Cacher ces femmes SDF que l’on ne saurait voir

vendredi 11 mai 2018.
 

Les périodes de froid mettent chaque fois en lumière le nombre croissant de personnes à la rue et le nombre notablement insuffisant de solutions d’hébergement.

« D’ici la fin de l’année, je ne veux plus personne dans les rues », avait déclaré Emmanuel Macron en juillet dernier, lors d’un discours à Orléans. C’est peut-être pour minimiser l’écart entre la promesse et la réalité que certains serviteurs zélés ont multiplié les affirmations mensongères, en généralisant un phénomène marginal. Mi-février, le député Sylvain Maillard (LREM) estimait que vivre dans la rue relevait du « choix ». La semaine précédente, Julien Denormandie, secrétaire d’État à la Cohésion des territoires, dénombrait en tout et pour tout 50 SDF en Île-de-France...

Ces déclarations ont suscité de vives réactions des associations comme Médecins du Monde et le Secours catholique. Interviewé dans le JDD, Louis Gallois, président de la Fondation des acteurs de la solidarité (ex-FNARS), dénonce une « volonté politique de minorer le nombre de SDF ». « Les préfets, poursuit-il, se sentant “liés” par la promesse d’Emmanuel Macron, ont tendance à exclure certaines personnes des statistiques, comme les célibataires, les personnes vivant sous des tentes ou certains étrangers. »

Sous-estimées

En France, 22 % des personnes isolées sans domicile sont des femmes. Ce nombre a fortement augmenté ces dernières années. À tel point que le Samu social de Paris, qui s’occupe du 115, le numéro d’urgence pour l’hébergement, a lancé au début de cet hiver une campagne de sensibilisation et d’appel aux dons #LaRueAvecElles.

Il indique qu’en 2016 dans la capitale, 5 391 femmes seules ont appelé au moins une fois ce numéro d’urgence pour trouver un hébergement d’urgence à Paris, soit une augmentation de 66 % en dix ans. L’an passé déjà, dans son rapport annuel sur l’ensemble du territoire, la FNARS s’inquiétait de cette hausse et notait en outre que les femmes seules sollicitant le 115 étaient plus jeunes que la population générale des appelants. Les deux hivers précédents, 28 % d’entre elles étaient âgées de 18 à 24 ans, alors que cette classe d’âge ne représente que 16 % sur le nombre total d’appelants.

Vulnérabilité accrue

Leur situation est souvent plus précaire et pleine de dangers que celle des hommes. Plus vulnérables, souvent victimes d’agressions et de racket, elles développent des stratégies « d’invisibilité ». Nombre d’entre elles témoignent de violences sexuelles et de viols. C’est pourquoi beaucoup refusent les centres mixtes, par peur des agressions, des bagarres et des vols. Le nombre de centres d’hébergement qui leur sont spécifiquement dédiés est notablement insuffisant.

Les parcours de ces femmes sont toujours des histoires singulières. Mais l’augmentation vertigineuse de ces dernières années devrait provoquer une prise de conscience sur les causes de cette précarisation croissante.

Comme point de départ des trajectoires d’errance, on retrouve de grandes difficultés économiques. Ces femmes connaissent souvent une extrême pauvreté. Par ailleurs, la violence sous toutes ses formes, économique, physique, verbale, psychologique et sociale, module le parcours de bon nombre d’entre elles : elle figure parmi les constats les plus difficiles et troublants de leur vécu présent et passé.

« Un toit pour toutes »

À Toulouse, à l’occasion du 25 novembre – journée de luttes contre les violences faites aux femmes –, les associations féministes ont manifesté contre le manque de solutions pour celles qui fuient les violences conjugales. Le manque de logements sociaux, le coût d’un logement privé dans les grandes villes et la situation des femmes sans papiers font que celles-ci peinent à trouver des solutions pérennes de logement, rendant le turn over dans ces centres d’accueil difficile.

Quelles que soient les raisons qui ont amené les femmes dans la rue, qu’elles soient seules ou accompagnées d’enfants, avec ou sans papiers, il est urgent de créer des places d’accueil adaptées, pérennes, et pas seulement lors du déclenchement des plans Grand froid. Si la lutte contre les violences faites aux femmes est vraiment une grande cause de la mandature, alors en voici une urgente.

Claude Touchefeu


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