Les enjeux de la justice d’exception dans les contextes de crise.

mardi 9 février 2016.
 

Vanessa Codaccioni vient de publier un ouvrage intitulé : Justice d’exception : L’État face aux crimes politiques et terroristes. On peut avoir des informations sur ce livre qui est publié par les éditions du CNRS dont en cliquant ici

À cette occasion, et en raison des événements, le webzine "À l’encontre" publie un entretien tout à fait intéressant avec cette auteure. Nous reproduisons ici le début de cet entretien.

Source : http://alencontre.org/europe/france...

Page d’accueil du site : http://alencontre.org/

Au cours de cet entretien, on peut lire par exemple une affirmation particulièrement importante :

"La distinction entre justice ordinaire et justice d’exception est un enjeu politique très fort pour les pouvoirs publics eux-mêmes. À défaut de pouvoir nier son existence, il s’agit toujours de montrer que la justice d’exception est à la marge du système répressif, qu’elle n’a rien à voir avec la justice rendue par la République. Or, ce que j’essaie de montrer dans mon livre, c’est que la frontière entre ces deux formes de justice est beaucoup moins étanche qu’il n’y paraît. Et ce pour trois principales raisons.…"

Entretien avec Vanessa Codaccioni conduit par Mathieu Trachman

Vanessa Codaccioni est maîtresse de conférences au département de science politique de l’Université Paris 8 et membre du laboratoire Cultures et Sociétés Urbaines (CRESPPA-CSU). Spécialisée dans la sociologie des procès politiques et de la répression étatique, elle a publié en 2013 chez CNRS Éditions Punir les opposants. PCF et procès politiques (1947-1962).

Vanessa Codaccioni poursuit ses recherches sur la manière dont l’État fait face aux crimes politiques et terroristes, travaillant plus spécifiquement sur les États, les législations, et la justice d’exception. Elle parle ici de son dernier ouvrage : Justice d’exception. L’État face aux crimes politiques et terroristes, Paris, CNRS Editions, 2015.

Le site A l’Encontre a déjà reproduit un entretien avec Vanessa Codaccioni le 16 janvier 2016. Voir toutes les indications sur la source (Vie des Idées) en fin d’entretien.  *****

Quels sont les événements qui justifient la mise en place d’une justice d’exception ? Comment fonctionnent les juridictions qui incarnent cette justice (Cour de sûreté de l’État, cour d’assises spécialement composée), dont les archives sont au centre de votre recherche ?

Vanessa Codaccioni : Les juridictions d’exception naissent toujours dans des contextes de crise, et plus précisément dans des contextes de fortes conflictualités politique et sociale, des situations de guerre ou de sorties de conflits. Les cas de Vichy, de la Libération ou de la guerre d’Algérie, où se sont succédé de multiples tribunaux spéciaux, sont les exemples-types de ces moments où la radicalisation de la lutte contre des « ennemis intérieurs » se traduit par l’instauration d’un régime répressif d’exception. Dans ce dernier, les tribunaux spéciaux sont centraux car ils permettent de réprimer très rapidement et plus sévèrement une « population cible » dont les membres sont soumis à un processus de pénalisation dérogatoire au droit commun.

Il existe bien évidemment des différences entre toutes les juridictions politiques qui émaillent l’histoire de la justice française, et notamment des degrés de radicalité différenciés. Certaines ont favorisé l’exécution de centaines d’accusés, comme les sections spéciales sous Vichy, d’autres n’ont jamais vu les condamnations à mort prononcées par leurs juges. C’est par exemple le cas de la Cour de sûreté de l’État qui a prononcé une trentaine de condamnations à mort contre des membres de l’OAS et des « espions soviétiques », mais aussi des collaborateurs qui avaient fui la France à la Libération, et dont les peines n’ont jamais été appliquées en raison des grâces présidentielles ou des amnisties.

Néanmoins jusqu’en 1981, date à laquelle la gauche au pouvoir supprime les juridictions d’exception, ces dernières ont des caractéristiques communes : la composition de leur chambre, leur procédure et leurs modalités de jugement sont totalement dérogatoires au droit commun. Souvent composées de militaires de carrière et de juges choisis par le pouvoir central, elles imposent une procédure expéditive au détriment des droits de la défense, quand au contraire elles autorisent des pratiques policières et pénitentiaires d’exception comme les gardes à vue prolongées ou des détentions de très longue durée. Les peines qu’elles peuvent prononcer, elles qui jugent les crimes et les délits les plus graves, ceux qui touchent à l’ordre public, à la forme républicaine du gouvernement ou à l’existence de l’État, sont aussi bien plus variées et sévères. Enfin, les conditions de jugement y étant anormales (absence de jury populaire dans le cas de crimes, présence de militaires dans les prétoires, peines prononcées à la majorité simple etc.), elles rompent avec le principe du procès équitable.

Lire la suite de l’entretien sur le site "À l’encontre" en cliquant ici

Hervé Debonrivage


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