il deux salariats irréconciliables ? Bien sûr que non. Il n’y a qu’un seul salariat, représenté par des organisations diverses, politiques et syndicales, dont certaines ont lié leur sort au maintient du système en place. C’est le cas du PS, de la CFDT, pour ne parler que des plus importantes. Organisations qui ont encore, malgré tout notre travail militant d’explication, la confiance d’une partie du salariat. L’objectif d’unifier l’ensemble du salariat contre le capital, malgré l’immense obstacle que représente la présence dans nos rangs de ces organisations, devrait être le souci quotidien de tous ceux qui veulent bouleverser l’ordre établi. Peut-on avancer dans cette voie en s’en tenant à la dénonciation des sociaux-démocrates et en faisant de l’éducation populaire autour d’un bon programme ? Encore une fois, si c’était possible ainsi, Krivine serait président de la République depuis 50 ans. Malheureusement le travail d’un parti qui veut aider à "lever l’obstacle et sortir politiquement par le haut. " est plus compliqué. Il doit analyser à chaque étape l’état de conscience des plus larges masses, définir la perspective, le mot d’ordre qui permettra de faire un pas en avant, de réaliser un segment d’unité, de gagner une victoire partielle, d’agréger de nouveaux camarades se dégageant des organisations qui avaient jusque-là leur confiance, en particulier parmi la gauche du PS et des écolos, parmi les syndicalistes. Concrètement, sur les licenciements boursiers, ou sur Florange, ou sur l’amnistie des syndicalistes...ne peut-on engager une campagne de masse, en s’adressant à toute la gauche ? Ce serait quand même plus intéressant que d’apprendre qu’ Harlem Désir "vocifère" ( et que Gérard Filoche « gesticule » !)

Pour cela, il faudrait une élaboration collective, en particulier avec tous ceux qui ont sont en contact avec leurs camarades de travail par leurs responsabilités syndicales. Nous en sommes très loin.

Mais peut-être toutes ces leçons de l’histoire, tous ces textes des grands dirigeants du mouvement ouvrier sont-ils à jeter à la poubelle parce que la situation est radicalement nouvelle ? Parce que nous sommes dans la situation de la Grèce ? ou du Vénézuela ? J’ai connu Robert plus sérieux.

Il faudrait vraiment que ce débat d’orientation ait lieu, sur des bases plus sérieuses, et pas seulement sur le site de midi-Pyrénées. C’est de l’avenir du Front de Gauche qu’il s’agit. Nous n’avons pas d’autre outil pour reconstruire, en France, une gauche capable de s’affronter victorieusement au capital.


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