Bataille de Stalingrad. Personne ne doit oublier le rôle de l’URSS dans la défaite du nazisme !

dimanche 1er septembre 2024.
 

- 23 août 1942 L’armée hitlérienne atteint Stalingrad sur la Volga

- 19 novembre 1942 : contre-attaque soviétique décisive sur le sort de la seconde guerre mondiale

- 2 février 1943, les dernières forces allemandes du secteur se rendent

Depuis le 21 juin 1941, les forces armées de l’Allemagne hitlérienne, aidées par leurs alliés roumains,hongrois, italiens, finlandais, croates et slovaques, aidées par des fascistes français, espagnols, belges ... déferlent sur l’Union soviétique. Ils ont presque gagné la guerre. L’Europe est écrasée sous la botte nazie.

Les blindés de Guderian approchent la Mer Caspienne et le Caucase. Elles atteignent même la Volga, et là se voient stoppées par l’héroïsme incroyable de communistes russes défendant l’URSS. La Seconde Guerre mondiale s’est jouée sans aucun doute à Stalingrad, plus grande, plus acharnée et plus violente bataille de l’histoire humaine, pourtant riche en épisodes sanglants.

2 février 1943, les dernières forces allemandes du secteur se rendent. La poussée fasciste est stoppée. L’espoir change de camp.

23 août 1942 L’attaque allemande : Les chars de la 16ème panzerdivision traversent Spartakovka, faubourg de Stalingrad, une grande ville de 600000 habitants étirée sur 60 kilomètres au long de la Volga. Si cette clé tombe, la route du pétrole caucasien est ouverte à Hitler. Soudain, les monstres d’acier sont stoppés par un feu nourri émanant de pièces anti-aériennes. Quelle troupe imprévue s’oppose donc aux panzers ? « Ces canons étaient servis par des femmes, pour la-plupart ouvrières de l’usine "Barricade rouge", lancées dans la bataille sans aucune instruction militaire » (Jean Mabire, Stalingrad). L’affrontement entre l’élite de la Wehrmacht et ces ouvrières dure 24 heures, jusqu’au dernier canon anti-aérien positionné horizontalement, jusqu’à la dernière soldate puisque aucune, même isolée, n’a quitté son poste pour rejoindre les abris. La ruée nazie dans Stalingrad est stoppée ; des renforts prennent position, mais toutes les filles, sans exception, ont été tuées.

Cette tenacité héroïque du 1077ème régiment anti-aérien symbolise bien la résistance sur la Volga en cette fin août 1942. L’espérance de vie d’un soldat soviétique arrivé dans Stalingrad est inférieure à 24 heures. Hitler y engage un quart de ses forces armées, des dizaines de fois plus que celles stationnées en France.

Le 13 septembre, l’armée allemande lance un assaut en règle sur la ville. Les combats prennent aussitôt un aspect acharné, sans répit, seconde après seconde, dans un bruit incessant même la nuit. Autour des usines géantes Octobre rouge et Barricades rouges, deux mondes s’affrontent sans pitié.

Sous le feu combiné de l’artillerie et de l’aviation, entre 1 100 000 et 1 200 000 soldats soviétiques perdent la vie. Chaque quartier, chaque usine, chaque ruelle, chaque maison, chaque étage, chaque pièce devient un enjeu car pour moins subir l’artillerie allemande, les Russes ont choisi de tenir leurs lignes au plus près de l’ennemi. Ainsi, les combats pour "le kourgane de Mamaïev", "l’ascenseur à grain" ou la "maison de Pavlov" occasionnent des milliers de morts.

Au fil des jours et au prix d’un mort chaque 7 secondes, l’armée germano-fasciste s’empare d’un dixième de Stalingrad, deux dixiémes... neuf dixièmes... Le 8 novembre 1942, Hitler annonce un peu vite la prise de tout Stalingrad ; le lendemain, l’hiver commence.

Les journaux du monde entier rendent bien compte de l’acharnement inédit des combats. Aux Etats-Unis, le New York Herald Tribune résume « Pareils combats échappent à tout calcul stratégique. Ils sont menés avec une haine féroce, avec une ardeur telle que même Londres n’en a pas connu de pareille aux pires journées des raids aériens allemands. » Le Berliner Börsen Zeitung, quotidien du parti nazi, fait le même constat « Pour la première fois dans l’Histoire, une ville moderne est tenue par des troupes jusqu’à la destruction de son dernier pan de mur. Bruxelles et Paris ont capitulé. Même Varsovie a accepté la capitulation. Mais cet ennemi-là n’a pas pitié de sa propre ville. Notre offensive, malgré notre supériorité numérique, n’est pas couronnée de succès... »

La 138ème division soviétique, coupée par des unités allemandes du front russe, tient acculée aux pentes de la Volga près de l’usine Barricades, jusqu’au jour de la victoire, par un froid terrible. Le 2 février, ce sont les survivants de cette division qui débouchent du faubourg nord des Barricades, au pas de charge, et voient fleurir les drapeaux blancs des poches hitlériennes.

19 novembre 1942 : la contre-attaque soviétique

Au coeur de l’automne, la ligne de front se stabilise en raison de la boue qui empêche les véhicules de se déplacer.

La VIe armée allemande de Friedrich Paulus paraît puissante avec cinq corps : le 4ème Corps d’armée(29e division d’infanterie motorisée, 397e division d’infanterie, 361e division d’infanterie), le 8ème Corps d’armée (76e division d’infanterie, 113e division d’infanterie), le 11ème Corps d’armée (44e division d’infanterie, 375e division d’infanterie, 384e division d’infanterie), le 14ème Corps d’armée (3e division d’infanterie motorisée, 60e division d’infanterie motorisée, 16e division blindée) et le 51ème Corps d’armée (71e, 49e, 94e, 295e, 305e, 389e divisions d’infanterie, 100e division de chasseurs, 14e et 24e divisions blindées).

En fait, les Russes profitent mieux de l’accalmie d’automne pour se renforcer et préparer la contre-attaque. Le maréchal Joukov va lancer le 19 novembre 1942 deux offensives (opération Uranus) pour prendre en tenailles cinq armées fascistes : la 8ème italienne, les 3ème et 4ème roumaines, la 6ème allemande et la 4ème armée blindée allemande.

La principale branche de la tenaille part du Nord de Stalingrad pour percer un secteur surtout tenu par la troisième armée roumaine. Sous le commandement du Général Nikolaï Vatoutine, trois armées russes complètes ( 1ère de la Garde, 5e d’assaut, 21e Armée, soit dix-huit divisions d’infanterie, huit brigades de chars (T-34 M40), deux brigades motorisées, six divisions de cavalerie et une brigade antichar) assaillent des Roumains au moral déjà atteint. Mal positionnés dans le dispositif hitlérien, trop écartés de la 6ème armée de Paulus, dépassés en nombre et mal équipés, les soldats roumains résistent une bonne journée puis sont balayés par les chars de Rokossovsky. Le 23 novembre, cinq divisions de cette 3ème armée capitulent.

Au Sud de Stalingrad, c’est la 4ème armée roumaine qui reçoit, le 20 novembre, l’attaque du front de la Volga (51ème, 57ème et 64ème armées soviétiques). Elle aussi, ne peut empêcher la création d’une énorme brèche.

Le 22 novembre, les deux pinces de la tenaille Joukov se rejoignent à Kalatch, parachevant l’encerclement de la 6ème armée, à présent enfermée dans Stalingrad et la boucle de la Volga.

Hitler ne s’avoue évidemment pas vaincu. Il forme le nouveau Groupe d’armées du Don sous les ordres du fameux maréchal Erich Von Manstein pour dégager la 6ème armée. Au prix de sacrifices considérables les blindés du général Hoth parviennent le 21 décembre à 48 kilomètres des lignes de l’armée Von Paulus ; le quartier général nazi discute âprement mais donne ordre à la 6ème armée de continuer à tenir les quartiers emportés de haute lutte dans Stalingrad plutôt que rejoindre l’avancée de Hoth.

Pourtant, le 16 décembre, une nouvelle offensive soviétique a pulvérisé la 8ème armée italienne ne laissant aucune chance à la Wehrmacht de tenir le front de la Volga autour de Stalingrad.

Par un froid sibérien, les Soviétiques continuent à contre-attaquer dans Stalingrad même, eux aussi, pièce par pièce, maison par maison, rue par rue.

Début janvier, la ration de pain des soldats allemands ne dépasse pas cinquante grammes.

Le 12 janvier, le front de la 2ème armée hongroise subit lui aussi une offensive massive et se disloque rapidement

2 février 1943, les dernières forces allemandes du secteur se rendent

Cette victoire soviétique de Stalingrad représente sans aucun doute l’évènement majeur de la Seconde Guerre Mondiale. Pour les armées des pays fascistes, jusque là grands vainqueurs, Stalingrad marque le tournant décisif avant la défaite. Jusqu’à la fin de la guerre, Hitler ne disposera plus de réserves.

L’Histoire officielle et conservatrice française minimise la détermination du nazisme à écraser l’URSS

Depuis une vingtaine d’années, l’Histoire émanant de la propagande américaine, dominante dans les manuels scolaires et revues historiques français, présente l’analyse de la Seconde guerre mondiale au travers de deux lorgnettes :

* le concept de totalitarisme, plaqué à la fois sur le fascisme et le stalinisme

* l’horreur de la Shoah

En ce qui concerne le rapport entre URSS et 3ème Reich, c’est la signature du pacte germano-soviétique qui est mise en avant. Tout en considérant ce pacte comme un des pires crimes de Staline, on ne comprend rien à la Seconde Guerre Mondiale sans reconnaître son aspect tactique conjoncturel surtout pour Hitler.

Pour l’essentiel, il me semble que l’histoire ne peut occulter les faits suivants :

* Une grande partie du capitalisme financier et industriel, en particulier américain, a soutenu et permis la victoire du nazisme en 1933, le génocide de la gauche allemande, le redémarrage économique et le réarmement de l’Allemagne nazie avec essentiellement un but en tête : faire écraser l’URSS par la Wehrmacht.

* Le but de guerre principal d’Hitler a toujours consisté à écraser l’URSS pour des raisons idéologiques et "d’espace vital". La liquidation physique d’une bonne partie de la population russe était programmée puis a été poursuivie d’une façon particulièrement horrible. Les études parues estiment à environ 10 millions les civils soviétiques exterminés. C’est énorme.

31 décembre 1937 : « La lutte contre le bolchevisme mondial est le but principal de la politique allemande » (Goebbels, ministre nazi de la propagande)

L’Histoire officielle et conservatrice française minimise l’importance des armées soviétiques dans la victoire sur le fascisme

* C’est face à l’URSS que le fascisme a perdu la guerre. Tel était le point de vue de 57% des Français à la Libération. Tel est le point de vue justifié des historiens sérieux. Mais les médias occultent sans cesse cette réalité, d’où une valorisation des Américains (300 mille morts soit 0,2% de la population) et un oubli des 21 100 000 soviétiques (soit 10% de la population, chiffres d’après Marc NOUSCHI, Bilan de la Seconde Guerre mondiale, Le Seuil, 1996) tombés entre 1941 et 1945 (les dernières estimations des historiens se rapprochent de 26 à 27 millions).

* Sans la détermination de l’armée russe de 1942 à 1944 lors des principales batailles de Moscou, Koursk, Léningrad, Stalingrad, Démiansk, Kharkov, Kiev, Crimée, Vitebsk..., les Résistances militaires des pays occupés auraient été écrasées, les débarquements d’Italie, de Provence et de Normandie n’auraient pu avoir lieu, la Shoah auraient été poursuivie.

Quelle est la cause de la minimisation du rôle des soviétiques dans la victoire sur le nazisme ?

Les minables livres d’histoire qui mettent dans le même sac assaillants et défenseurs de Stalingrad pour cause de totalitarisme, pourraient difficilement expliquer l’affrontement nazisme-URSS jusqu’aux plus extrêmes limites des deux belligérants. Aussi, ils préfèrent, pour l’essentiel, occulter cette réalité.

Le pire, c’est que nous ne pouvons pas compter sur les médias réputés "de gauche" pour limiter la portée des propagandes mensongères. Souvent alignés depuis plusieurs années, sur une orientation atlantiste pro-américaine, ils s’acclimatent facilement de l’idéologie ambiante. Ainsi en Belgique, un texte signé par Guy Spitaels, ancien président du PS, de l’Internationale socialiste et ministre d’Etat ainsi que par deux journalistes réputés (Jean-Marie Chauvier et Vladimir Caller) a été refusé par le journal "de gauche" Le Soir avant d’être publié par le quotidien de droite La Libre Belgique. Nous le mettons en ligne ci-dessous ainsi que l’information sur ce refus.

Conclusion

Laissons le mot de la fin à Albert Einstein lorsqu’il apprit la victoire de Stalingrad : « Sans la Russie, ces chiens sanguinaires allemands auraient atteint leur but ou, en tout cas, en seraient proches. (...) Nos enfants et nous avons une énorme dette de gratitude envers le peuple russe qui a enduré tant d’immenses pertes et de souffrances".

Notre profond désaccord et notre condamnation du stalinisme est une chose ; notre respect pour les combattants soviétiques de Stalingrad et pour le rôle positif de l’URSS dans la défaite fasciste en est une autre !

Jacques Serieys

2) Complément 1942-2012 Stalingrad, L’honneur d’un peuple

« Un soleil d’hiver brille au-dessus des tombes collectives, au-dessus des tombes improvisées. Les morts dorment sur les hauteurs des collines, près des ruines des ateliers d’usine, dans des ravins et des combes, ils dorment là où ils se sont battus et leurs tombes se dressent près des tranchées, des casemates, des murs percés de meurtrières qui n’ont pas cédé à l‘ennemi, comme un monument majestueux à la simple loyauté payée au prix du sang. Terre sainte ! »

Ainsi Vassili Grossman, juif athée, communiste désenchanté et correspondant de guerre pour le journal Krasnaïa Zvezda, fit ses adieux à Stalingrad dans un dernier article, le soir du Nouvel An, remplacé par Konstantin Simonov sur ordre du général Ortenberg. La séparation d’avec cette ville martyre, avant même la fin des combats, attrista Grossman marqué par les mois passés au cœur de cet enfer. «  La ville est devenue pour moi une personne vivante  » confia-t-il dans une lettre à son père.

A Stalingrad, la sculpture miraculeusement épargnée par les raids aériens, ces enfants de pierre, faisant une ronde joyeuse autour d’un crocodile, apparaissait sur fond de ruines, comme le symbole de la victoire d’un peuple uni et fier terrassant le reptile nazi au prix du sang versé et de la souffrance.

Stalingrad… Hitler qui visait les champs pétrolifères du Caucase, fut stoppé dans son élan par la ville portant le nom même de son frère-ennemi. Il y a 70 ans, l’actuelle Volgograd marqua le tournant de la guerre, et fut le symbole d’un formidable espoir dans la lutte contre l’Allemagne du IIIe Reich et la barbarie nazie. Stalingrad, symbole de l‘honneur d‘un peuple et du formidable effort qu‘il sut déployer lors de sa Grande Guerre Patriotique. Une volonté farouche qui le mènera jusqu‘à Berlin, et le 9 mai 1945 à recevoir une capitulation sans conditions de l’allemagne nazie, saluée par mille coups de canon tirés du Kremlin.

Ce sera alors la fin d’un cauchemar, une fin triomphale et amère, qui aura coûté à l’Armée Rouge 9 millions de morts, 18 millions de blessés, sans oublier la mort de 18 millions de civils, des milliers de villages ravagés, incendiés corps et âmes, et une somme incommensurable de souffrances et d’humiliations sous la botte nazie considérant les slaves comme des sous-hommes. Sur les 4 millions et demi de soldats qui seront faits prisonniers par les allemands seuls reviendront vivants 1 million huit cent mille soldats.

Dès le début de l’opération Barbarossa, l’avancée rapide des armées allemandes en terre russe durant le tragique été 41, avec son cortège d’horreurs, de monstruosités, d’inhumanité la plus extrême, à l’encontre des civils comme envers les millions de soldats faits prisonniers, avait laissé croire au IIIe Reich que les Russes seraient balayés d’un revers de cravache. C’est méconnaitre la volonté d’un Russe, méconnaitre la force d’âme de ce peuple capable de tout endurer, et méconnaitre l’Histoire. Hitler, comme Napoléon devra se heurter à l’ours slave.

Je laisse de côté la stratégie purement militaire, là n’est pas mon propos. Les opérations Uranus, Orage d’Hiver, Petite Saturne et Cercle concoctées par Joukov et Rokossovki piégèrent la 6e Armée de Paulus et firent ravaler sa morgue à Hitler. Les forces allemandes, roumaines et italiennes encerclées, épuisées, gelées et affamées s‘effondrèrent sous les coups de boutoir soviétiques.

Une guerre urbaine parmi les ruines que les Russes surent utiliser à leur avantage, des immeubles et des usines défendues pierre par pierre, des quartiers effondrés perdus et repris maison après maison sous le feu nourri de l’artillerie.

Mes pensées vont à ces défenseurs, combattants hommes et femmes, officiers, soldats, et civils vivant terrés dans des caves, survivant à tout, mourant surtout.

A ces hommes, soldats et ouvriers brûlant vif plutôt que de quitter leur poste défensif, à ces téléphonistes hommes et femmes, courant sous le feu pour réparer les fils endommagés

. A ces estafettes traversant la ville avec une chance de survie minime, à ces infirmières de 18 ans, la musette et le cœur en bandoulière rampant auprès des blessés et tombant sous les balles allemandes

. A ces aviatrices, surnommées par les allemands "les sorcières de la nuit", volant en rase motte dans leur avion de bois et de papier, à portée de tir, et larguant leurs bombes sur les lignes ennemies.

A ces sapeurs chargés de nettoyer les maisons occupés par les troupes allemandes.

A ces tireurs d’élite, chasseurs de l’Oural ou sibériens ayant quitté leur lointaine taïga natale pour défendre cette ville du Sud, à tous ces soldats, comme ces fusiliers de la Garde, traversant la Volga sous les bombes, face à la ville en flammes, en route pour l’enfer.

A ces officiers aussi, comme Tchouikov, Emerenko, Vatoutine, Rodimtsev, Voronov... et puis Rokossovski…

Konstantin Konstantinovitch Rokossovki, russo-polonais, soldat d’honneur talentueux, intelligent, victime des purges de 37, ayant survécu aux tortures du NKVD de Béria, et qui fut tiré de sa geôle en 40 pour pallier au manque cruel d‘officiers, victimes expiatoires de la paranoïa stalinienne.

Gravement blessé devant Moscou, il sera promu commandant du front du Don par la Svatska fin 42 et désigné comme responsable de la liquidation finale de l’ennemi. Il tenta de négocier une reddition allemande, envoya par deux fois des émissaires dans les lignes allemandes afin de limiter la casse. En vain. Paulus refusa.

Et ce fut à l’aube du 10 janvier que l’ultime offensive "Cercle" fut lancée. A 6h05, l’ordre d’ouvrir le feu fut donné, et durant 55 minutes, 7000 canons, mortiers et katioucha roulèrent tel un tonnerre apocalyptique. D’une façon si intense, qu’un officier d’artillerie soviétique, le colonel Ignatov, déclara qu’il n’y avait que deux façons de sortir d’un pareil déchainement : mort ou fou. La 6e Armée affamée, épuisée, reçut le coup de grâce, malgré une résistance acharnée et même extraordinaire si l’on considère son état de faiblesse physique et matérielle. Acharnement qui coûta au cours des trois premiers jours de l’offensive 26 000 soldats aux armée soviétiques du front du Don, ainsi que la moitié de leurs chars.

C’est à tous ceux là, illustres ou inconnus, à qui je rend hommage, …

Et l’imposant monument juché sur le Kourgan Mamaï rappelle à tous, cette bataille historique. La Mère Patrie veille sur ses enfants tombés pour elle, il y a 70 ans. Et je les salue.

Que la terre leur soit légère…

3) Quelques articles de notre site concernant la 2 ème guerre mondiale

1er septembre 1939 : En attaquant la Pologne, Hitler déclenche la Seconde guerre mondiale. Pourquoi n’a-t-il pas été arrêté avant ?

Le 18 juin 1940 De Gaulle n’a pas lancé son Appel jusqu’à preuve du contraire

23 août 1939 Le Pacte germano-soviétique et la Pologne. Réponse à un message de forum sur cléricalisme et fascisme traditionaliste par Jacques Serieys

Résistance : L’appel de Charles Tillon du 17 juin 1940

Du 1er au 11 juillet 1940 : Cléricalisme et fascisme traditionaliste expriment leur soutien à Pétain, vomissent laïcité, République et syndicalisme, sont satisfaits de la situation créée par la victoire nazie

10 juillet 1940 : 173 parlementaires de droite sur 174 installent légalement en France le fascisme traditionaliste de Pétain

Guy Môquet et 26 autres résistants fusillés à Chateaubriant le 22 octobre 1941. Le débat de 2008 sur la lettre de Guy Moquet

16 et 17 juillet 1942 : L’ignominieuse rafle du Vel’ d’Hiv

19 février 1944 : Manouchian, dirigeant des FTP MOI et ses camarades arrêtés par la police française sont fusillés par les nazis

Le génocide des Tsiganes par les nazis (fin juillet 1944 20000 tsiganes exterminés en chambre à gaz à Auchswitz)

6 août 1945 : Pourquoi la bombe d’Hiroshima ? puis Témoignage d’un médecin japonais

El-Alamein, tournant décisif de la Seconde guerre mondiale ? 23 octobre 1942

Du 27 mai au 10 juin 1942 : Exploit des Français libres à Bir Hakheim

Documents complémentaires 1

La victoire sur le nazisme il y a 60 ans : Quelques aspects occultés dans sa présentation

Voici le texte de l’article paru le lundi 9 mai 2007 dans le quotidien "La Libre Belgique" sous les signatures de Guy Spitaels, ancien président du PS, de l’Internationale socialiste et ministre d’Etat, Jean-Marie Chauvier et Vladimir Caller, journalistes.

"POURQUOI MINIMISER LA VICTOIRE "ROUGE" ?

Pourquoi ce qui était "vérité" en 1945, au moment de la victoire sur le nazisme, n’aurait-il plus cours aujourd’hui ? Cette victoire eut pour principaux artisans l’Armée Rouge et le peuple soviétique. La moitié au moins des victimes de la deuxième guerre mondiale étaient soviétiques. Les chefs nazis avaient prévu la disparition de 30 millions au moins d’"Untermenschen" (sous-hommes) soviétiques, et la déportation d’un autre contingent de 30 millions. Dans les territoires occupés, ils ont réussi à exterminer 10 millions de personnes, dont 2,7 millions de Juifs. La "mort programmée" de 3,3 millions de prisonniers soviétiques rien qu’en 1941-42 ! Le siège de Léningrad, les "milliers d’Oradour" en Biélorussie, en Russie et en Ukraine, les 70.000 villages détruits, les innombrables massacres perpétrés par les Einzatsgruppen, les SS, la Wehrmacht et leurs auxiliaires nationalistes ou fascistes (polonais, baltes, lettons, lituaniens, ukrainiens), un génocide auquel les Soviétiques ont pu soustraire 1 million de Juifs.

Or, ce n’est pas d’"une opinion" qu’il s’agit ici, mais de faits historiques peu connus des nouvelles générations.

Le rôle majeur des Soviétiques dans la victoire fut reconnu, en 1945, par les principaux chefs politiques et militaires des pays de la coalition anti-hitlérienne- le président américain Franklin Roosevelt, le premier ministre britanique Winston Churchill et le général De Gaulle. Nos libérations auraient-elles pu avoir lieu sans les victoires soviétiques remportées successivement à Moscou, Stalingrad et Koursk, la grande contre-offensive qui mena les armées du maréchal Joukov à planter le drapeau rouge, à Berlin, sur le Reichstag ? Sans ces victoires "rouges", le judéocide nazi n’aurait-il pas continué jusqu’à la liquidation des 11 à 12 millions de Juifs d’Europe qui était l’objectif poursuivi ? Il semblerait qu’on veuille parler le moins possible, désormais, de cette contribution soviétique dont l’écrivain Ernst Hemingway avait dit : "Chaque être humain qui aime la liberté doit plus de remerciements à l’Armée Rouge qu’il ne puisse payer durant toute une vie !"-

Il y aurait "un tabou à posteriori", relève le spécialiste de l’Histoire russe Marc Ferro, "qui n’existait pas pour les contemporains : dire que c’est l’armée soviétique qui a brisé la Wehrmacht, et qu’ensuite, grâce à cela, le débarquement a pu se faire, et les Américains et les Anglais sauver, libérer l’Europe de l’Ouest. Opérations liées chronologiquement mais mécaniquement aussi. Or, à mesure que les années ont passé, que la guerre froide s’est installée, que l’historiographie occidentale s’est imposée, on a fini par réduire la part et le rôle que la puissance soviétique a joués. Et aujourd’hui, où elle se décompose (M.Ferro écrit en 1992) on a de plus en plus tendance à créditer exclusivement les Anglo-Saxons des succès militaires qui ont pu suivre". Il y aurait de surcroît "ce refus intériorisé à admettre qu’il peut y avoir eu, à certains moments de l’Histoire, une supériorité technique, industrielle, des Russes sur l’Allemagne pendant cette guerre". Et Marc Ferro de citer le T 34, "le meilleur tank de l’époque" qui provoque "l’effarement des Allemands", la production de canons performants, alors que les livraisons importantes des Anglo-américains aux Russes, dont on a fait grand cas en Occident, n’ont pu avoir lieu qu’"après la victoire des Russes à Stalingrad et à Koursk".

Il y aussi avait de quoi être surpris qu’un pays que beaucoup d’observateurs disaient, avant 1941, au seuil de l’effondrement, se ressaisisse de façon aussi impressionnante, mobilise tant d’énergies patriotiques, toutes nations confondues. Il y eut des Russes, bien sûr, des Juifs, mais encore, des Ukrainiens, des Biélorusses, des Géorgiens, des Arméniens, des Musulmans du Caucase, de Crimée, d’Asie centrale, des bataillons recrutés dans le Goulag - prisonniers contraints ou volontaires pour aller se battre contre l’envahisseur.

Cette résistance fut aussi le lieu d’initiatives spontanées , l’occasion d’une grande créativité sociale et artistique, autant que d’indicibles souffrances lorsque le pays fut réorganisé par Staline d’une poigne d’acier. Les recherches récentes des historiens allemands, puisant dans de nouveaux fonds d’archives, confirment et détaillent le génocide en montrant les complicités locales, notamment en Galicie orientale ex-polonaise. Ils attestent que l’extermination des "Untermenschen" slaves et les débuts du judéocide font partie d’un seul et même processus, inscrit dans l’Histoire de cette guerre à l’Est aux visées coloniales et racialistes. Curieusement, aucun de ces ouvrages n’a été traduit en français, mais l’historien Dominique Vidal en propose une synthèse éclairante pour le lecteur francophone qui ignore ces découvertes.

Le chiffre officiel soviétique de "vingt millions" de victimes en URSS a parfois été considéré comme "exagéré". Pourtant, des recherches plus récentes portent l’estimation à 26-27 millions, toutes catégories de mortalité confondues. Auxquels il fait ajouter les dizaines de millions de mutilés, d’orphelins, de sans-logis qui ont du, après 1945, et sans "plan Marshall", rebâtir une URSS exsangue et lourdement handicapée. Une autre vérité doit être rappelée. Le "front de l’Est" contre le "judéo-bolchevisme", selon la définition nazie du pouvoir soviétique, n’était pas le fait des seuls Allemands. Des troupes alliées de Roumanie, de Hongrie, d’Espagne, d’Italie, de Croatie, des légions et divisions SS venues de toute l’Europe, y compris du pays flamand et de Wallonie, y ont appuyé l’entreprise nazie, avec la bénédiction de certains clergés. Certains historiens se croient d’ailleurs fondés à parler de "guerre civile européenne", où l’Europe "chrétienne et civilisée" se serait coalisée aux côtés des fascismes "contre la barbarie bolchevique" . Une thèse qui convient aujourd’hui à ceux qui, en Allemagne et parmi les héritiers des nationalismes collaborateurs en pays baltes et en Ukraine, ou en Flandre, entendent réhabiliter les anciens SS et les mouvements nationaux ou "antistaliniens" qui se fourvoyèrent avec Hitler jusqu’à prendre part au génocide nazi.

Une autre Europe était au combat : celle des résistances. Armées de libération de Yougoslavie et de Grèce, "république des partisans" de Biélorussie, partisans armés d’Italie, partisans et francs-tireurs de France, de Belgique et d’ailleurs..."Ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas", communistes, socialistes, libéraux, chrétiens, ou simplement patriotes qui refusaient l’occupation et la barbarie nazie. L’évocation des résistances, sans doute, n’est pas du goût de tout le monde, car elle soulève la question des collaborations, des régimes de Vichy et autres qui firent le choix contraire à celui de la Résistance. Il est certes plus "consensuel" de pleurer les victimes de la guerre - qui méritent qu’on les pleure, sans distinction - que de se poser des questions sur les choix politiques et citoyens que firent à l’époque les gens confrontés au nazisme et aux occupations. Victimisation et responsabilité : un débat aux résonances de grande actualité !

Ainsi, nous souhaitons simplement qu’en ces 8 et 9 mai, journées anniversaires de la capitulation nazie, certains faits historiques ne soient pas victimes du mensonge par omission. Et que l’occasion ne soit pas saisie pour réhabiliter la collaboration et ériger des monuments aux anciens SS !

PETITE HISTOIRE AVANT LA "GRANDE"

Pour la petite histoire : Guy Spitaels, partageant l’indignation de beaucoup à propos des falsifications de l’histoire de la guerre a, sur proposition de Vladimir Caller, signé un appel très modéré (ci-dessus) que beaucoup de gens "de gauche" n’ont pas osé signer. Il a en outre suggéré de faire paraître une "carte blanche" dans "Le Soir".

Je doutais fort de la possibilité d’une telle parution dans un journal dit "de centre gauche laïc" où règne,sur les pays de l’Est, depuis plus de trente ans, le pouvoir absolu d’un propagandiste acharné de la guerre froide. J’ai été confirmé. L’article a été refusé. Le quotidien catholique l’a ensuite accepté.

J’imagine bien que cette parution dans un journal de droite (y en a-t-il d’autres ?) et avec Spitaels va faire grincer certains qui appartiennent à la "gauche" qui se tait ou participe activement à ces falsifications. Ou qui prend "Le Soir" pour une bible, comme d’autres "Le Monde" ou les deux à la fois. A ceux-là, je rappelle le classique proverbe chinois : "Quand on lui montre la lune, l’imbécile regarde le doigt". Persiste et signe.

JM Chauvier

Document complémentaire 2

Le vent de l’histoire a tourné à l’Est. Le rôle majeur de Stalingrad (par Marc Ferro, historien)

L’historien Marc Ferro évoque ci-dessous comment la guerre froide et " l’américanisation " de l’histoire ont minimisé le rôle majeur de Stalingrad.

Quel rôle joue Stalingrad dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ?

Marc Ferro. Tout le monde le dit : Stalingrad est le tournant de la guerre, même s’il ne faut pas omettre que dans la même période se déroule El Alamein, qui force Rommel à reculer en Afrique, et la bataille des îles Salomon, qui provoque le reflux des Japonais alliés des Allemands. Dans l’ordre symbolique toutefois, la victoire de Stalingrad est beaucoup plus importante que les autres, elle signifie pour la première fois qu’une grande armée de la Wehrmacht est battue, elle souligne l’entêtement mortel de Hitler dans sa stratégie militaire qui trouve plus fort que lui. Le général Paulus contraint de se rendre, ça veut dire que le vent de l’histoire a tourné à l’est, du côté des Soviétiques qui brisent l’invincibilité allemande. À Stalingrad, les Allemands font en effet l’expérience d’une puissance de feu et d’une capacité technologique qui leur est supérieure. Ils diront avoir été battus par l’hiver : ils l’ont surtout été par les chars et les canons fabriqués par une industrie soviétique qui a pris la relève de la vieille industrie russe et qui n’a pas baissé les bras. L’URSS, il faut le rappeler, produisait alors plus de canons que l’Allemagne. Peu à peu pourtant on oubliera Stalingrad, à cause de la guerre froide et de l’américanisation de l’histoire qui s’en suivit. Alors qu’en 1944-1945, tout le monde à peu près savait que nous avons été libérés par les Anglo-Américains grâce à Stalingrad et ses suites, aujourd’hui on a tendance à l’oublier.

Du point de vue de l’histoire soviétique, cet événement fut-il aussi important ?

Marc Ferro. Du côté russe, il a toujours été moins considéré que la bataille de Leningrad. Stalingrad met des militaires face à face, tandis que Leningrad engage tout un peuple, toute une population : le monde soviétique a les yeux fixés sur cette ligne où 4 à 5 millions de Russes ont été mobilisés pour se battre. Dans le cour d’un peuple qui lutte pour défendre son pays, Leningrad c’est Verdun, c’est la résistance aux Allemands et le sacrifice total, alors que Stalingrad, en dépit de son importance stratégique, militaire et politique bien plus grande a été relativisée dans la mémoire collective russe.

Comment expliquez-vous cette victoire, qui a souvent été présentée comme celle d’un Staline visionnaire ?

Marc Ferro. Staline est généralissime, il prend effectivement en main les opérations et réussit à répéter la stratégie de Joukov à Moscou : laisser les autres avancer pour ensuite éclater ses forces et prendre en tenaille, sur plusieurs fronts, les armées allemandes. Ceci dit, il faut garder à l’esprit la géographie de l’économie en URSS. Contrairement à une légende, l’Union soviétique, qui était centralisée du point de vue politique, était décentralisée du point de vue de la défense et de l’économie. Elle a pu ainsi résister en même temps aux Japonais et mobiliser les énormes réserves humaines de l’Oural qui lui ont permis de gagner la bataille de Moscou. Cette décentralité de la puissance économique et militaire tenait à l’impossibilité pour Staline de savoir d’où viendraient les coups : de l’Allemagne, de l’extrême Est, des puissances anglo-saxonnes ? Il avait donc développé une stratégie à longue vue qui, d’une certaine façon, préparait la contre-offensive. Si toute la puissance économique soviétique, en effet, avait été concentrée à Moscou ou en Ukraine, l’URSS aurait été balayée en 24 heures, comme la France le fut en 40 dès qu’une certaine ligne fut franchie. Les Allemands tenaient l’Ukraine, la Biélorussie, ils étaient à Archangel’sk, ou tout près de Moscou, ils étaient partout, et pourtant l’URSS tenait, et elle produisait plus de canons qu’eux.

Peut-on dire que, dans l’histoire interne soviétique, cette victoire a consolidé le pouvoir politique de Staline ?

Marc Ferro. Il est frappant de voir que, dans la dernière période, les ex-Soviétiques ont jugé très négativement la bataille de Stalingrad. Youri Afanassiev, par exemple, au cours d’une émission que j’avais faite en 1993 à l’occasion du cinquantième anniversaire, avait parlé de désastre. Pour lui, cette victoire a eu pour effet pervers de renforcer non pas seulement le pouvoir de Staline puis la généralisation du goulag, mais le régime soviétique lui-même, qui grâce à elle a survécu pendant quarante ans. Beaucoup plus longtemps en tout cas que si les Russes avaient été vaincus à ce moment-là. On peut être étonné par cette façon de voir assez choquante à l’égard de tous ceux qui, en Russie, ont la nostalgie de s’être battus pour défendre leur pays, ou à l’égard des sentiments divers qui furent ressentis à l’Ouest devant cette première grande défaite historique infligée à l’armée allemande. On peut être choqué, il n’en reste pas moins que ceux qui sont devenus antisoviétiques, après avoir été, souvent, des apparatchiks en vue, développent couramment ce point de vue.

Dans le contexte contemporain, marqué par d’autres affrontements et d’autres risques planétaires, quel regard portez-vous sur cette bataille ?

Marc Ferro. Un historien prévoit toujours le pire : il a l’expérience du passé, de ses drames et ses espérances trahies. N’oublions pas l’allégresse des Allemands à l’arrivée de Hitler, n’oublions pas l’identification des Soviétiques au régime stalinien, après la révélation du goulag, etc. L’histoire enseigne pourtant qu’on n’a jamais pu arriver à une répression totale, il y a toujours l’espoir que des forces parviennent à se remettre en cause, à se libérer. Stalingrad a pu avoir des effets néfastes sur les libertés en URSS, néanmoins le peuple russe a su, du dedans, transfigurer son régime. Le peuple allemand a été nazi, il a été le plus cruel de l’histoire de l’Occident, il a su surmonter ce passé pour devenir aujourd’hui le plus pacifiste d’Europe.

Entretien réalisé par Lucien Degoy pour L’Humanité

70e anniversaire de la victoire soviétique de Stalingrad

Document complémentaire 3, par Annie Lacroix-Riz, professeur émérite, université Paris 7

La capitulation de l’armée de von Paulus à Stalingrad, le 2 février 1943, marqua, pour l’opinion publique mondiale, un tournant militaire décisif, mais qui ne fut pas le premier. Cette victoire trouve son origine dans les préparatifs de l’URSS à la guerre allemande jugée inévitable : le dernier attaché militaire français en URSS, Palasse les estima à leur juste valeur. Contre son ministère (de la Guerre), acharné à faire barrage aux alliances franco-soviétique et tripartite (Moscou, Paris, Londres) qui eussent contraint le Reich à une guerre sur deux fronts, cet observateur de l’économie de guerre soviétique, de l’armée rouge et de l’état d’esprit de la population affirma dès 1938 que l’URSS, dotée d’« une confiance inébranlable dans sa force défensive », infligerait une sévère défaite à tout agresseur. Les revers japonais dans les affrontements à la frontière URSS-Chine-Corée en 1938-1939 (où Joukov se fit déjà remarquer) confirmèrent Palasse dans son avis : ils expliquent que Tokyo ait prudemment signé à Moscou le 13 avril 1941 le « pacte de neutralité » qui épargna à l’URSS la guerre sur deux fronts.

Après l’attaque allemande du 22 juin 1941, le premier tournant militaire de la guerre fut la mort immédiate du Blitzkrieg. Le général Paul Doyen, délégué de Vichy à la commission d’armistice, l’annonça ainsi à Pétain le 16 juillet 1941 : « Si le IIIème Reich remporte en Russie des succès stratégiques certains, le tour pris par les opérations ne répond pas néanmoins à l’idée que s’étaient faite ses dirigeants. Ceux-ci n’avaient pas prévu une résistance aussi farouche du soldat russe, un fanatisme aussi passionné de la population, une guérilla aussi épuisante sur les arrières, des pertes aussi sérieuses, un vide aussi complet devant l’envahisseur, des difficultés aussi considérables de ravitaillement et de communications. Sans souci de sa nourriture de demain, le Russe incendie au lance-flamme ses récoltes, fait sauter ses villages, détruit son matériel roulant, sabote ses exploitations ». Ce général vichyste jugea la guerre allemande si gravement compromise qu’il prôna ce jour-là transition de la France du tuteur allemand (jugé encore nécessaire) au tuteur américain, puisque, écrivit-il, « quoi qu’il arrive, le monde devra, dans les prochaines décades, se soumettre à la volonté des États-Unis. » Le Vatican, meilleure agence de renseignement du monde, s’alarma début septembre 1941 des difficultés « des Allemands » et d’une issue « telle que Staline serait appelé à organiser la paix de concert avec Churchill et Roosevelt ».

Le second tournant militaire de la guerre fut l’arrêt de la Wehrmacht devant Moscou, en novembre-décembre 1941, qui consacra la capacité politique et militaire de l’URSS, symbolisée par Staline et Joukov. Les États-Unis n’étaient pas encore officiellement entrés en guerre. Le Reich mena contre l’URSS une guerre d’extermination, inexpiable jusqu’à sa retraite générale à l’Est, mais l’armée rouge se montra capable de faire échouer les offensives de la Wehrmacht, en particulier celle de l’été 1942 qui prétendait gagner le pétrole (caucasien). Les historiens militaires sérieux, anglo-américains notamment, jamais traduits et donc ignorés en France, travaillent plus que jamais aujourd’hui sur ce qui a conduit à la victoire soviétique, au terme de l’affrontement commencé en juillet 1942, entre « deux armées de plus d’un million d’hommes ». Contre la Wehrmacht, l’Armée rouge gagna cette « bataille acharnée », suivie au jour le jour par les peuples de l’Europe occupée et du monde, qui « dépassa en violence toutes celles de la Première Guerre mondiale, pour chaque maison, chaque château d’eau, chaque cave, chaque morceau de ruine ». Cette victoire qui, a écrit l’historien britannique John Erickson, « mit l’URSS sur la voie de la puissance mondiale », comme celle « de Poltava en 1709 [contre la Suède] avait transformé la Russie en puissance européenne ».

La victoire soviétique de Stalingrad, troisième tournant militaire soviétique, fut comprise par les populations comme le tournant de la guerre, si flagrant que la propagande nazie ne parvint plus à le dissimuler. L’événement posa surtout directement la question de l’après-guerre, préparé par les États-Unis enrichis par le conflit, contre l’URSS dont les pertes furent considérables jusqu’au 8 mai 1945. La statistique générale des morts de la Deuxième Guerre mondiale témoigne de sa contribution à l’effort militaire général et de la part qu’elle représenta dans les souffrances de cette guerre d’attrition : de 26 à 28 millions de morts soviétiques (les chiffres ne cessent d’être réévalués) sur environ 50, dont plus de la moitié de civils. Il y eut moins de 300 000 morts américains, tous militaires, sur les fronts japonais et européen. Ce n’est pas faire injure à l’histoire que de noter que les États-Unis, riches et puissants, maîtres des lendemains de guerre, ne purent vaincre l’Allemagne et gagner la paix que parce que l’URSS avait infligé une défaite écrasante à la Wehrmacht. Ce n’est pas « le général Hiver » qui l’avait vaincue, lui qui n’avait pas empêché la Reichswehr de rester en 1917-1918 victorieuse à l’Est.

La France a confirmé la russophobie, obsessionnelle depuis 1917, qui lui a valu, entre autres, la Débâcle de mai-juin 1940, en omettant d’honorer la Russie lors du 60e anniversaire du débarquement en Normandie du 6 juin 1944. Le thème du sauvetage américain de « l’Europe » s’est imposé au fil des années de célébration dudit débarquement. Les plus vieux d’entre nous savent, même quand ils ne sont pas historiens, que Stalingrad a donné aux peuples l’espoir de sortir de la barbarie hitlérienne. À compter de cette victoire, « l’espoir changea de camp, le combat changea d’âme. » Ce n’est qu’en raison d’un matraquage idéologique obsédant que les jeunes générations l’ignorent.

Texte rédigé à la demande de La presse nouvelle (Roland Wlos)


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