Front National La maman et le Pétain

jeudi 16 avril 2015.
 

Commençons par l’essentiel, il est évidemment scandaleux et très symptomatique que la grande manifestation intersyndicale ayant rassemblé jeudi 300 000 personnes dans toute la France ait été quasi effacée dans les médias par le nouveau mélodrame politico familial de la tribu lepeniste. Ainsi va la hiérarchisation de l’information dans notre pays. Le mouvement social derrière l’extrême droite. Pleins feux sur la fille et le gendre fâchés avec grand papa. On se dirait dans Dallas. Mais, au journal de 20h de TF1, plutôt qu’à des syndicalistes qui luttent pour une augmentation de salaire, on préfère donner la parole à Marine Le Pen, vêtue de noir, dans le rôle de la maman éplorée venue dire la larme à l’œil à ses enfants que papy a perdu la boule et qu’il faudra décrocher le portrait du Maréchal Pétain qu’il avait mis au-dessus de la cheminée depuis 40 ans (et qui ne gênait personne dans les repas de famille). Quel cynique numéro de comédienne digne d’un grand succès de cinéma ! Et les français d’extrême droite, comme un personnage joué par Jean-Pierre Léaud dans un film des années 70, devront choisir entre leurs deux amours : la maman ou le Pétain.

Une nouvelle mue de l’extrême droite

Toutefois, le désaccord public entre Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen est un moment important de la vie politique française. C’est un tournant : en 2015 le poids du « Menhir » ne pèse pas plus qu’un galet dans le parti qu’il a fondé et dirigé de façon autocratique pendant près de 40 ans. En interne, peu de gens se bousculent pour le défendre. Pourquoi ? Les partisans de Marine Le Pen tiennent l’appareil et les investitures. Ça calme. A l’extrême droite, on préfère le confort de l’indemnité de l’élu plutôt que la défense de ses convictions. Quiconque prendra la défense du « Président d’Honneur » sera sanctionné. Dans ces conditions, qui ira carboniser son avenir politique pour les beaux yeux d’un vieux chef de 86 ans, au risque de tout perdre ? Personne, ou presque. Mais l’isolement de Jean-Marie Le Pen dans le FN n’est pas qu’une affaire d’appareil verrouillé, même si cela explique beaucoup de silences. Sous nos yeux, dans un désordre certain et assez affligeant, l’extrême droite, comme elle l’a fait régulièrement par le passé, continue de faire sa mue et se débarrasse, ici de façon assez spectaculaire, de sa vieille peau antisémite pour se consacrer à la haine de nos concitoyens musulmans ou plus simplement originaire du Maghreb. Hier antirépublicaine, puis antisémite, anti-homosexuel, anticommuniste, etc… là voilà toute entière concentrée contre les arabes, au nom du "péril islamique". Dans cette nouvelle croisade, la nostalgie du Maréchal Pétain devient inutile et même contre-productive. Elle empêche l’arrivée de nouveaux alliés potentiels. Et puis, cela ne parle plus à grand monde. « Vichy, c’est fini » disent les partisans de Marine. « Et dire que c’était la ville de mon premier amour… » répond Jean-Marie.

Jean-Marie Le Pen répète les mêmes choses depuis 40 ans

Soyons clair, cette mécanique était enclenchée depuis quelques temps, et correspond à un processus engagé dans toute l’Europe pour d’autres forces d’extrême droite, mais la possible mise à l’écart (nous verrons dans le détail néanmoins le 17 avril) de Jean-Marie Le Pen des instances du FN et de toutes responsabilités internes est indiscutablement une étape nouvelle de ce relooking. Concrètement, deux branches de l’extrême droite se scindent, mais pour autant, chacune d’elle reste d’extrême droite. L’une ne vaut pas mieux que l’autre. Concédons que Jean-Marie Le Pen n’a pas changé dans son discours et ses analyses. Ce qu’il a déclaré dans Rivarol, il le répète dans le débat public depuis 40 ans. Il faut se moquer des faux culs et des tartuffes qui s’exclament « Cachez donc ce pétainiste que je ne saurais voir ». Les mêmes l’ont servi docilement pendant des décennies ! Tous les dirigeants du FN actuels, M. Louis Aliot, M. Waleyran de Saint Just, Mme Marie-Christine Arnautu, M. Alain Jamet, M. Stéphane Ravier, M. David Rachline et beaucoup d’autres, qui prennent leur distance depuis quelques jours avec le fondateur, ont tous adhéré au FN à l’époque où Jean-Marie Le Pen répétait les mêmes horreurs sur les estrades. Cela ne les avait pas offusqués à l’époque. Pire, cela les avait attiré et ils défendaient alors ces provocations. Ils aimaient cela et applaudissaient à ses bons mots. A l’époque, pour notre part, nous manifestions contre cette parole lepeniste et les « choqués » d’aujourd’hui, nous insultaient sans retenue, voire même nous agresser physiquement. Pourtant, c’est donc nous qui avions raison à l’époque de nous indigner, non ?

Lors de la scission du FN en 1998, alors que les partisans de Bruno Mégret (que l’on retrouve à présent beaucoup dans l’entourage actuel de Marine Le Pen avec MM. Bay, Briois et compagnie) voulaient déjà que Le Pen père cesse ses outrances verbales, pour mieux accéder au pouvoir par la ruse, et casser la droite. C’est Louis Aliot, alors directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen contre les megretistesqui défendra avec vigueur ses intérêts avec la fille du chef. A cette époque, le « détail » de l’Histoire, la prétendue « inégalité des races », l’identité française douteuse de tel ou tel responsable politique, etc… toute la palette utilisée dans Rivarol était pourtant déjà employée par le président du FN.

J’ai même entendu des hauts dirigeants du FN s’étonner, après l’interview de Rivarol de la référence par Le Pen à "l’Europe boréale" et au "monde blanc" qu’il faudrait défendre. Mais ce n’est pas nouveau. En 2010, dans la revue Réfléchir et Agir Le Pen parlait déjà de cette Europe Boréale et disait :" Toute immigration nouvelle doit être interdite. Si l’on n’y prend garde, la France sera bientôt débordée par l’afflux d’étrangers. Ce débordement s’effectue selon une loi quasi-météorologique de hautes pressions démographiques se déversant sur cette zone de basses pressions que sont l’Europe et le monde blanc." Ils ne l’avaient pas remarqué ? Qui peut les croire sérieusement ? Qui peut faire confiance à de tels étourdis ?

Parti de Gauche sur facebook LePG sur Twitter Le Parti de Gauche sur Google+ • rss.png • .txt Le Parti de Gauche Adhésion Nous soutenir Mouvement pour la 6ème République Place au peuple ! Accueil • Actualités • Arguments - Programme • Militer • Éduc Pop • Qui sommes-nous ? • Vu d’ailleurs • Contact EN DIRECT DES BLOGS • Front National La maman et le Pétain alexis corbièreanalysecrisedéfensedéputé européendiscoursécoleélectionsesteuropefnfront nationalidéesinterviewlamanifestationmanuel vallsmarine le penmédiasmilitantmilitantsparti de gauchepeupleportraitpresseracismeraquel garridorougesocialtempsvall Samedi 11 Avril 2015

famille-le-pen.jpg Commençons par l’essentiel, il est évidemment scandaleux et très symptomatique que la grande manifestation intersyndicale ayant rassemblé jeudi 300 000 personnes dans toute la France ait été quasi effacée dans les médias par le nouveau mélodrame politico familial de la tribu lepeniste. Ainsi va la hiérarchisation de l’information dans notre pays. Le mouvement social derrière l’extrême droite. Plein feux sur la fille et le gendre fâchés avec grand papa. On se dirait dans Dallas. Mais, au journal de 20h de TF1, plutôt qu’à des syndicalistes qui luttent pour une augmentation de salaire, on préfère donner la parole à Marine Le Pen, vêtue de noir, dans le rôle de la maman éplorée venue dire la larme à l’œil à ses enfants que papy a perdu la boule et qu’il faudra décrocher la portrait du Maréchal Pétain qu’il avait mis au-dessus de la cheminée depuis 40 ans (et qui ne gênait personne dans les repas de famille). Quel cynique numéro de comédienne digne d’un grand succès de cinéma ! Et les français d’extrême droite, comme un personnage joué par Jean-Pierre Léaud dans un film des années 70, devront choisir entre leurs deux amours : la maman ou le Pétain.

Une nouvelle mue de l’extrême droite

Toutefois, le désaccord public entre Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen est un moment important de la vie politique française. C’est un tournant : en 2015 le poids du « Menhir » ne pèse pas plus qu’un galet dans le parti qu’il a fondé et dirigé de façon autocratique pendant près de 40 ans. En interne, peu de gens se bousculent pour le défendre. Pourquoi ? Les partisans de Marine Le Pen tiennent l’appareil et les investitures. Ça calme. A l’extrême droite, on préfère le confort de l’indemnité de l’élu plutôt que la défense de ses convictions. Quiconque prendra la défense du « Président d’Honneur » sera sanctionné. Dans ces conditions, qui ira carboniser son avenir politique pour les beaux yeux d’un vieux chef de 86 ans, au risque de tout perdre ? Personne, ou presque. Mais l’isolement de Jean-Marie Le Pen dans le FN n’est pas qu’une affaire d’appareil verrouillé, même si cela explique beaucoup de silences. Sous nos yeux, dans un désordre certain et assez affligeant, l’extrême droite, comme elle l’a fait régulièrement par le passé, continue de faire sa mue et se débarrasse, ici de façon assez spectaculaire, de sa vieille peau antisémite pour se consacrer à la haine de nos concitoyens musulmans ou plus simplement originaire du Maghreb. Hier antirépublicaine, puis antisémite, anti-homosexuel, anticommuniste, etc… là voilà toute entière concentrée contre les arabes, au nom du "péril islamique". Dans cette nouvelle croisade, la nostalgie du Maréchal Pétain devient inutile et même contre-productive. Elle empêche l’arrivée de nouveaux alliés potentiels. Et puis, cela ne parle plus à grand monde. « Vichy, c’est fini » disent les partisans de Marine. « Et dire que c’était la ville de mon premier amour… » répond Jean-Marie.

Jean-Marie Le Pen répète les mêmes choses depuis 40 ans

marine-le-pen-pere-jean-marie.jpg Soyons clair, cette mécanique était enclenchée depuis quelques temps, et correspond à un processus engagé dans toute l’Europe pour d’autres forces d’extrême droite, mais la possible mis à l’écart (nous verrons dans le détail néanmoins le 17 avril) de Jean-Marie Le Pen des instances du FN et de toutes responsabilités internes est indiscutablement une étape nouvelle de ce relooking. Concrètement, deux branches de l’extrême droite se scindent, mais pour autant, chacune d’elle reste d’extrême droite. L’une ne vaut pas mieux que l’autre. Concédons que Jean-Marie Le Pen n’a pas changé dans son discours et ses analyses. Ce qu’il a déclaré dans Rivarol, il le répète dans le débat public depuis 40 ans. Il faut se moquer des faux culs et des tartuffes qui s’exclament « Cachez donc ce pétainiste que je ne saurais voir ». Les mêmes l’ont servi docilement pendant des décennies ! Tous les dirigeants du FN actuels, M. Louis Aliot, M. Waleyran de Saint Just, Mme Marie-Christine Arnautu, M. Alain Jamet, M. Stéphane Ravier, M. David Rachline et beaucoup d’autres, qui prennent leur distance depuis quelques jours avec le fondateur, ont tous adhéré au FN à l’époque où Jean-Marie Le Pen répétait les mêmes horreurs sur les estrades. Cela ne les avait pas offusqué à l’époque. Pire, cela les avait attiré et ils défendaient alors ces provocations. Ils aimaient cela et applaudissaient à ses bons mots. A l’époque, pour notre part, nous manifestions contre cette parole lepeniste et les « choqués » d’aujourd’hui, nous insultaient sans retenue, voire même nous agresser physiquement. Pourtant, c’est donc nous qui avions raison à l’époque de nous indigner, non ?

Lors de la scission du FN en 1998, alors que les partisans de Bruno Mégret (que l’on retrouve à présent beaucoup dans l’entourage actuel de Marine Le Pen avec MM. Bay, Briois et compagnie) voulaient déjà que Le Pen père cesse ses outrances verbales, pour mieux accéder au pouvoir par la ruse, et casser la droite. C’est Louis Aliot, alors directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen contre les megretistesqui défendra avec vigueur ses intérêts avec la fille du chef. A cette époque, le « détail » de l’Histoire, la prétendue « inégalité des races », l’identité française douteuse de tel ou tel responsable politique, etc… toute la palette utilisée dans Rivarol était pourtant déjà employée par le président du FN.

J’ai même entendu des hauts dirigeants du FN s’étonner, après l’interview de Rivarol de la référence par Le Pen à "l’Europe boréale" et au "monde blanc" qu’il faudrait défendre. Mais ce n’est pas nouveau. En 2010, dans la revue Réfléchir et Agir Le Pen parlait déjà de cette Europe Boréale et disait :" Toute immigration nouvelle doit être interdite. Si l’on n’y prend garde, la France sera bientôt débordée par l’afflux d’étrangers. Ce débordement s’effectue selon une loi quasi-météorologique de hautes pressions démographiques se déversant sur cette zone de basses pressions que sont l’Europe et le monde blanc." Ils ne l’avaient pas remarqué ? Qui peut les croire sérieusement ? Qui peut faire confiance à de tels étourdies ?

Alexis Corbière invité à "ON NE VA PAS SE… par lepartidegauche

Un communiqué qui dit tout… en ne disant rien

Alors, où est le désaccord aujourd’hui ? Pour bien comprendre, une lecture attentive du communiqué de Marine Le Pen, daté du 8 avril est éclairante.

La présidente du FN y déclare : « Jean-Marie Le Pen semble être entré dans une véritable spirale entre stratégie de la terre brûlée et suicide politique. Compte-tenu de cette situation, j’ai informé Jean-Marie Le Pen que je m’opposerai, lors du bureau politique du 17 avril prochain qui doit investir les têtes de listes pour les élections régionales, à sa candidature en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Son statut de Président d’honneur ne l’autorise pas à prendre le Front National en otage, de provocations aussi grossières dont l’objectif semble être de me nuire mais qui, hélas, portent un coup très dur à tout le mouvement, à ses cadres, à ses candidats, à ses adhérents, à ses électeurs. (..) »

Ainsi, rien dans ce communiqué ne dit avec précisions où se situent les divergences politiques, historiques et idéologiques avec le père fondateur. Elle reproche sa « stratégie de la terre brulée » jugée comme « suicidaire », Elle évoque des « provocations » mais aucun argument ne vient répondre à la longue interview de Jean-Marie Le Pen. Interrogée sur TF1 hier soir, et poussée dans ses retranchements, Marine Le Pen dit être en « désaccord profond avec les propos tenus » par son père. Peut être, mais lesquels ? On aimerait en savoir plus. Car, tout de même, lors de cette interview, Le Pen père reproche à Manuel Valls d’être un français immigré d’origine espagnole dans les termes suivants : « Valls est français depuis trente ans, moi je suis français depuis mille ans ». Choquant pour Mme Le Pen ? Vraiment ? Mais, il y a quelques semaines, un de ses trois conseillers spéciaux, membre de son cabinet, M. Eric Domard tweetait « NVB ministre franco-marocaine pour les menus sans porc, favorable au voile lors des sorties scolaires. La question de l’allégeance se pose ». Ce tweet malheureux sous entend que les décisions de Najat Vallaud Belkacem sont « soumises » au royaume marocain et que cette dernière n’est pas vraiment française. Où est fondamentalement la différence avec l’attaque contre Valls ?

Je continue. Jean-Marie Le Pen dit dans Rivarol : « le problème de l’immigration est compliqué par le fait qu’une grande partie de cette immigration est musulmane et que le monde musulman est largement influencé par des conceptions extrémistes, des interprétations belliqueuses du Coran ». Est-elle en désaccord ou non ? Car franchement, elle dit la même chose peu ou prou dans le débat public.

De Zemmour au gaffeur Aymeric Chauprade qui vend la mèche

Concernant le Maréchal Philippe Pétain, où est la nouveauté dans les propos de Le Pen ? Dans le dernier livre du journaliste Eric Zemmour, certes présentée avec un indiscutable talent littéraire et de bateleur, que tout le FN unanime a soutenu, on retrouve la même thèse : Pétain n’était pas un traitre, il a même été un moindre mal. Quelles sont les voix au FN qui se sont élevées pour dire que cet aspect du livre était une « provocation inacceptable » ? Aucune. C’est l’inverse. Ils l’ont défendu. Vendant la mèche, Aymeric Chauprade que Marine Le Pen vient de faire élire député européen, a jugé les choses ainsi : "J’ai lu l’interview de Jean-Marie Le Pen, qui comme d’habitude est riche et intelligente, car tout ce que Jean-Marie Le Pen dit est souvent profond, intelligent, nourri par l’histoire. Simplement, ce que nous disons c’est qu’il y a certains débats qui sont contre-productifs, inutiles, pour lesquels nous vivons dans une société d’émotion qui d’emblée anéantit toute réflexion et tout raisonnement." Ecoutez le sur France 24. Les propos que je rapporte sont à 12 mn 53 secondes (et merci à nos amis de L’Entente) :

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famille-le-pen.jpg Commençons par l’essentiel, il est évidemment scandaleux et très symptomatique que la grande manifestation intersyndicale ayant rassemblé jeudi 300 000 personnes dans toute la France ait été quasi effacée dans les médias par le nouveau mélodrame politico familial de la tribu lepeniste. Ainsi va la hiérarchisation de l’information dans notre pays. Le mouvement social derrière l’extrême droite. Plein feux sur la fille et le gendre fâchés avec grand papa. On se dirait dans Dallas. Mais, au journal de 20h de TF1, plutôt qu’à des syndicalistes qui luttent pour une augmentation de salaire, on préfère donner la parole à Marine Le Pen, vêtue de noir, dans le rôle de la maman éplorée venue dire la larme à l’œil à ses enfants que papy a perdu la boule et qu’il faudra décrocher la portrait du Maréchal Pétain qu’il avait mis au-dessus de la cheminée depuis 40 ans (et qui ne gênait personne dans les repas de famille). Quel cynique numéro de comédienne digne d’un grand succès de cinéma ! Et les français d’extrême droite, comme un personnage joué par Jean-Pierre Léaud dans un film des années 70, devront choisir entre leurs deux amours : la maman ou le Pétain.

Une nouvelle mue de l’extrême droite

Toutefois, le désaccord public entre Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen est un moment important de la vie politique française. C’est un tournant : en 2015 le poids du « Menhir » ne pèse pas plus qu’un galet dans le parti qu’il a fondé et dirigé de façon autocratique pendant près de 40 ans. En interne, peu de gens se bousculent pour le défendre. Pourquoi ? Les partisans de Marine Le Pen tiennent l’appareil et les investitures. Ça calme. A l’extrême droite, on préfère le confort de l’indemnité de l’élu plutôt que la défense de ses convictions. Quiconque prendra la défense du « Président d’Honneur » sera sanctionné. Dans ces conditions, qui ira carboniser son avenir politique pour les beaux yeux d’un vieux chef de 86 ans, au risque de tout perdre ? Personne, ou presque. Mais l’isolement de Jean-Marie Le Pen dans le FN n’est pas qu’une affaire d’appareil verrouillé, même si cela explique beaucoup de silences. Sous nos yeux, dans un désordre certain et assez affligeant, l’extrême droite, comme elle l’a fait régulièrement par le passé, continue de faire sa mue et se débarrasse, ici de façon assez spectaculaire, de sa vieille peau antisémite pour se consacrer à la haine de nos concitoyens musulmans ou plus simplement originaire du Maghreb. Hier antirépublicaine, puis antisémite, anti-homosexuel, anticommuniste, etc… là voilà toute entière concentrée contre les arabes, au nom du "péril islamique". Dans cette nouvelle croisade, la nostalgie du Maréchal Pétain devient inutile et même contre-productive. Elle empêche l’arrivée de nouveaux alliés potentiels. Et puis, cela ne parle plus à grand monde. « Vichy, c’est fini » disent les partisans de Marine. « Et dire que c’était la ville de mon premier amour… » répond Jean-Marie.

Jean-Marie Le Pen répète les mêmes choses depuis 40 ans

marine-le-pen-pere-jean-marie.jpg Soyons clair, cette mécanique était enclenchée depuis quelques temps, et correspond à un processus engagé dans toute l’Europe pour d’autres forces d’extrême droite, mais la possible mis à l’écart (nous verrons dans le détail néanmoins le 17 avril) de Jean-Marie Le Pen des instances du FN et de toutes responsabilités internes est indiscutablement une étape nouvelle de ce relooking. Concrètement, deux branches de l’extrême droite se scindent, mais pour autant, chacune d’elle reste d’extrême droite. L’une ne vaut pas mieux que l’autre. Concédons que Jean-Marie Le Pen n’a pas changé dans son discours et ses analyses. Ce qu’il a déclaré dans Rivarol, il le répète dans le débat public depuis 40 ans. Il faut se moquer des faux culs et des tartuffes qui s’exclament « Cachez donc ce pétainiste que je ne saurais voir ». Les mêmes l’ont servi docilement pendant des décennies ! Tous les dirigeants du FN actuels, M. Louis Aliot, M. Waleyran de Saint Just, Mme Marie-Christine Arnautu, M. Alain Jamet, M. Stéphane Ravier, M. David Rachline et beaucoup d’autres, qui prennent leur distance depuis quelques jours avec le fondateur, ont tous adhéré au FN à l’époque où Jean-Marie Le Pen répétait les mêmes horreurs sur les estrades. Cela ne les avait pas offusqué à l’époque. Pire, cela les avait attiré et ils défendaient alors ces provocations. Ils aimaient cela et applaudissaient à ses bons mots. A l’époque, pour notre part, nous manifestions contre cette parole lepeniste et les « choqués » d’aujourd’hui, nous insultaient sans retenue, voire même nous agresser physiquement. Pourtant, c’est donc nous qui avions raison à l’époque de nous indigner, non ?

Lors de la scission du FN en 1998, alors que les partisans de Bruno Mégret (que l’on retrouve à présent beaucoup dans l’entourage actuel de Marine Le Pen avec MM. Bay, Briois et compagnie) voulaient déjà que Le Pen père cesse ses outrances verbales, pour mieux accéder au pouvoir par la ruse, et casser la droite. C’est Louis Aliot, alors directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen contre les megretistesqui défendra avec vigueur ses intérêts avec la fille du chef. A cette époque, le « détail » de l’Histoire, la prétendue « inégalité des races », l’identité française douteuse de tel ou tel responsable politique, etc… toute la palette utilisée dans Rivarol était pourtant déjà employée par le président du FN.

J’ai même entendu des hauts dirigeants du FN s’étonner, après l’interview de Rivarol de la référence par Le Pen à "l’Europe boréale" et au "monde blanc" qu’il faudrait défendre. Mais ce n’est pas nouveau. En 2010, dans la revue Réfléchir et Agir Le Pen parlait déjà de cette Europe Boréale et disait :" Toute immigration nouvelle doit être interdite. Si l’on n’y prend garde, la France sera bientôt débordée par l’afflux d’étrangers. Ce débordement s’effectue selon une loi quasi-météorologique de hautes pressions démographiques se déversant sur cette zone de basses pressions que sont l’Europe et le monde blanc." Ils ne l’avaient pas remarqué ? Qui peut les croire sérieusement ? Qui peut faire confiance à de tels étourdies ?

Alexis Corbière invité à "ON NE VA PAS SE… par lepartidegauche

Un communiqué qui dit tout… en ne disant rien

Alors, où est le désaccord aujourd’hui ? Pour bien comprendre, une lecture attentive du communiqué de Marine Le Pen, daté du 8 avril est éclairante.

La présidente du FN y déclare : « Jean-Marie Le Pen semble être entré dans une véritable spirale entre stratégie de la terre brûlée et suicide politique. Compte-tenu de cette situation, j’ai informé Jean-Marie Le Pen que je m’opposerai, lors du bureau politique du 17 avril prochain qui doit investir les têtes de listes pour les élections régionales, à sa candidature en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Son statut de Président d’honneur ne l’autorise pas à prendre le Front National en otage, de provocations aussi grossières dont l’objectif semble être de me nuire mais qui, hélas, portent un coup très dur à tout le mouvement, à ses cadres, à ses candidats, à ses adhérents, à ses électeurs. (..) »

Ainsi, rien dans ce communiqué ne dit avec précisions où se situent les divergences politiques, historiques et idéologiques avec le père fondateur. Elle reproche sa « stratégie de la terre brulée » jugée comme « suicidaire », Elle évoque des « provocations » mais aucun argument ne vient répondre à la longue interview de Jean-Marie Le Pen. Interrogée sur TF1 hier soir, et poussée dans ses retranchements, Marine Le Pen dit être en « désaccord profond avec les propos tenus » par son père. Peut être, mais lesquels ? On aimerait en savoir plus. Car, tout de même, lors de cette interview, Le Pen père reproche à Manuel Valls d’être un français immigré d’origine espagnole dans les termes suivants : « Valls est français depuis trente ans, moi je suis français depuis mille ans ». Choquant pour Mme Le Pen ? Vraiment ? Mais, il y a quelques semaines, un de ses trois conseillers spéciaux, membre de son cabinet, M. Eric Domard tweetait « NVB ministre franco-marocaine pour les menus sans porc, favorable au voile lors des sorties scolaires. La question de l’allégeance se pose ». Ce tweet malheureux sous entend que les décisions de Najat Vallaud Belkacem sont « soumises » au royaume marocain et que cette dernière n’est pas vraiment française. Où est fondamentalement la différence avec l’attaque contre Valls ?

Je continue. Jean-Marie Le Pen dit dans Rivarol : « le problème de l’immigration est compliqué par le fait qu’une grande partie de cette immigration est musulmane et que le monde musulman est largement influencé par des conceptions extrémistes, des interprétations belliqueuses du Coran ». Est-elle en désaccord ou non ? Car franchement, elle dit la même chose peu ou prou dans le débat public.

De Zemmour au gaffeur Aymeric Chauprade qui vend la mèche

Concernant le Maréchal Philippe Pétain, où est la nouveauté dans les propos de Le Pen ? Dans le dernier livre du journaliste Eric Zemmour, certes présentée avec un indiscutable talent littéraire et de bateleur, que tout le FN unanime a soutenu, on retrouve la même thèse : Pétain n’était pas un traitre, il a même été un moindre mal. Quelles sont les voix au FN qui se sont élevées pour dire que cet aspect du livre était une « provocation inacceptable » ? Aucune. C’est l’inverse. Ils l’ont défendu. Vendant la mèche, Aymeric Chauprade que Marine Le Pen vient de faire élire député européen, a jugé les choses ainsi : "J’ai lu l’interview de Jean-Marie Le Pen, qui comme d’habitude est riche et intelligente, car tout ce que Jean-Marie Le Pen dit est souvent profond, intelligent, nourri par l’histoire. Simplement, ce que nous disons c’est qu’il y a certains débats qui sont contre-productifs, inutiles, pour lesquels nous vivons dans une société d’émotion qui d’emblée anéantit toute réflexion et tout raisonnement." Ecoutez le sur France 24. Les propos que je rapporte sont à 12 mn 53 secondes (et merci à nos amis de L’Entente) :

Tout est dit par Chauprade. Sera-t-il lui aussi mis à la porte ? Mais, ce type de commentaires expliquant les vrais enjeux du désaccord père et fille, sont assez rares. On manque singulièrement de courage au FN.

Donc le fond du désaccord entre père et fille repose sur l’opportunité stratégique et électorale de dire tout cela publiquement. Marine Le Pen veut maîtriser ses attaques et les concentrer sur une seule cible : l’arabe qu’il est aisé à présent de décrire comme un exalté religieux, fourbe et sans cesse revendicatif. Avec ce seul adversaire, elle pense possible de faire la jonction avec des secteurs de la droite en crise, mais pas si elle porte encore la marque sulfureuse de l’antisémitisme ce qui, pour un notable de droite n’est pas (ou plus) assumable. Au FN, le racisme anti-musulman et anti-arabe, c’est d’accord, mais pas l’antisémitisme de papa. Robert Ménard à Béziers peut rallumer tous les feux de la guerre d’Algérie en faisant du révisionnisme historique et en effaçant le rôle meurtrier de l’OAS, pas de problème. Il peut exalter l’injuste ordre colonial, on ne lui reprochera pas. Par contre, la seconde guerre mondiale, c’est trop loin. Trop marginal idéologiquement. Défendre la collaboration est devenu sans objet électoral. On doit bien sûr se réjouir que l’un des principaux émetteurs du négationnisme et antisémitisme soit « tricard » au FN. Soit. Tant mieux. Tant de mal a été fait par le passé. Mais, cela n’empêche pas pour autant que ceux qui veulent le faire taire (plus pour des raisons de formes que de fond) restent des militants d’extrême droite, dangereux pour l’unité de notre peuple.

Quelle que soit les cassures au sein du FN, notre combat continue. L’extrême droite est à l’offensive. Marine Le Pen va utiliser cette crise pour apparaître comme une femme courageuse qui prend ses distances avec les obsessions xénophobes. C’est faux. Elle arrive à avancer dans l’ambiguïté. Dans des formules à double sens (voir sa réponse au journal Haaretz évoqué dans mon précédent communiqué). Il est aussi piquant des constater qu’aucun des dirigeants actuels du FN n’écrit d’ouvrages, ne publie d’articles sur toutes ces questions historiques. Autant le père était prolixe, autant la fille est avare de commentaire sur notre histoire. L’ambiguïté est toujours préférable pour Le Pen fille.

Non au lepenisme médiatique !

mmlepen.jpgLe combat contre l’extrême droite doit continuer. Ne baissons pas la garde. Pas maintenant, surtout pas maintenant. Aider par une certaine presse, Marine Le Pen veut tirer profit de cette embrouillamini à la monégasque avec la fille et le gendre, pépé, la petite fille… et l’héritage ! Je reviendrai sur ce point. Mais, comment en sommes-nous arrivés au point que même les mésaventures internes les plus grotesques du FN ne le jettent pas à terre et pourraient même devenir des atouts ? Une partie de la réponse repose dans ce lepenisme médiatique sournois qui traverse bien des medias. J’implore les rédactions à bien mesurer l’impact de ce qu’elles publient quand elles parlent du FN. De grâce, ne sombrez pas dans leur plan médias. Faites votre métier avec distance, nous avons besoin de vous. Parler du FN oui, leur passer les plats, non. Bien sûr, je ne mets pas tous les journaux dans le même paquet. Au sein de la même rédaction des nuances et désaccords existent. Mais, je suis parfois sidéré par ce que je lis. Ceux qui disent que le FN a changé ne voient pas que c’est surtout eux qui ont changé.

Vous voulez des exemples pour illustrer mon inquiétude ? En voici deux. Le premier est extrait de l’hebdomadaire l’Express, dirigé par M. Christophe Barbier et son écharpe rouge. Prenez l’article consacré à Marion Maréchal Le Pen nommée « L’effrontée nationale » ce qui déjà n’est pas vraiment très insolent pour décrire une petite bourgeoise, élevée dans des écoles privées fort coûteuses, dont la seule raison qu’elle fut députée à 20 ans et qu’elle était la petite fille de Jean-Marie Le Pen. Où est l’effronterie ? La photo de couverture est glamour, mais le pire est dans l’article. En voici un extrait : « la portière s’ouvre doucement, il fait un temps maussade, la lumière s’allume. Les contrastes favorisent tout, y compris celui du blond sur le gris. La nièce de Marine Le Pen porte des bottes montantes bleu nuit assorties à la couleur de son jean bien coupé. Un chemisier blanc en tissu léger surmonte l’ensemble. Personne n’est tenu de goûter la peau très blanche, la raie sur le côté obligeant les longs cheveux à pendre d’un seul côté ou ce visage lupin. En revanche, rien ne sert de nier ce que l’oeil impose : on ne voit qu’elle. » Le journaliste a manifestement cédé à la beauté du diable. Le reste de l’article est à l’avenant : « Agée de seulement 25 ans, Marion Maréchal possède l’aisance -politique- des gens bien nés ». Lisez la suite et faites vous un avis. Et amenez moi un article consacré aux nôtres avec le même genre de plume.

Vous voulez un autre exemple ? Il vient du quotidien « L’actu » adressé aux jeunes de 13 à 17 ans. Un numéro consacré au FN et les jeunes fut l’occasion d’un véritable festival : photo avantageuse pour Le Pen, dessin de tendance xénophobe, jeune FN nommé Mohamed qui affirme que le FN « n’est pas raciste » tout y est passé. Heureusement, cela n’a pas échappé à la vigilance de ma camarade du secrétariat national du Parti de Gauche Raquel Garrido qui a sonné le tocsin. Le journal Slate.fr y a consacré un article assez détaillé. Comme Raquel, soyez vigilant. France 24 y a également consacré un petit sujet.

Pour lutter contre l’extrême droite et ses idées, nous ne devons d’abord compter que sur nous-mêmes et construire la grande force populaire, sociale, écologique et démocratique qui permettra le changement attendu. Je reste convaincu que tout est possible. Tout. Le meilleur comme le pire. Agissons pour que ce soit le meilleur qui est le dernier mot. Car, en plus de notre propre action sur le terrain politique, il reste à la brouille des Le Pen contre Le Pen un volet qui risque de nous ravir : les histoires d’argent. Le fondateur historique du FN connaît tous les secrets des sources de financement du parti. Il garde la main sur une des associations de financement la Cotelec. Et, comme le dit le politologue Nicolas Lebourg : "Marine Le Pen peut se fâcher avec son père, mais pas avec son banquier". Et si c’était le talon d’Achille de l’extrême droite ? "Qui a vécu par le glaive, périra par le glaive" nous dit la Bible.

Qui a vécu par les sources de financement brumeux et sous contrôle clanique peut donc en périr…. A suivre.


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