Le décès du jeune sympathisant du Hirak, qui a provoqué dès mardi de nombreux rassemblements et marches de protestation, aggrave les tensions et signe l’échec des politiques libérales et répressives de la monarchie.
Imad Al Attabi, grièvement blessé à la tête le 20 juillet dernier à Al Hoceïma par une grenade lacrymogène de fabrication française (voir l’Humanité du 25 juillet), a succombé, mardi, à l’hôpital militaire de Rabat. Quant à la famille d’Imad, les autorités lui ont interdit jusqu’à nouvel ordre de voir leur fils.
L’annonce de la mort du jeune Imad, qui a enflammé les réseaux sociaux, a provoqué dès mardi de nombreux rassemblements à Casablanca, à Nador et hier soir devant le Parlement à Rabat, où lundi, déjà, une manifestation de solidarité avec le Rif avait été empêchée par les forces de l’ordre, mais aussi au Rif : à Al Hoceïma, sur une vidéo mise en ligne, on voit se former au cœur de la ville un rassemblement pacifique qui se transforme vite en manifestation hostile au pouvoir avant d’être brutalement dispersé par les CRS locaux. Ailleurs, dans cette région soumise à un black-out médiatique, peu d’informations ou pas sur ce qui s’y passe. « La région est de fait militarisée », confie à l’Humanité Omar, jeune militant. « Les contacts par Internet sont brouillés par le makhzen et on ne reçoit plus de vidéos depuis hier soir », ajoute-t-il. Toutefois, sur l’une d’elles, prises par un activiste rifain, on voit l’arrivée d’un convoi militaire comprenant des véhicules blindés dans la localité d’Al Rouadhi près d’Al Hoceïma.
Avec la grâce royale sélective dont ont bénéficié, à l’occasion de la Fête du trône, 58 manifestants, sur les 200 qui croupissent encore dans les geôles royales – Nasser Zefzafi, le leader du Hirak, n’était évidemment pas concerné –, Mohammed VI pensait faire baisser une tension qui dure maintenant depuis plus de dix mois. Parmi les bénéficiaires de cette mesure, la jeune Sylia Ziani n’a pas manqué, une fois libérée, de confier, d’après le site Rif Online, à la chaîne de télé américaine en arabe Hurra (Liberté) avoir fait l’objet d’un traitement dégradant pendant sa détention au commissariat de police à Al Hoceïma : « On m’a humiliée et filmée nue, comme Nasser Zefzafi. » C’est dire.
Il n’empêche, fin juillet, lors du discours du Trône, pour montrer qu’il se souciait du sort de ses sujets, Mohammed VI a fait état de son mécontentement en se défaussant sur les partis du makhzen, rendus responsables de la situation au Rif et ailleurs, les qualifiant de « partis aux abonnés absents » qui « ne remplissent nullement leur mission ». Et à la suite des admonestations royales, Ilyas El Omari, patron d’une de ces formations critiquées par le monarque, le Parti authenticité modernité (PAM, fondé par l’ami et confident du roi Fouad Al Hima), a démissionné de ses fonctions. Et ce, affirment ses détracteurs, pour avoir doublement échoué : il n’a pas réussi à affaiblir les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) qui dirigent formellement le gouvernement et ni à rétablir le dialogue entre les Rifains et le Palais, comme il s’y était engagé. « Poussé à la démission, El Omari est la première tête qui roule après la colère royale exprimée à plusieurs reprises à la suite de la crise Al Hoceïma », écrivait le journal en ligne le Desk. D’autres têtes vont certainement subir le couperet royal, susurre-t-on perfidement à Rabat dans les milieux politiques proches du Palais.
Face à l’irrédentisme rifain, tout aura été tenté : en plus des têtes de politiques jetées en pâture au peuple, les multiples visites ministérielles et autres délégations de partis du makhzen qui se sont succédé au Rif n’ont rien donné. Quant au projet « Al Hoceïma phare de la Méditerranée », censé améliorer le sort des Rifains, il n’a pas encore vu le jour. La faute aux « partis aux abonnés absents » ?
Hassane Zerrouky Journaliste, rubrique Monde, L’Humanité
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