Intervention de Marie Claire Culié (Parti Communiste) lors du rassemblement de Firmi le 13 janvier

mercredi 7 février 2007.
 

Je tiens tout d’abord à remercier très sincèrement nos amis du comité de défense des services publics d’avoir organisé ce débat. Il revêt une importance particulière tant il est vrai que les services publics sont au cœur des attaques portés par le gouvernement Chirac-Villepin-Sarkozy. Et, hélas ici, comme dans mon département du Tarn nous savons ce que cela veut dire pour notre quotidien.

Fermeture des agences de la banque de France, suppression des trains notamment en direction de Paris obligeant les usagers à se déplacer jusqu’à Toulouse ou bien à recourir à la voiture bonjour la fatigue, l’insécurité routière et la pollution...Suppression du service public postal soit avec la réduction du temps d’ouverture des bureaux, soit avec la pure et simple privatisation en les transférant dans les commerces locaux. Et lorsque la protestation commence à gronder c’est le transfert vers les mairies, mettant ainsi en place la décentralisation Raffarin qui casse l’unicité des services publics. Pour les municipalités qui ont les moyens le service rendu à la population continuera pour les autres que va-t-il se passer ??? Tout simplement la suppression du droit à la communication et au courrier créant une réponse aux besoins à deux vitesses. Selon que vous serez riche ou misérable comme disait déjà Victor Hugo...

Devant la protestation et le mécontentement de plus en plus fort des usagers le Président de la République a adopté lors de ces vœux une posture de défense de la Poste :

« Et je le dis solennellement la France s’opposera à toute initiative qui conduirait à remettre en cause la qualité du service postal universel » fin de citation. Mais ne voila -t-il pas qu’au même moment le journal officiel publiait un décret daté du 5 janvier relatif au service universel postal. Que dit-il ? Tout simplement il diminue la présence postale de proximité en portant de 5 à 10 Km l’obligation d’un point de contact de la poste pour 95% de la population divisant ainsi par 2 le nombre des points de contact. Mieux encore alors que jusqu’à aujourd’hui la levée et la distribution du courrier sont assurées 6 jours sur 7 cela continuera d’être le cas OUF attendez la suite « sauf lorsque les infrastructures de transport ou les caractéristiques de certaines zones font obstacles à l’accompagnement régulier. Dans ce cas la Poste peut prévoir une organisation particulière permettant d’assurer le service dans les meilleures conditions » Avec cette rédaction la Poste pourra se permettre de ne livrer en zone de montagne le courrier qu’une ou deux fois par semaine. Sans parler de la remise en cause de la péréquation tarifaire à savoir l’égalité du prix du courrier sur l’ensemble du territoire Alors Mr. Chirac a-t-il menti dans ces vœux ou le gouvernement travaille à l’insu de son plein gré ?

A vous de répondre.

Les attaques contre les services publics sont devenues quotidiennes. On pourrait ainsi continuer longuement cette liste avec l’Hôpital, l’école etc... mais je crois que le constat vous le connaissez aussi bien que moi car c’est votre vie de tous les jours. Je préfère profiter de ce moment pour voir les véritables causes de ces attaques et surtout parler des remèdes à apporter à cette situation qui n’est pas fatale.

Car si nous en sommes là, c’est bien le résultat de choix politiques fait par les gouvernements successifs.

Ils sont au cœur des débats politiques en France, en Europe, dans le monde. Les services publics sont la cible privilégiée des attaques gouvernementales et ce pour 2 raisons essentielles :

- premièrement, les services publics et les entreprises publiques monopolisent, dans le bon sens du terme, des moyens financiers énormes qui échappent à l’accumulation des profits, au marché financier et à la bourse bref à cet argent inutile qui profiterait à quelques uns au détriment de la réponse au besoins du plus grand nombre. Le patronat et les capitalistes ne supportent pas que cette manne financière leur échappe ;

- deuxièmement, de par leur existence, les services publics sont la démonstration éclatante de la possibilité de construire durablement la société sur la base d’une autre utilisation de l’argent pour la satisfaction des besoins de l’être humain qui devient la finalité des décisions politiques. Ils sont la démonstration vivante qu’en répondant aux besoins humains, qu’en garantissant le droit d’accès à l’électricité, à l’énergie, aux communications, à l’école on atteint une efficacité économique et sociale incomparable. C’est l’ouverture d’autres possibles, l’occasion d’un véritable progrès économique et social. Cette certitude ne relève pas d’un discours, d’une utopie dans la tête de Marie-George Buffet et de quelques militants progressistes. C’est l’histoire même de notre pays qui en est la démonstration. En effet sans EDF-GDF, la SNCF, l’éducation nationale, la Sécu etc., la France serait-elle un pays développé ? Je ne le crois pas. Permettez moi ici dans cette terre de résistance de rendre hommage à la vision très moderne des militants du Conseil National de la Résistance qui ont créés ces services publics, cette sécurité sociale qui en soustrayant du marché ces secteurs essentiels à la vie humaine a permis de faire de la France un des pays les plus développés au monde. Quelle leçon. Et on voudrait nous faire croire que ce qui a été possible dans un pays dévasté, exsangue ne le serait pas aujourd’hui ?

Donc les SP deviennent le terrain privilégié d’affrontement sur le sens de la marche du monde car ils occupent une place centrale dans la vie quotidienne des Françaises et des Français.

Ils ont l’exemple insupportable pour ce gouvernement mais aussi pour les tenants de l’Europe libérale et les tenants de la marchandisation de la planète notamment à travers l’OMC qu’une autre politique est possible de par les faits.

C’est pourquoi nous ne pouvons plus parler service public en se cantonnant sur le territoire national.

L’Europe est un territoire déterminant pour mettre en œuvre cette démarchandisation. Cela passe obligatoirement par l’inclusion de ces droits dans la Charte des droits fondamentaux. Sur cette base, on peut envisager un nouveau traité européen qui donne une place et un contenu entièrement nouveaux au concept de Services d’Intérêt Général :

- En inscrivant la réalisation de ces droits parmi les objectifs essentiels de l’Union ;

- En reconnaissant dans ce but l’existence d’un secteur de SIG situé de droit en dehors de la sphère marchande et placé sous maîtrise publique ;

- En appliquant le principe de subsidiarité. A partir de normes minimales de service fixées au niveau de l’Union, chaque pays doit rester maître de ses choix internes d’organisation : monopole ou multiplicité d’opérateurs, entreprise publique ou concession privée de Service Public ;

- En concrétisant le droit à l’information et à la participation des citoyens à la définition et à l’évaluation des services, à travers la création d’un Haut Conseil des Services d’Intérêt Général à l’échelle de l’Union ;

- En affirmant la réversibilité des décisions, principe démocratique aujourd’hui nié par l’Europe libérale. D’où l’idée d’un droit de pétitionnement citoyen

Ce traité permettrait ainsi de construire, à partir des acquis et de l’Histoire de chaque peuple des Services Publics européens, notamment dans les secteurs de l’énergie, des transports et de la communication.

Sans attendre, il convient de stopper la vague de libéralisation qui se poursuit. D’où l’exigence d’un moratoire sur tous les textes de directives et de règlements concernant les SIG, combiné avec l’engagement d’un débat public à l’échelle de l’Union à partir d’un bilan contradictoire de la libéralisation.

Il me semble également important de souligner combien les luttes, les résistances des salariés, des populations sont nombreuses car ils sentent bien que le capitalisme veut leur enlever un acquis vital pour les générations futures. Acquis qui permet de mettre l’humain et la solidarité au cœur de la construction de la société.

C’est ce nouveau contexte de mobilisation pour les services publics qui est en train de transformer les rapports des citoyens à la politique. La méfiance des usagers, des salariés, des associations et des syndicats a un peu reculé grâce à cette expérience.

C’est ainsi que pour la première fois en France nous voyons la création de la fédération des collectifs de défense et de développement des services publics, qui a pu fédérer des élus, des partis, des associations, des syndicats. C’est une très bonne chose tant les services publics ne peuvent être défendus que par les salariés car ils appartiennent à toute la population.

Les résistances à la casse des services publics sont donc une réalité autant en France qu’en Europe.

Mais à nos yeux cela ne suffit pas.

Pendant que les attaques portaient des coups très graves à la qualité du service rendu aux usagers l’évolution des sciences et des techniques faisaient progresser le mode de vie des Françaises et des français sans que les moyens financiers soient donnés pour que les services publics s’en emparent. Aussi un véritable ravin s’est créé entre les services publics d’aujourd’hui et ce que devrait être la réponse aux besoins de la population Ce qui est donc à l’ordre du jour ce n’est plus simplement d’empêcher la casse de l’existant mais également de lancer les débats et actions nécessaires pour un grand plan de reconquête et de modernisation des services publics correspondant aux besoins de la population d’aujourd’hui.

Nous en avons besoin pour assurer l’accès de tous sur l’ensemble du territoire à l’énergie, aux transports, aux soins, aux télécommunications, au courrier, à la sécurité, etc. Nous avons besoin de services publics également pour former nos enfants, accroître leurs niveaux de qualifications, leur transmettre des savoirs, inscrire le développement de la société dans des perspectives d’avenir.

Pour cette reconquête doit être élaboré à partir des 3 caractéristiques suivantes, qui ont été la base de la création et du développement des services publics en France :

1- L’égalité d’accès pour tous à un certain nombre de biens jugés essentiels et à un même service partout et de façon continue quel que soit le niveau de revenus de chacun-e ;

2- La solidarité garantissant la cohésion sociale et territoriale grâce à des financements mutualisés où chacun apporte sa contribution en fonction de ses moyens ; Cela sous-entend une réponse nationale et non des services publics à la charge des collectivités locales. Il faut donc réfléchir à une conception qui permette de démocratiser les services publics au plus près de la population mais en même temps trouver les moyens pour qu’ils soient nationaux afin d’assurer l’égalité des citoyens sur l’ensemble du territoire. Nous nous prononçons donc pour une décentralisation solidaire

3- La maîtrise citoyenne et le contrôle des populations comme garantie du respect de l’intérêt général et la satisfaction des besoins de la société.

Ce sont là les valeurs de partage qui rendent possible la vie en commun et la construction d’une société qui place les besoins humains au cœur des choix politiques.

Je voudrai également souligné combien pour nous communistes français, les SP ne sont pas un pansement qui permet d’amortir pour notre peuple les méfaits du système capitaliste. Il n’est pas question d’accepter une réponse aux besoins fondamentaux pour une vie digne avec un peu de droit à l’énergie, un peu de communication, un peu de poste, un peu d’eau, etc.

Non les services publics doivent être de véritables droits inaliénables pour tous les citoyens et donc un levier de transformation économique et sociale qui, en mettant en œuvre une société de droits, change la vie, rend possible le changement de société. Car les services publics doivent être le levier politique et économique de la mise en place d’une société progressiste.

3 conditions incontournables s’imposent donc :

1-Ils doivent obligatoirement servir l’intérêt général contre les profits de quelques uns.

2-l’élargissement des droits

L’évolution de la société, du monde et des aspirations des peuples fait qu’une politique progressiste peut difficilement laisser dans le secteur marchand des droits qui deviennent essentiels pour une vie digne. Je pense notamment à la nécessité d’un grand service public de l’eau mais également du médicament et évidemment du logement. L’actualité récente nous démontre bien en ce domaine que les demi-mesures et les promesses vides de contenu ne règle pas les problèmes mais au contraire les aggravent

Et pour l’avenir de notre planète et des problèmes environnementaux doit-on laisser entre les mains des capitalistes le traitement des déchets ?

Et pour que tout cela ne reste pas des promesses sans lendemain il faut que l’état s’en donne les moyens. C’est pourquoi nous nous prononçons non seulement contre la baisse des impôts sur le revenu mais également pour une refonte profonde de la fiscalité, en allant chercher l’argent là ou il est. Pour se donner les moyens de cette politique la création d’un service public du crédit est totalement incontournable tant il est vrai qu’il ne suffit de demander gentiment aux grands tenants des capitaux pour qu’ils acceptent de financer une politique anti-libérale.

3-la démocratisation

Les dernières décennies que nous venons de vivre en France sont la démonstration que les services publics aux mains du pouvoir sont gérés comme les entreprises privées, au nom de la pensée unique, sur la base d’une logique comptable de recherche du profit. Il faut rendre ces services publics à ceux a qui ils appartiennent. C’est pourquoi nous proposons une réforme des conseils d’administration pour qu’ils soient composés uniquement et à égalité des représentants des salariés, des usagers et des élus.

Car il n’y aura pas de démocratie réelle, participative sans rendre le pouvoir au peuple y compris au sein des entreprises qu’elles soient publiques ou privées d’ailleurs.

Voilà les propositions que je souhaitais soumettre au débat. Mais permettez-moi de conclure par une citation d’un grand homme politique de mon département sur les services publics.

"Les services publics démocratisés peuvent et doivent avoir (le) triple effet d’amoindrir la puissance du capitalisme ; de donner aux prolétaires plus de garanties et une force plus directe de revendication ; et de développer en eux, en retour des garanties conquises, ce zèle du bien public qui est une première forme de moralité socialiste est la condition même de l’avènement d’un ordre nouveau."

Jean Jaurès en 1911


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