Crise d’Airbus : Le Conseil Général de la Haute Garonne propose des solutions

mardi 6 mars 2007.
 

Le plan « Power 8 » qui vise Airbus a été annoncé ce mercredi 28 février 2007. Les conséquences sont lourdes. Les défis à surmonter sont titanesques, si on s’en tient aux ressources de trésorerie (5 milliards d’euros) que l’entreprise compte dégager.

Ceux qui avaient imprudemment relativisé la portée de ces évènements, au risque de ne pas suffisamment alerter l’Etat, se voient aujourd’hui floués. Les pertes d’emploi annoncées sont nombreuses, en particulier en France et à Toulouse ; même si la pression des élus et des syndicats ont conduit à éviter les licenciements secs, au moins dans une première séquence.

Notre département est au cœur de la tourmente. Il est lourdement frappé par les conséquences en termes d’emplois, même s’il obtient l’assemblage de l’A350. Cette activité ne pourra cependant pas contrebalancer les pertes d’emploi prévues dans l’entité centrale basée en Haute-Garonne. En outre, le partage des tâches liées à l’A320 défavorise notre département.

La colère qui s’exprime est légitime. Les salariés savent que cette crise n’est pas fortuite, et ils considèrent qu’il est injuste que le prix fort leur soit réservé.

Cette crise est bien la résultante de choix inconsidérés, qui ont conduit à la nomination de dirigeants moins préoccupés d’aéronautique et de production, que de considérations uniquement financières ; des dirigeants qui, comme l’a dit le Président d’Airbus lui-même pendant la présentation du plan, ont donné dans l’ « euphorie » et n’ont pas su mettre en place des organisations adaptées.

Nous allons vivre aussi la conséquence de l’attitude d’un Etat actionnaire qui a laissé les dysfonctionnements s’installer sans en apprécier les risques, se désintéressant des enjeux industriels. Un Etat, qui depuis les informations concernant les retards de l’A380, s’est voulu apaisant dans les mots, et n’a pas voulu prendre la mesure des conséquences que nous découvrons désormais. Un Etat, qui dans la négociation, n’a pas obtenu des décisions favorables aux sites français, ceux-ci étant mis le plus largement à contribution par « Power 8 ».

Airbus est en difficulté, ce que nul ne conteste. Des révisions déchirantes sont peut-être inévitables pour restaurer la solidité de l’entreprise. Mais il est indispensable de donner priorité à la défense de l’emploi, ce qui suppose un dialogue social approfondi avec les représentants des salariés pour surmonter les difficultés et minimiser les conséquences sociales, autant qu’il est possible de le faire.

Des incertitudes subsistent encore après cette annonce, notamment sur le sort réservé dans l’avenir à des sites concernés par un « partenariat » avec de nouveaux acteurs, qui pourrait aboutir à des cessions de site. Il est à cet égard indispensable de donner des perspectives claires aux salariés, qui ne peuvent pas vivre et travailler efficacement dans l’incertitude des lendemains.

Rappelons le : Airbus est un projet industriel, tourné vers le développement économique, porté par les Etats européens, destiné à développer l’emploi sur nos territoires. Airbus doit être fidèle à cette finalité, qui se décline sur le long terme. C’est pourquoi la leçon à tirer de cette crise, c’est celle de la réaffirmation du rôle et de la parole de la puissance publique dans le secteur aéronautique, et plus largement dans la politique industrielle. Et non son effacement complet.

La solidarité nationale et européenne doit s’exprimer envers les territoires concernés. Pour les temps difficiles qui s’annoncent, nous attendons des réactions fortes :

- le soutien à ceux qui subiront de plein fouet la crise doit être réaffirmé. La sous-traitance, composée de PME dont la survie même est en question, doit encore être mieux accompagnée, qu’il s’agisse de surmonter la période ou de se reconvertir. Les salariés qui perdraient leur emploi doivent être soutenus afin de trouver dès que possible un nouvel emploi ou pouvoir vivre une période de transition dans les meilleures conditions.

- La question de la recapitalisation à partir de fonds publics est sérieusement posée, afin que les emplois ne soient pas la variable d’ajustement systématique.

- Il faut aussi reconsidérer les fondements de notre développement économique local. Nous ne pouvons plus compter seulement sur l’aéronautique comme moteur de la croissance. C’est pourquoi des décisions importantes doivent être prises en faveur du sud-ouest et de la Haute-Garonne : à commencer par le feu vert à un nouveau pôle de compétitivité dans l’agroalimentaire, et par l’accélération du projet de desserte de Toulouse par le TGV. La nécessité du maintien de l’aéroport de Blagnac est désormais incontestable pour défendre le site aéronautique toulousain.

- Il est indispensable d’envisager un recentrage des crédits dédiés au pôle de compétitivité de niveau mondial « aerospace valley », sur les urgences liées à la crise, à savoir assurer la pérennité d’entreprises fragilisées. Il serait par ailleurs inconcevable de voir le gouvernement labelliser un nouveau pôle de compétitivité centré sur le domaine aéronautique en Ile de France, ce qui induirait un saupoudrage des aides, alors que l’heure est à la priorité aux sites touchés par « power 8 ».

L’Etat est, au cœur même d’Airbus et dans la gestion de la crise, appelé à jouer un rôle majeur.

Si les collectivités locales en sont des partenaires, nous refusons à l’avance toute attitude qui viserait à laisser entendre que le problème est local, et que l’issue réside dans une union des collectivités. Face à l’ampleur des conséquences de « Power 8 », c’est bien l’Etat qui est interpellé dans sa fonction de défense de la cohésion nationale et des intérêts économiques majeurs du pays.

Enfin, le Président d’Airbus a insisté, pendant sa présentation, sur les causes de nature monétaire qui accentuent les difficultés d’Airbus. Le rapport de l’Euro à un dollar faible est ainsi un problème qui désavantage notre industrie aéronautique. Il faut désormais s’interroger sur la politique monétaire menée en Europe, qui aujourd’hui n’a d’objet que la lutte contre l’inflation, et non le développement économique. Ceci demande de revoir les statuts de la Banque centrale européenne, aujourd’hui indépendante, ou son rapport aux représentants des peuples. Un « gouvernement économique » de l’Europe est ainsi à l’ordre du jour.

Le Conseil Général de la Haute-Garonne demande ainsi :

- à l’Etat de s’engager fortement, en lien avec ses partenaires européens, dans le processus qui s’ouvre à Airbus, afin de faire prévaloir la défense de l’emploi, l’équilibre et la viabilité de l’entreprise Airbus ;

- que les conditions d’une présence publique plus déterminante dans Airbus soit débattues.

- l’ouverture d’un dialogue social approfondi avec les représentants des salariés sur le contenu du plan et ses modalités ;

- des mesures exceptionnelles à l’égard des sous-traitants et pour préserver notre tissu économique local, en particulier les petites et moyennes entreprises ;

- qu’une logique de compensation des effets économiques et sociaux de cette crise soit décidée par l’Etat à l’égard de la Haute-Garonne. Ce qui passe par l’accélération et l’intensification de certains grands projets liant l’Etat et les collectivités sur notre territoire.

- que l’Union Européenne se saisisse au plus vite de la nécessité de définir une politique industrielle volontariste, et réexamine les conditions et les finalités d’une politique monétaire qui doit la favoriser.

Afin que ces éléments puissent se mettre en place, il est nécessaire de décider d’un moratoire sur les suppressions d’emplois prévues par le « plan power » 8.

Le Conseil Général soutient la demande effectuée par l’opposition parlementaire, d’une convocation d’une session extraordinaire du parlement pour évoquer la situation d’Airbus, fleuron de notre industrie française et européenne.


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