Le sabotage de la souveraineté alimentaire de la France par les politiques néolibérales.

mardi 21 décembre 2021.
 

Alors que la France reste encore le premier pays producteur agricole de l’Union Européenne, sa balance commerciale agroalimentaire ne cesse de se détériorer. L’alimentation des Français devient de plus en plus dépendante des importations

** La souveraineté alimentaire de la France en quatre questions.

Source : Les Échos

Par Hélène Gully. Le 22 avril 2020

https://www.lesechos.fr/industrie-s...

** En pleine crise de coronavirus, les Français ont peur de la pénurie alimentaire. Certains ont fait des réserves pour plusieurs mois, d’autres espèrent seulement ne pas manquer. Du côté de l’exécutif, on prône désormais la souveraineté alimentaire du pays qu’il faut reconquérir. Mais comment en est-on arrivé là ? CQFD fait le point sur les enjeux de notre indépendance alimentaire.

** L’Hexagone est toujours la première puissance agricole de l’Union européenne, avec un chiffre d’affaires de 72,6 milliards d’euros en 2018. (SICCOLI PATRICK/SIPA ;)

A l’annonce des mesures de confinement, les Français n’ont eu qu’une obsession : faire des réserves de nourriture. Avec une crainte, celle d’une pénurie générale. Pâtes, oeufs, lait, farine, légumes en conserve… la population s’est jetée sur les produits de première nécessité, sceptique quant à la capacité de la France de pouvoir les produire pour tout le monde en période de crise.

La pandémie de coronavirus a ainsi braqué les projecteurs sur notre système alimentaire, ses agriculteurs et ses dépendances. « Cette crise a reposé l’équation alimentaire », confirme Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, premier syndicat agricole en France.

Emmanuel Macron a même prononcé un discours, charnière, le 13 mars dernier en affirmant que « ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation […] à d’autres est une folie. » A rebours des politiques menées depuis quarante ans.

CQFD fait le point sur les enjeux de notre souveraineté alimentaire et ce que cela implique dans un monde globalisé.

1. A quel point la production française est-elle importante ?

« Grenier de l’Europe » depuis plusieurs décennies, l’Hexagone est toujours la première puissance agricole de l’Union européenne, avec un chiffre d’affaires de 72,6 milliards d’euros en 2018. Soit une production supérieure en valeur de 15 milliards d’euros à celle de ses principales rivales, l’Allemagne et l’Italie.

Médaillée d’or dans la culture des céréales, du vin ou des pommes de terre, la France voit pourtant son potentiel productif agricole s’éroder. A commencer par une surface agricole qui ne cesse de se rétrécir. Depuis 1961, le pays a perdu l’équivalent de la région Grand Est en territoires agricoles. Le contingent des agriculteurs perd lui aussi des membres chaque année. Ils étaient 448.500 en 2018 contre 514.000 dix ans auparavant, selon les chiffres de la mutualité sociale agricole.

Résultat, la production française a tendance à l’inertie depuis la fin des années 1990. Ne serait-ce qu’en viande bovine ou en céréales, dont la production plafonne, en raison de la stabilité des surfaces et des rendements. « Cela fait des années qu’on explique qu’avec les politiques actuelles, on va finir par tuer l’agriculture française », soupire Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. **

2. Qu’est-ce que la France importe pour nourrir sa population ?

Mère nourricière du Vieux continent, la France est pourtant de plus en plus dépendante de ses importations. Depuis 2000, ces dernières ont été multipliées par deux, accaparant une place conséquente dans l’assiette des Français. En 2018, selon les chiffres des douanes, le pays a ainsi acheté pour 38,4 milliards d’euros des produits alimentaires à ses voisins européens, une hausse de 24 % en à peine sept ans. Si bien qu’aujourd’hui, on estime que la France importe environ 20 % de son alimentation.

« À ce rythme, la France connaîtra son premier déficit commercial agricole en 2023 », explique Laurent Duplomb, sénateur LR, agriculteur et auteur d’un rapport sur l’agriculture française publié en mai 2019. C’est-à-dire que la France importera plus qu’elle n’exporte, un comble pour « le grenier de l’Europe ».

La France importe par exemple plus qu’elle n’exporte pour ses fruits, ses poissons et ses légumes.

(La France importe par exemple plus qu’elle n’exporte pour ses fruits, ses poissons et ses légumes.)

Dans le détail, l’Hexagone achète surtout des fruits et légumes. La moitié de ceux consommés par les Français provient désormais de l’étranger. Le pays de la « bidoche » est aussi fortement tributaire de ses voisins pour les protéines animales. Comme la volaille : plus d’un tiers des poulets dégustés en France ont été élevés à l’étranger - principalement en Pologne, en Belgique et aux Pays-Bas. En 2000, ces importations ne comptaient que pour 13 %.

Cette explosion est surtout liée aux besoins d’approvisionnement de l’industrie de transformation et la restauration collective. « Les pouvoirs publics achètent à 87 % du poulet polonais pour approvisionner les cantines », spécifie Christiane Lambert. Idem pour le porc : la France importe 25 % de sa consommation de porc, notamment depuis l’Espagne.

Autrement dit : Un jour par semaine, les Français consomment intégralement des aliments préparés à base de produits étrangers.

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3. Pourquoi la France importe des produits qu’elle cultive ?

Tout le paradoxe est là. Selon le rapport sénatorial, depuis 2000, les importations de produits agroalimentaires ont presque doublé en France, alors qu’une majeure partie pourrait être produite sur son territoire. Une incohérence principalement liée à la compétition internationale.

Les agriculteurs français affrontent une concurrence féroce de pays dont les productions se vendent bien moins chères et sont donc privilégiées par les pouvoirs publics, distributeurs et consommateurs français. « Depuis quarante ans, la France a mené une politique uniquement centrée sur le pouvoir d’achat du consommateur, elle l’a habitué à consommer le moins cher possible, et la stratégie de ventes des distributeurs s’est toujours faite sur le prix alors forcément, la population va acheter le fruit ou le légume le moins onéreux », décrypte Christiane Lambert.

Pour preuve : la Pologne. Le cahier des charges, en matière de normes environnementales et sanitaires, y est beaucoup plus léger qu’en France. Le coût horaire y est également bien moins élevé. Les pommes polonaises se vendent donc à 90 centimes le kilo contre près de 2 euros pour les Françaises. Résultat : ce pays est devenu aujourd’hui l’un des premiers producteurs de pommes au monde.

« Nous avons comme ça perdu de nombreuses filières de fruits et légumes à force de trop contraindre les agriculteurs d’un côté, et d’acheter moins cher de l’autre », renchérit Laurent Duplomb. L’Hexagone a effectivement fini par délaisser certaines cultures faute de rentabilité. « Regardez les cerises, beaucoup d’exploitations ont cessé d’en produire parce que c’était trop contraignant, aujourd’hui on les importe du Chili », illustre le sénateur LR. Ironie du sort : les cerises chiliennes inondant le marché français ne répondent pas aux normes que la France imposait à ses arboriculteurs.

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4. Comment la France peut-elle construire une souveraineté alimentaire ?

« Il y a deux piliers : pouvoir produire et pouvoir stocker », condense Christiane Lambert. L’indépendance alimentaire n’est d’abord possible que si la France produit ce dont elle a besoin, en commençant par les produits de première nécessité. Et donc arrêter cette course folle à l’importation. « Plus personne n’achetait de la farine française parce que la farine étrangère était moins chère. On en produisait donc moins. Mais avec la crise du coronavirus, il a fallu répondre à la demande et donc relancer les chaînes de production en les faisant tourner jour et nuit pour éviter la pénurie », raconte l’agricultrice.

Heureusement que l’agriculture française avait donc déjà les outils pour affronter une telle crise. « Nous avons en France un écosystème complet qui permet de maîtriser tous les maillons de la chaîne alimentaire, du producteur de semence à la caissière, en passant par l’agriculteur, le vétérinaire ou le fabricant de tracteurs, il faut le préserver si on veut être souverain sur notre alimentation », développe-t-elle.

Coronavirus : les Français font des relocalisations la priorité de l’après-crise

L’autre aspect essentiel, selon la présidente de la FNSEA, est de ne pas « toujours réfléchir circuits courts et produits frais », puisqu’en cas de crise, il faut bénéficier de stocks. « Il faut aussi arrêter de se focaliser sur l’agriculture haut de gamme parce que la souveraineté alimentaire c’est pouvoir produire pour tout le monde », milite Laurent Duplomb. Or pour l’instant, les produits agricoles « d’entrée de gamme » sont majoritairement importés, puisque les pouvoirs publics ont tenu à réorienter la production domestique vers le qualitatif (promotion des animaux élevés en plein air, abolition de produits phytosanitaires, réduction de la taille des exploitations etc.).

« Le risque d’ici quelques années c’est d’avoir deux consommateurs Francais. Le premier aura les moyens de s’acheter des produits français haut de gamme, le second sera condamné à ne consommer que des produits importés puisque la France n’en produira plus », soupire l’agriculteur. Sans parler du risque, en cas de crise comme celle du coronavirus où les importations sont suspendues, de ne plus pouvoir proposer aux ménages les moins aisés des produits bons marchés et d’entrée de gamme. Enfin, recouvrir une indépendance alimentaire devrait aussi probablement passer par une revalorisation du métier d’agriculteur. Le secteur, en manque de main-d’oeuvre, a régulièrement besoin de saisonniers étrangers pour assumer les récoltes. Mais la pandémie de coronavirus a empêché ces derniers de se rendre en France. Le 24 mars dernier, l’exécutif a donc a lancé un appel aux bonnes volontés pour aider les paysans. Le 7 avril, il indiquait que 200.000 Français avaient répondu à son appel.

Hélène Gully

** Commentaire HD

Cet article apporte des données statistiques et un diagnostic de la situation intéressants.

Mais il ne faut pas trop en attendre d’une présidente de la FNSEA et du magazine économique très libéral de Bernard Arnault. On retrouve ici les limites du dogmatisme néolibéral : impossibilité d’augmenter les salaires pour que toute la population puisse avoir les moyens d’acheter des produits bio. La référence ici à Macron n’est rien d’autre qu’un coup de com. Comment peut-on imaginer qu’un ultralibéral pur jus puisse mener une politique étatique le en rupture avec les politiques libérales précédentes ?

Un argument intéressant de la présidente de la FNSEA et de mentionner la nécessité de pouvoir disposer de stocks alimentaires importants pour faire face à une pénurie de longue durée. Il est vrai alors que les circuits courts seraient probablement insuffisants pour assurer un approvisionnement suffisant de la population. ** **

Deuxième article

La souveraineté alimentaire de la France : tirer les leçons de la pandémie de Covid-19

Source : Pour nourrir demain https://www.pour-nourrir-demain.fr/...

15 juillet 2021 Actualité agro-alimentaire

La Coopération Agricole vient de rendre son rapport économique sur la souveraineté alimentaire de la France. Réalisé au cœur du premier confinement afin de préparer l’avenir, ce rapport est le fruit de la réflexion prospective des coopératives, résolument tournées vers l’action.

La souveraineté alimentaire est perçue en France comme la capacité d’un pays à assurer la couverture de ses besoins en produits agricoles et alimentaires.

Or, les chiffres de la balance commerciale agroalimentaire française nous indiquent plutôt une tendance inverse et révèlent plusieurs constats alarmants :

Le solde de cette balance commerciale ne cesse de se dégrader et atteint seulement un excédent de +6,8 milliards d’€ en 2020 (contre +13 milliards d’€ à son plus haut niveau en 2012) ; Les exportations agroalimentaires ont progressé moins vite que les importations agroalimentaires sur la période 2000-2020 : +75 % pour les exportations et +123 % pour les importations ; La balance commerciale agroalimentaire française est devenue déficitaire sur le commerce intra-européen (-83 millions d’€ en 2019 ; + 8 millions d’€ pour le commerce orienté vers les pays tiers). Pour restaurer notre souveraineté, il apparaît indispensable de prendre des mesures fortes, à la hauteur de l’enjeu : si l’on veut manger français demain, il faut pouvoir produire français et transformer français ! En ce sens, La Coopération Agricole a avancé plusieurs propositions au sein de son rapport ayant pour but d’accompagner les politiques publiques et permettre de répondre à ce défi. Parmi ces 12 propositions, on note notamment :

1. Garantir la pérennité de la chaîne alimentaire et s’inscrire sur le long-terme :

Doter la recherche, le développement et l’innovation françaises de véritables moyens pour acter le virage des transitions et favoriser l’apparition de nouvelles technologies ; Favoriser l’évolution des pratiques et l’adaptation des compétences pour répondre aux nouveaux besoins. 2. Permettre le maintien des activités sur les territoires :

Accompagner les acteurs du secteur dans le renforcement des investissements productifs ; Lever les contraintes réglementaires pénalisant les acteurs français de l’agro-alimentaire dans une compétition à armes inégales. « Le constat est clair et partagé : la souveraineté alimentaire française est en danger et il est aujourd’hui urgent de prioriser les investissements pour restaurer notre capacité productive, incluant les activités agricoles et agroalimentaires. Pour manger français demain, nous devons pouvoir produire et transformer en France : ancrées dans les territoires, les coopératives sont les meilleurs outils pour y parvenir, faisant le lien entre les agriculteurs et les différents marchés. », déclare Dominique Chargé, président de La Coopération Agricole.

Troisième article

Recensement agricole 2020 : un plan de licenciement qui ne dit pas son nom

Source : Confédération Paysanne http://www.confederationpaysanne.fr...

Le Ministère de l’Agriculture a communiqué ce matin les premiers résultats du recensement 2020. Nous retenons un chiffre effarant : 100 000 fermes ont disparu en 10 ans. Soit la disparition d’un cinquième de la profession. Ce plan de licenciement silencieux et massif dans nos campagnes est plus qu’alarmant sur le plan social, territorial et écologique. Nous avons besoin de paysannes et paysans nombreux pour des campagnes vivantes. Le Ministère de l’Agriculture a communiqué ce matin les premiers résultats du recensement 2020. Nous retenons un chiffre effarant : 100 000 fermes ont disparu en 10 ans. Soit la disparition d’un cinquième de la profession. Ce plan de licenciement silencieux et massif dans nos campagnes est plus qu’alarmant sur le plan social, territorial et écologique. Nous avons besoin de paysannes et paysans nombreux pour des campagnes vivantes.

Le Ministère de l’Agriculture ne s’attarde à aucun moment sur ce constat principal et préfère promouvoir ses politiques libérales actuelles qui accompagnent les tendances d’agrandissement des structures, de céréalisation dans les territoires et de désertification des zones rurales. Ce constat devrait pourtant amener à une réorientation en profondeur des politiques publiques pour soutenir l’emploi paysan.

Et en premier lieu la PAC*, dont les orientations pour la période 2023-2027 sont justement en cours de finalisation. Les soutiens de la PAC* doivent être massivement réorientés vers les actifs plutôt que vers les surfaces. La discussion en cours de finalisation au ministère sur la définition de l’agriculteur actif part mal et pourrait être insuffisante pour agir en faveur de l’emploi paysan.

Le six de la s aides doivent être réservées aux réels actifs et stoppées au moment de l’âge légal de départ à la retraite à taux plein, sauf dans le cas où la transmission est en cours et nécessite encore un peu de temps. Ce temps mis à profit pour installer doit être encouragé par les politiques publiques et soutenu par des moyens financiers de l’État. ** **

Quatrième article : rapport sénatorial La souveraineté alimentaire est une condition de la durabilité du modèle français, non son opposé 25 recommandations pour une alimentation durable et locale

Source : rapport d’information sénatoriale décembre 2020 http://www.senat.fr/presse/cp202105...

** ** quatrième article

Extrait de l’interview de Jean-Luc Mélenchon à BFMTV du 25/11/2021 sur la souveraineté alimentaire en France. Vidéo https://twitter.com/JLMelenchon/sta...

** Annexe

Rapport de la coopération agricole sur la souveraineté alimentaire. Fichier PDF https://www.lacooperationagricole.c...

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Hervé de Beaurivage


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