Avec la création de la Nupes, CNews est contrainte à des débats d’extrême droite

dimanche 15 mai 2022.
 

Coïncidence (ou pas), tous les piliers “de gauche” de CNews rejettent la Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale). La chaîne ne peut plus faire illusion, ce sont la droite extrême et l’extrême droite qui animent ses discussions. Au programme : comment noyer les “migrants” ? Les alliés de Mélenchon sont-ils d’extrême gauche, léninistes ou communautaristes ? Et Dieu… pardon, Zemmour, dans tout ça ?

« Le point info, l’essentiel de l’actualité », annonce le présentateur de CNews. Depuis peu, la chaîne bolloréenne ne se fatigue plus à produire des flashs toutes les heures. Elle se contente de diffuser tous les quarts d’heure trois infos en une minute d’images. Par exemple, samedi dernier : « Le parti Reconquête ! se prépare aux législatives, ses cinq cent cinquante candidats se sont réunis à Paris. » Suivent la victoire électorale du Sinn Fein en Irlande du Nord et « un mot de sport : finale de la Coupe de France »… Rappelons que, ce samedi, il y a aussi (entre autres) une guerre en Ukraine, la ré-investiture d’Emmanuel Macron, le lancement par LR de sa campagne pour les législatives, la convention fondatrice de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Mais CNews choisit de mettre Zemmour à la une. Sans doute faut-il s’attendre à un raz-de-marée de son parti à l’Assemblée nationale. Quoique : « Après sa déception de la présidentielle, le jeune parti d’Éric Zemmour redoute un vote utile en faveur du RN. » Voter pour l’extrême droite, c’est toujours utile.

En plateau, les experts de CNews évoquent le discours du président réélu lors se sa cérémonie d’investiture. Le débat est vif, Alexandre Devecchio s’indigne : « Christian Prouteau disait : “Y a la guerre en Ukraine”, mais y a une forme de relativisme là-dedans ! Y a aussi la guerre chez nous. » Pas plus tard qu’hier, un missile islamiste est tombé sur une école, causant soixante morts. « C’est pas juste un problème géopolitique, c’est un problème interne d’une immigration désintégrée. » Des immigrés massacrent des civils par centaines dans nos villages.

« On va parler des traversées clandestines de la Manche, enchaîne le présentateur. Puisque c’est un sujet, l’immigration, qui n’a pas été évoqué par le chef de l’État dans son discours. » Heureusement, CNews est là pour combler les lacunes du président. Un reportage très précisément situé dans « la Manche, ce lundi » désespère : « Plus de sept mille migrants ont réussi à traverser la Manche depuis le 1er janvier, trois fois plus que l’an dernier à la même période. Même le mauvais temps ne semble plus décourager les candidats au départ. » Ils préfèrent quitter leurs chaleureux foyers d’accueil. « Les autorités craignent que les passages de migrants atteignent des records. » Aucune crainte sur le nombre de noyés. En studio, François Pupponi, ex-PS passé chez Territoires de progrès (une cabine téléphonique de LREM), certifie : « Ce sera un des sujets des cinq prochaines années, c’est évident. » Sur CNews, c’est fatal.

« Comment on explique que ces chiffres explosent ? » s’étonne le présentateur. Alexandre Devecchio : « Ça revient chaque année avec le beau temps. » Malgré les mirifiques conditions de vie offertes par les autorités françaises, c’est étrange. « Au niveau européen, on a échoué à contrôler nos frontières, notamment maritimes. » On n’a même pas noyé la moitié des exilés. « Le patron de Frontex vient de démissionner parce qu’il voulait en faire une police aux frontières… » Ou parce que Frontex ne respectait pas les droits fondamentaux, procédant à des refoulements illégaux.

Alexandre Devecchio se désole : « La Commission européenne, par idéologie, veut que Frontex devienne une sorte d’ONG qui contrôle que les droits fondamentaux des migrants sont bien respectés. » Comme si les « migrants » avaient des droits. « Y a un problème de volonté politique et d’idéologie. » L’éditorialiste du Figaro, lui, est dépourvu d’idéologie. Christian Prouteau a beau objecter que « techniquement, c’est difficile », Alexandre Devecchio insiste : « Mais là on avait un patron de Frontex qui était prêt à relever le défi technique. » Au moyen d’une grande innovation, la noyade. « Il a été viré parce qu’on a estimé qu’il y avait un droit fondamental à entrer en Europe. » Vous verrez qu’on brandira bientôt un prétendu droit d’asile. « La Commission a un logiciel totalement transfrontiériste. » Elle est à la solde des antifas no border.

Je m’inquiète tout de même pour la chaîne de Bolloré. Depuis que le PS a rejoint la Nupes, comment va-t-elle remplir ses obligations de pluralisme si la plupart de ses invités permanents, jusque-là catalogués « de gauche », s’en désolidarisent ? Comment sera décompté le temps de parole des Julien Dray, Laurent Joffrin, François Pupponi, Manuel Valls (qui alterne avec BFMTV) ou Caroline Fourest (qui préfère LCI) ? L’Arcom (ex-CSA) risque de s’apercevoir qu’un débat entre Julien Dray et Alexandre Devecchio oppose la droite à l’extrême droite. Et CNews sera obligée d’embaucher Edwy Plenel comme chroniqueur. Nan, je déconne. Si l’Arcom avait constaté qu’elle bafoue sa convention de chaîne d’information, et non d’opinion, ça ferait longtemps qu’elle lui aurait retiré sa fréquence attribuée gratuitement.

Samedi, c’est un autre homme de gauche, François Pupponi, qui témoigne de l’unanime rejet de la Nupes : « J’étais sur les marchés ce matin et beaucoup de militants socialistes me disaient : “On peut pas aller avec Mélenchon.” » Curieusement, les soutiens de la Nupes ne se précipitaient pas vers le pilier de CNews. « Y a un gros malaise à gauche », résume le présentateur, qui propose : « On finit sur Éric Zemmour. » Un reporter rapporte qu’« Éric Zemmour est revenu sur l’alliance autour de Jean-Luc Mélenchon » et fait entendre l’extrait : « C’est le mariage de la carpe et du lapin, des anciens laïcards et des nouveaux islamistes, des républicains et des indigénistes, des nageuses en burkini et des zadistes en poncho. » Et non l’inverse. Ça fait bien rire Alexandre Devecchio, réputé pour son sens de l’humour.

L’heure suivante, Eliot Deval annonce : « On va détailler cette Nouvelle Union populaire écologique et socialiste… C’est pas facile à dire. » Tous ces mots compliqués… Immigrationniste, décroissantiste et islamo-gauchiste, ça aurait quand même été plus simple. « Est-ce que c’est une union de la gauche ou de l’extrême gauche ? » La question, elle est vite répondue par Gabrielle Cluzel : « C’est un rassemblement sous la houlette de l’extrême gauche. » La preuve, le NPA n’a pas voulu le rejoindre. « On parle d’extrême droite quand on parle de Marine Le Pen mais jamais d’extrême gauche quand on parle de LFI. » Sauf sur tous les plateaux télé. « Il ne faut pas avoir peur des mots, c’est l’extrême gauche qui triomphe. »

Face à l’éditorialiste de Boulevard Voltaire, le politologue Jérôme Sainte-Marie conteste : « De la même manière que le RN n’est pas d’extrême droite, LFI n’est pas d’extrême gauche. C’est des gens qui n’ont aucune connaissance du marxisme… » Pas plus que les militants du RN du nazisme (quand ils font des saluts hitlériens). « … Qui n’ont pas un projet léniniste. » Léniniste, peut-être pas, mais brejnévien, c’est certain. Jean-Michel Aphatie l’a très bien expliqué dans un tweet où il illustre les dissensions au sein de la Nupes avec des livres du dissident Alexandre Zinoviev : Mélenchon, c’est Brejnev, et Dray, c’est Zinoviev. « C’est une gauche agitée, exagérée, poursuit Jérôme Sainte-Marie, mais c’est pas des gens qui veulent réellement changer le cours des choses. » Ils sont sous le charme du néolibéralisme. Seule particularité, « ils veulent avoir une politique migratoire qui ressemble à une politique no border, de frontières ouvertes ». C’est donc la Nupes qui a infiltré la Commission européenne.

« Ils sont extrémistes, maintient Gabrielle Cluzel, ça reste la France du grand soir. » Aphatie a raison, ils vont instaurer les soviets. « Ils ont une bienveillance pour tous les mouvements d’ultragauche, antifas, black blocs qui pourrissent la démocratie. » Les militants de Génération identitaire, eux, la revivifient. « Si vous voulez me faire dire que tout ça c’est du cirque, je suis d’accord, convient Jérôme Sainte-Marie. On a des gens qui s’appellent Insoumis alors qu’ils sont prêts à toutes sortes de compromissions. » Avec le grand capital. « Mais ils sont toujours dans cette fantasmagorie de “no pasarán”, c’est la guerre d’Espagne tous les jours. » Comme si l’extrême droite existait en France. « J’habite dans le 11e arrondissement, je vois très bien les bobos, les librairies… » Aucun livre de Thierry Marx. « Ce petit monde s’est construit un univers totalement onirique et héroïque alors que ce sont des gens qui se bougent très peu. » Sauf pour aller dans leur épicerie vegan.

Eliot Deval fait entendre « les propos de Jean-Luc Mélenchon contre la police » : « Le syndicat Alliance réclame de pouvoir tirer sur les gens, sans que le ministre de l’Intérieur ne dise un mot. Ce syndicat factieux déclare que le problème de ce pays, c’est la justice, et personne n’a rien à dire. » Eliot Deval rebondit : « Gabrielle Cluzel, vous vous avez quelque chose à dire. » Ouf, elle sauve l’honneur (de la police) : « Propos absolument scandaleux, irresponsables ! Tout lui est permis alors qu’à droite on ne sait plus quoi faire pour montrer qu’on est gentil. » Avec les flics. « On l’a vu avec Marine Le Pen qui n’ose pas se rapprocher d’Éric Zemmour parce que ça risque de faire peur. » Et pas du tout parce qu’elle veut tuer dans l’œuf le mouvement de son rival. « Cela montre bien quelle est la pensée dominante dans ce pays. » La pensée d’extrême gauche, CNews le prouve tous les jours.

« Il embarque toute la gauche dans cette confrontation avec la police ? s’alarme Eliot Deval. — Il cherche surtout à effacer les traces récentes, son soutien implicite à Emmanuel Macron, estime Jérôme Sainte-Marie. Il a poussé ses électeurs à voter pour Emmanuel Macron, contre le choix des catégories populaires qui, elles, ont voté massivement pour Marine Le Pen. » Coïncidence, Marine Le Pen fait la même analyse, elle accuse Mélenchon d’avoir empêché son élection en jouant le « bouffon du roi » Macron. Comme quoi, la candidate du RN est aussi perspicace que les meilleurs politologues (de CNews). « Il parle à un public de beaucoup de musulmans, de quartiers en banlieue… » Les indigénistes. « … Au monde des fonctionnaires, de la dépense publique… » Beurk, la dépense publique. « … Et aussi à la petite bourgeoisie urbaine qui a voté contre les catégories populaires lors du second tour de la présidentielle. » Et pour les musulmans des quartiers.

« Je suis assez d’accord, dit Gabrielle Cluzel. Il a clairement appelé à voter Emmanuel Macron. Et puis il a abandonné le social au profit de l’immigrationnisme. Qu’est-ce qui le sépare de Marine Le Pen ? Il a sacrifié le social, tant pis, la retraite à 65 ans c’est pas si grave comparé à l’immigration. » Il préfère l’immigration au programme « socialiste » du RN. Eliot Deval rapporte une « nouvelle attaque contre Marine Le Pen qui selon Jean-Luc Mélenchon ne sert à rien. — S’il continue à parler du RN, décrypte Jérôme Sainte-Marie, c’est parce que c’est le seul liant de cette gauche. Les sympathisants socialistes ou des Verts ont une bonne opinion d’Emmanuel Macron ». Ils vont voter LREM aux législatives.

Gabrielle Cluzel insiste : « En réalité, la contradiction de LFI, qu’ils n’arrivent pas à résoudre, c’est la question de l’immigration, on en revient toujours là. » Sur CNews. « Il y a plusieurs lignes au sein de LFI, nuance Jérôme Sainte-Marie. Il y a M. Ruffin qui est dans une circonscription à la fois rurale et industrielle alors que des gens comme le député Coquerel de Seine-Saint-Denis eux ont pratiqué la recherche assidue d’un vote musulman et d’origine immigrée. » Il devrait être emprisonné en vertu de la loi contre le communautarisme. « Jean-Luc Mélenchon est allé jusqu’à invoquer ce concept étrange de créolisation. » Repris à un écrivain antillais (Édouard Glissant), c’est vous dire s’il est étrange.

Plus tard dans la soirée, Eliot Deval présente de nouveaux invités (que des hommes), dont « François Devoyer, cofondateur du média Livre noir ». Chouette, un nouveau média a droit de cité sur CNews, ça va changer de Boulevard Voltaire, Causeur, L’Incorrect, Valeurs actuelles, etc. « Vous avez régulièrement interrogé Éric Zemmour. » Preuve d’un journalisme de qualité. « On peut retrouver ces entretiens sur les réseaux sociaux, y a même une petite séquence où Éric Zemmour joue au foot, c’est drôle. » Je me marre. « Il est avec des agriculteurs et puis il a un ballon, il commence à jouer, j’invite les téléspectateurs à regarder, c’est assez drôle. » Arrêtez, je n’en peux plus de rire.

Samuel Gontier


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