J-L. Mélenchon : Premier ministre, pourquoi, comment, et surtout pour quoi faire ?

dimanche 29 mai 2022.
 

« Élisez-moi Premier ministre », a lancé Jean-Luc Mélenchon le 19 avril dernier sur BFMTV. C’était à peine plus d’une semaine après le 1er tour de l’élection présidentielle. Il y avait alors recueilli près de 8 millions de voix sous la bannière de l’Union populaire. L’ex-président du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale lançait par ces mots 2 mois de bataille en vue des élections législatives des 12 et 19 juin. Ce fut l’ouverture du premier acte du plus intense moment de politisation populaire jamais advenu sous la Ve République lors d’une campagne pour les élections législatives.

« Le troisième tour commence ce soir. […] Les 12 et 19 juin, un autre monde est encore possible si vous élisez une majorité de députés de la nouvelle Union populaire qui doit s’élargir », a enchaîné Jean-Luc Mélenchon quelques jours plus tard, au soir du second tour de l’élection présidentielle. Il lançait ainsi la deuxième phase de la campagne « Mélenchon Premier ministre » : l’élargissement de l’Union populaire.

Quelques jours plus tôt, l’intergroupe parlementaire de la France insoumise avait ouvert la voie à la structuration du pôle populaire, regroupant la gauche traditionnelle et ses forces nouvelles, écologistes et insoumises. Il proposait à « toutes celles et tous ceux qui le souhaitent » de s’unir autour d’un programme partagé de gouvernement, d’une stratégie cohérente, d’une campagne visant à construire une majorité et d’un cadre de respect mutuel.

L’enthousiasme suscité par cette proposition a amené Europe Écologie Les Verts, le Parti communiste français et le Parti socialiste à rejoindre cette démarche. Cela a ainsi permis l’élargissement, quelques jours plus tard, de l’Union populaire en une « Nouvelle Union populaire écologique et sociale ».

Jean-Luc Mélenchon peut être le prochain Premier ministre

« Les 12 et 19 juin, par leur vote, nous proposons aux Françaises et aux Français de mettre en place un large rassemblement s’appuyant sur la dynamique de la campagne présidentielle de l’Union populaire ouvrant la voie à une majorité à l’Assemblée nationale. Dans cette perspective, le Premier ministre serait issu du plus grand groupe à l’Assemblée, soit Jean-Luc Mélenchon », ont affirmé chacune de ces formations dans des communiqués formalisant leur adhésion à la démarche. Ces deux phrases résument l’enjeu fondamental : si l’Assemblée nationale est composée d’une majorité de députés de cette nouvelle union populaire, Jean-Luc Mélenchon peut occuper le rôle de Premier ministre.

En effet, la Constitution de la Ve République implique que le président de la République nomme Premier ministre le « chef » de la majorité parlementaire. Concrètement, selon l’article 20 de la Constitution, le gouvernement est responsable devant le Parlement. Cela signifie que les membres d’un gouvernement ont l’obligation de quitter leurs fonctions lorsqu’ils n’ont plus la confiance du Parlement. Cela se traduit par les procédures prévues aux articles 49, « Le Premier ministre, après délibération du conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. L’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure. Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée nationale », et 50, « Lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu’elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du Gouvernement ».

De ce fait, le choix du président de la République d’un Premier ministre qui ne soit pas celui qui a été choisi comme ayant vocation à l’être par la majorité parlementaire pourrait être rejeté par cette dernière. Dans la pratique, dans les périodes où la majorité parlementaire était issue d’un autre camp que celui du président de la République, ce dernier a toujours nommé le premier de cordée de cette majorité, de Jacques Chirac en 1986 à Lionel Jospin en 1997.

Un moment d’espoir et de politisation inédit

Avec sa campagne « Mélenchon Premier ministre », ce dernier redonne aux élections législatives l’importance qu’elles avaient perdu avec le passage au quinquennat et la tenue systématique de ces élections dans les mois qui suivent l’élection présidentielle.

La Nouvelle Union populaire a réussi le tour de force d’unir de manière inédite le « pôle populaire » et ses 4 candidats à l’élection présidentielle, dont le premier d’entre eux, fort de près de 22  % des suffrages. Quelques semaines après l’élection par défaut du seul candidat non-issu de l’extrême-droite présent au second tour et dans le cadre d’une campagne législative plus longue qu’habituellement, cette alliance réussit le coup d’éclat de radicalement transformer la situation politique du premier scrutin au second, faisant apparaître la possibilité d’un détournement des institutions de la monarchie présidentielle au profit d’un parlementarisme tombé aux oubliettes.

Le tour de force est là : avec la personnalisation de la campagne législative autour de Jean-Luc Mélenchon, l’Union populaire se saisit des pratiques habituelles des régimes parlementaires, offre un cours d’éducation civique permanent à l’intégralité du corps électoral, et transforme ce qui aurait dû n’être qu’un épisode 2 de l’élection présidentielle en un moment d’espoir et de politisation inédit.

Un programme partagé de gouvernement ambitieux

Car il ne s’agit pas là que d’élire un homme, mais de choisir celui qui « dirige l’action du Gouvernement », « est responsable de la défense nationale », « assure l’exécution des lois, « exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires », selon l’article 21 de la Constitution, Gouvernement qui « détermine et conduit la politique de la nation » et « dispose de l’administration et de la force armée », selon l’article 20.

Ainsi, « Mélenchon Premier ministre », c’est la possibilité d’appliquer le programme partagé de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale.

Cette dernière s’est en effet dotée d’un programme partagé de gouvernement ambitieux, qui reprend la totalité de mesures fortes de l’Avenir en commun : bloquer et baisser les prix des produits de première nécessité, porter le SMIC à 1400 euros net, revaloriser les pensions de retraite, déconjugaliser et revaloriser l’AAH au niveau du SMIC, instaurer la gratuité des quantités d’eau et d’électricité indispensables à la vie digne, rétablir la retraite à 60 ans à taux plein, créer une garantie d’autonomie de 1063 euros par mois, rembourser tous les soins prescrits à 100 %, passer à la 6e République, dédier 1 % du PIB à la culture, passer à une agriculture écologique et paysanne, rendre progressif l’impôt sur les sociétés, rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune, instaurer un héritage maximum, etc.

Comme l’affirme Jean-Luc Mélenchon dans son discours du 24 avril, « la démocratie peut nous donner de nouveau le moyen de changer de cap ».

Côme Delanery


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