Un « front républicain » macroniste lepéniste en marche contre la NUPES ?

lundi 13 juin 2022.
 

Vers une clarification politique où apparaissent les rapports de classe ?

Un « front républicain » macroniste-lepéniste en marche contre la NUPES ? **

Nous publions ici une chronique d’un journaliste indépendant très intéressante à plusieurs égardss même si l’on est pas forcément d’accord à 100 % avec ses propos : on ne demande pas à un journaliste de vanter les mérites d’une organisation politique mais simplement de faire un effort d’analyse, de raisonnement, de rigueur notamment historique et dans la manière de rapporter les propos de personnalités politiques sans les biaiser, les caricaturer ce qui devient rarissime dans le monde journalistique d’aujourd’hui. ** Sa chronique est divisée en cinq parties d’environ cette page chacune. On a évidemment pas ici reproduit l’iconographie de qualité qui figure sur le site de France – soir.

En lisant ce texte, on comprend pourquoi, ce qui pouvait paraître totalement incongru, l’accusation dentier républicanisme concernant Mélenchon et la NUPES a largement irrigué les médias ces dernières semaines. Il fallait pour le « bloc bourgeois » donner un prétexte à l’organisation d’un « front républicain » contre la NUPES. On espère ainsi capturer une partie de l’électorat LR, de l’électorat social libéral voir même une partie de l’électorat de Macron en déshérence.

Mais cela ne suffisait pas : il fallait ajouter à cette accusation celle d’islamo gauchisme et de communautarisme pour rallier une partie de l’électorat du RN.

Il s’agissait donc de mobiliser, et c’est encore vrai pour les deux tours des élections législatives de 2022,1 nouveau « front républicain » anti Mélenchon etNUPES.

Mais le journaliste va plus loin : il considère qu’il ne s’agit pas simplement ici d’une simple tactique électoraliste pour faire barrage à Mélenchon mais d’un accord idéologique profond entre Macron et Le Pen. Il s’appuie, pour étayer cette analyse, sur le vote de lois comme celles concernant le séparatisme et la sécurité globale. Mais aussi sur des études de Frédéric Landon et d’Emmanuel Todd.

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Mais au-delà des questions de détail, cet article montre que peut émerger une nouvelle clarification radicale du monde politique. Après la clarification partageant les « socialistes » clairement en deux camps : les radicaux et les réformistes l’électorat de gauche ayant donné pour la première fois sa préférence à la gauche radicale, une nouvelle clarification apparaît : d’un côté le bloc bourgeois élargi à l’extrême droite soutenant la classe capitaliste dominante et de l’autre un bloc populaire défendant les intérêts de la classe dominée armé d’un programme de gouvernement de rupture avec la toute-puissance de l’économie de marché capitaliste

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Un front républicain macroniste-lepéniste en marche contre la gauche

Source : France-Soir.fr par Wolf Wagner, journaliste indépendant.

Partie 1 https://www.francesoir.fr/politique...

CHRONIQUE — Durant cette campagne des législatives, on assiste à un consensus au sein des élites et de la macronie pour tenter de travestir le concept de « front républicain ». Le but ? S’allier implicitement avec l’extrême-droite afin de limiter la percée de la gauche au sein de l’Assemblée nationale. Lutter Ensemble ! pour la défense des « valeurs républicaines », de manière à rassembler bourgeois et autres sociaux-démocrates, non plus contre Marine Le Pen, mais contre Jean-Luc Mélenchon et contre la NUPES.

Décryptage d’une farce politicienne à la française, où les liens existants entre lepénisme et macronisme sont en réalité bien plus solides et pérennes qu’il n’y paraît : épisode 1/5.

Historiquement, en France, le front républicain a toujours ciblé l’extrême-droite

Le Front républicain prend ses racines dans les années 30 pour s’opposer à l’émergence de ligues factieuses. Il trouve ensuite véritablement sa légitimité durant les années 50 quand une coalition entre gaullistes, SFIO et radicaux de gauche se forme afin de faire barrage au courant poujadiste. À cette époque, au sein de ce mouvement d’extrême-droite, un jeune homme politique commence à peine à faire parler de lui. Son nom : Jean-Marie Le Pen. Il est élu député en 1956, puis en 1958. Période qui marquera la fin de la IVème République.

En 2002, presque 50 ans plus tard, ce même Jean-Marie Le Pen, à la tête de son Front national, est à nouveau la cible d’un front républicain. Une marée humaine descendue dans les rues du pays s’oppose à sa potentielle élection en tant que président de la République. Jacques Chirac, président sortant, pourtant moqué à l’époque par une très large partie de l’opinion publique, pouvait alors remporter le second tour avec un score digne d’une république bananière (82,21%, contre 17,79% pour Jean-Marie Le Pen).

Rebelote durant l’entre-deux-tours de 2017 avant l’accession de Macron au pouvoir. À un petit détail près, cette fois, point de mobilisation populaire dans les rues pour faire barrage au RN et à Marine Le Pen. Le front républicain resta cantonné aux urnes et aux diverses sorties médiatiques prosélytes.

Tout le monde garde par exemple en tête la désormais historique une de Libé : « Faites ce que vous voulez, mais votez Macron ».

Une Une pour laquelle le journal avait d’ailleurs par la suite tenu à se justifier : « l’éditorial de Laurent Joffrin qui suivait la Une permettait pourtant de comprendre que cet appel ne se justifiait pas par rapport à Emmanuel Macron qu’il aurait fallu, eu égard à ses qualités ou à son programme, placer à la tête du pays, mais par le péril d’un succès de Marine Le Pen. ».

Bis repetita une dernière fois cette année pour le second tour de l’élection présidentielle avec, encore et toujours, une grosse mobilisation de la presse, et de Libé, pour faire appel à un « front républicain » en faveur du président sortant contre la candidate d’extrême-droite.

Le Front républicain, marotte préférée des médias

À ce titre, l’article de Ouest-France du 21 avril dernier durant l’entre-deux-tours est un exemple en la matière, puisqu’il y est d’abord fait preuve de pédagogie auprès du lectorat pour lui rappeler, dans le cas où il n’en aurait déjà plus conscience, ce qu’est le front républicain et quels en sont les mérites : « En gros, c’est un réflexe électoral où les partisans de la droite, du centre et de la gauche oublient leurs désaccords et votent pour l’un des candidats du second tour parce qu’ils estiment que l’autre candidat défend des idées contraires aux valeurs de la République ».

Le quotidien regrette néanmoins que « certains préfèrent désormais opter pour la stratégie du « ni-ni » (..) et considèrent donc que le RN est un parti comme un autre ».

S’il ne vient pas à l’esprit des journalistes de Ouest-France que « certains » puissent aussi opter pour le « ni-ni », non pas parce qu’ils considèrent que le RN est « un parti comme les autres », mais plutôt parce qu’ils exècrent autant Emmanuel Macron, Marine Le Pen que leurs projets respectifs, il n’en demeure pas moins que si le journal emploie ce ton culpabilisant envers ceux qui envisageraient de voter blanc ou de s’abstenir, c’est qu’il a conscience que ce type d’appel, contre Marine Le Pen et contre l’extrême-droite, ne rassemble plus aussi bien qu’avant.

Ouest-France ne sera d’ailleurs pas le seul titre de presse à s’emparer du sujet. Beaucoup se sont inquiétés du risque de voir ce front républicain version 2022 faire un flop :
- France Info : « D’où vient ce concept et pourquoi semble-t-il moins fédérateur en 2022 qu’en 2002 et en 2017 ? », « Pourquoi le front républicain est-il fragilisé aujourd’hui ? »
- Le Monde : « Présidentielle 2022 : le front républicain, ce barrage qui recule »
- L’AFP, via Le Point et France 24 : « Présidentielle : face à Le Pen, le front républicain ne suffira pas, selon Gilles Finchelstein ».
- L’Opinion : « Élections : que reste-t-il du front républicain ? »

Clémentine Autain (LFI - NUPES), sur France 5 dans l’émission C ce soir, tentait d’apporter ses explications sur ce désintérêt d’une partie de la gauche : « dans la tête des gens, je pense que quelque chose s’est fracassé ». Selon elle, la formule de « front républicain » ne correspond plus à notre époque. La faute à une extrême-droite qui « s’est banalisée » et à un « pouvoir en place lui-même autoritaire ».

La gauche, fidèle alliée du front républicain

Malgré ce désamour grandissant « dans la tête des gens », le front républicain va tout de même pouvoir jouir d’un fidèle allié. En effet, suite à leur défaite au premier tour de l’élection présidentielle, les représentants de gauche se sont finalement indirectement entendus avant le second pour unanimement dire « non » à Marine Le Pen, et donc dire « oui », même implicitement et à regrets, à Emmanuel Macron. Même le troisième homme de l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, a joué le jeu en appelant « à ne pas donner une voix à Le Pen », sous-entendu qu’il laissait libre ses électeurs de faire ce qu’ils souhaitaient, y compris de voter Macron, tant qu’aucune voix ne tombait dans l’urne en faveur de la numéro 1 du Rassemblement national.

Qu’il s’agisse de s’abstenir, de voter blanc ou de voter directement pour le président sortant, et en prenant en compte qu’ils n’étaient pas nombreux à annoncer publiquement leur intention de voter pour la cheffe du RN, cette gauche, qui s’est déchirée au premier tour en présentant pas moins de quatre candidats (Arthaud, Poutou, Roussel et Mélenchon) et deux candidats apparentés à elle (Jadot et Hidalgo), est au moins tombée d’accord sur une chose : mieux valait Macron que Le Pen à la tête de l’État.

Jadot et Hidalgo, « deux candidats apparentés » à gauche principalement par la sphère médiatique qui s’entête à vouloir les classer en tant que tels quand plus rien, ou presque, dans les propositions politiques de ces deux leaders, ne va dans le sens des aspirations de l’électorat de gauche. Ces personnalités jouissent d’une surexposition médiatique, mais sont de plus en plus rarement soutenues dans les urnes, comme le prouve leurs scores de moins de 5% au premier tour de l’élection présidentielle (4,63% pour Jadot contre 1,75% pour Hidalgo).

« Honte à eux, à leur ego. "Des nains", aurait dit François Mitterrand » Toujours est-il que cette obsession de ces six candidats à vouloir impérativement se faire concurrence – en sachant pertinemment qu’ils couraient à leur perte dans un contexte politique où la gauche est largement minoritaire dans le pays – fera dire à Ségolène Royal, après l’annonce des résultats du premier tour de l’élection présidentielle, que « Jadot, Roussel, Hidalgo, en dessous des 5%, appellent au barrage à Marine Le Pen ? Ils pouvaient le faire par l’union en se retirant. Honte à eux, à leur ego. “Des nains“, aurait dit François Mitterrand ».

L’ancienne candidate PS à l’élection présidentielle de 2007 jette indéniablement un pavé dans la mare. Pourquoi la gauche devait-elle répéter les mêmes erreurs qu’en 2017 avec les candidatures séparées de Hamon et de Mélenchon ? Pourquoi ne pas avoir opté dès le départ pour un front de gauche capable de faire à la fois barrage à Le Pen tout en qualifiant Mélenchon pour le tour suivant, plutôt que d’être obligé, dans un second temps, de suivre un front républicain visant à faire élire le programme néo-libéral de Macron ?

Qu’importent les multiples raisons et divergences justifiant cette non-union à gauche, l’observation des scores de Jadot, de Roussel, d’Hidalgo ou du duo Arthaud-Poutou suffit à démontrer que tous ont reçu davantage de votes à eux-seuls qu’il n’y a eu d’écart de voix entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Autrement dit, le désistement d’un seul d’entre eux aurait vraisemblablement suffi pour permettre à Mélenchon de passer le 1er tour.

C’est en tout cas l’avis de Ségolène Royal qui ne décolère pas face à ce suicide collectif. Elle reproche aux leaders des différents partis de gauche de ne pas s’être désistés : « ils auraient dû le faire pour répondre à l’aspiration de l’électorat de gauche, Jean-Luc Mélenchon serait au second tour et ça serait bon pour la France ».

Sauf que cela ne s’est pas passé ainsi. La gauche aura beau ruminer inlassablement les choses, comme souvent, elle a perdu sur toute la ligne.

Ce qui apparaissait encore comme impensable début avril prend bel et bien forme début mai. La gauche, avec ses quatre plus « gros » partis, a réussi à trouver la voie de l’union. Plus que d’une véritable nouvelle union d’idées entre individus qui s’invectivaient encore hier, il s’agit, comme souvent en politique, surtout d’une union d’intérêts. En effet, sur 577 circonscriptions à glaner, il est beaucoup plus simple de s’entendre de manière horizontale entre familles politiques que sur une élection présidentielle où un seul gagnant remporte l’ensemble du gâteau... Comme si de rien n’était, les ennemis d’hier ont donc soudainement décidé de ne former plus qu’un. PS, PCF, EELV, LFI et quasi tous les courants de la gauche se sont rangés derrière une seule étiquette conférant à cette coalition une véritable légitimité. Seuls Poutou et Arthaud refusent de participer à l’aventure, notamment en raison du ralliement du PS à la NUPES. Une défection qui, au vu de leurs scores, s’apparente davantage à une décision symbolique que stratégique.

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Partie 2

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Législatives : le front républicain change de cible.

NUPES, la nouvelle alliance à abattre. Le RN épargné.

Conséquence directe de cette nouvelle union de la gauche : panique chez le RN, mais aussi et surtout en Macronie ! Branle-bas de combat immédiat face à cette coalition potentiellement handicapante, voire dangereuse, au vu des premiers sondages.

Le passage au quinquennat, ajouté au fait d’avoir calqué le scrutin des élections législatives sur celui de la présidentielle, était censé affaiblir le risque de cohabitation. Or, cette nouvelle alliance fait peser le danger d’une prise de pouvoir de l’Assemblée par la gauche, ou, a minima, menace la majorité présidentielle de faire face à de compliqués débats parlementaires lors de l’adoption des textes les plus polémiques.

Côté RN, Marine Le Pen ne veut pas croire à l’arrivée massive de la gauche au sein de l’hémicycle et entend le faire savoir, quitte à jouer aux côtés de l’adversaire d’hier, Emmanuel Macron. En ce sens, elle affirmait sur TF1 le 10 mai dernier : « La logique des institutions veut que le président de la République ait une majorité ». Ajoutant que « ceux qui racontent autre chose racontent des fables ». Une déclaration qui fait dire à BFM qu’elle vise là : « sans la nommer, l’union de la gauche et en particulier les Insoumis et leur rhétorique du "troisième tour" qui pourrait permettre, d’après eux, de mettre Jean-Luc Mélenchon à Matignon. ».

Voir aussi : Enjeux des législatives : chimère du "troisième tour" et recomposition des partis

Le 18 mai dernier sur France Inter, la volonté actuelle du RN de s’inscrire dans le cadre d’un front républicain va prendre forme de manière claire lorsque Marine Le Pen déclara au sujet du chef de file de la NUPES : « Il est déterminé à faire élire Emmanuel Macron. Ça fait trois fois qu’il le soutient. (…) Si vous appelez cela une opposition déterminée, bah je suis désolée, mais on n’a pas la même définition ». Elle poursuit en appuyant sur le besoin d’avoir une opposition responsable « c’est-à-dire pas une opposition qui va se battre pour avoir le burkini dans les piscines, parce que c’est ça Jean-Luc Mélenchon, c’est l’abandon des valeurs de la laïcité, c’est l’abandon des valeurs républicaines. (…) Et je dis aux Français qu’il ne faut surtout pas qu’ils envoient ça à l’Assemblée nationale ».

« L’abandon des valeurs républicaines », « il ne faut surtout pas qu’ils envoient ça à l’Assemblée nationale » : par l’emploi de ces seuls mots, Marine Le Pen montre qu’elle est prête à jouer le jeu d’un front républicain contre la NUPES. Celle qui, un mois auparavant, était victime d’invectives similaires, se sert à présent sciemment du même réquisitoire pour tenter de discréditer la coalition de gauche.

Jordan Bardella, le numéro 2 du Rassemblement national, que RMC verrait bien prendre la succession de Marine Le Pen en 2027, va également abonder dans ce sens. Sur BFM, le 1er mai dernier, il déclare au sujet de l’affaire Taha Bouhafs : « Que la France Insoumise se complaise en ce type d’investitures démontre un tournant anti-républicain qui est majeur. Ils sont en train d’installer un fossé entre eux et les principes de la République. »

Par ce discours, répété depuis et identique à celui de Marine Le Pen, il confirme la stratégie de communication mise en place par le RN pour accuser la NUPES et Jean-Luc Mélenchon d’anti-républicanisme. Le RN montre ainsi qu’il cherche indéniablement à s’intégrer au cœur de ce « front républicain 2022 version législatives ».

Ce changement de ton dans la communication du Rassemblement national n’a pas échappé à Gérard Miller, dont l’idéologie proche de Jean-Luc Mélenchon est notoirement connue. Il s’amuse sur Twitter que le RN, victime hier du front républicain, s’associe aujourd’hui à celui-ci pour diaboliser la gauche : « Le Pen considère que Macron a déjà gagné et ne mène quasiment pas de campagne. Quant à Ménard, il appelle carrément à « faire bloc » derrière le président. L’extrême-droite à qui la macronie devait faire barrage vole à son secours. Pas rancuniers, les bougres ! ».

Pendant ce temps, du côté de LREM, on a également rapidement compris le danger que cette nouvelle union à gauche faisait planer sur le sort des élections. À un tel niveau qu’un conseiller de l’Élysée, dont les propos sont rapportés par Le Point, confie qu’il « commence à y avoir une vraie trouille dans la majorité sur la progression de la France insoumise »,

L’assurance de garder une mainmise totale sur l’Assemblée pour la macronie n’est plus acquise. Du coup, le parti présidentiel en profite pour copier l’adversaire en changeant lui aussi son nom en Renaissance et en créant sa propre alliance, Ensemble !, avec ses vassaux habituels que sont entre autres le Modem, Agir ou Horizons, le micro-parti d’Édouard Philippe.

Comme le rappelle Le Point dans son article, l’émergence des ces coalitions politiques a principalement pour but de permettre de passer le premier tour. Les élections législatives ont ceci de particulier qu’il faut réaliser un score minimal de 12,5% des électeurs inscrits pour accéder au second tour. Or, avec une abstention de 50%, cela place la barre à 25% des suffrages exprimés. Un score important à atteindre, justifiant par conséquent de rassembler les familles idéologiques derrière des candidatures uniques afin d’engranger le plus de voix possibles... quitte à voir émerger par la suite quelques frondeurs comme l’ont pu l’être en 2017 Martine Wonner ou Joachim Son-Forget.

Mélenchon, « l’autre Le Pen » d’après Le Point

Et bien évidemment, dans ces « familles idéologiques », on retrouve les mêmes acteurs de l’entre-deux-tours de la présidentielle : politiques, intellectuels comme médias, mais qui délaissent à présent totalement leurs piques envers Marine Le Pen pour les orienter contre l’alliance de gauche.

Tous y vont de leur petit mot pour diaboliser la NUPES et/ou Jean-Luc Mélenchon. À commencer par les médias : Le Point, très prolixe en cette période, fera par exemple sa Une sur le leader LFI en titrant : « La vérité sur M. Mélenchon » avec pour sous-titre : « Europhobie, nationalisme, charlatanisme économique, goût pour les dictateurs. L’autre Le Pen ».

Une couverture claire et précise quant à la cible du journal. Pour Le Point, si vous ne le saviez pas, « Jean-Luc Mélenchon = Marine Le Pen », ni plus ni moins. Voilà qui facilite l’analyse politique. À en croire Le Point, tout citoyen sensé et républicain ne peut donc ni choisir Le Pen ni Mélenchon. À lui donc d’opter intelligemment pour l’un des (seuls) choix politiques restants... On saisit parfaitement le chemin vers lequel souhaite nous attirer Le Point.

Une Une dont souhaitera d’ailleurs se désolidariser Yann Castanier, le photographe ayant réalisé le cliché pour Le Point. Il s’en explique dans un tweet :

En retour, Jean-Luc Mélenchon qualifiera le journal de « tract d’extrême-droite ».

Le Point réagira face aux propos du leader de LFI, avant de renchérir quelques jours plus tard en titrant l’un de ses papiers : « Mélenchon : Macron face au « péril rouge ».

L’Express, de son côté, opte pour un ton plus mesuré, mais néanmoins sournois : « Universalisme, laïcité... Les oscillations de Jean-Luc Mélenchon ». Avant d’ajouter : « Il a longtemps clamé son attachement aux valeurs républicaines. On l’accuse de s’être trahi, lui-même dit qu’il a changé. Électoralisme dites-vous ? ».

D’une manière plus générale, durant cette campagne des législatives, plutôt que d’engager leurs journalistes dans la rédaction de papiers à charge contre la NUPES, les médias préfèrent offrir leurs colonnes à des intervenants ravis de s’en occuper à leur place :

- Marc Alpozzo sur Entreprendre intitule sa tribune : « Nupes : la dérive antidémocratique de la Gauche française ».

- Sud-Ouest donne la parole aux candidats socialistes dissidents : « Législatives en Dordogne : « Nous sommes des insoumis à la soumission aux Insoumis » ».

- Tout comme Libération : « Anti-Nupes, Carole Delga veut réformer le PS et propose « des États généraux de la gauche » ».

Même démarche du côté de l’intelligentzia des plateaux TV, ils sont nombreux à se bousculer pour faire un procès en anti-républicanisme à Mélénchon et/ou à la NUPES :

- Raphaël Enthoven : « Quand la NUPES aura implosé sous le poids de ses contradictions (c’est-à-dire bientôt), les électeurs se tourneront de nouveau, peut-être, vers les grandes figures de la gauche républicaine qui auront résisté à la danse du ventre d’un ogre. ».

- Éric Naulleau : « En tant qu’homme de gauche, je ne saurais voter pour un candidat qui se réclamerait de la NUPES (…). Pour moi la NUPES, c’est la gauche contre le peuple, c’est la gauche contre le progrès », « Moi je n’en veux pas à LFI d’essayer d’arriver au pouvoir au prix d’une démagogie... Si je leur en veux un peu parce que Jean-Luc Mélenchon était il y a très peu de temps un symbole républicain, un symbole laïcard, et maintenant c’est devenu un symbole de l’anti-République. Pour moi, c’est une longue dérive en dehors du champ républicain ».

- Caroline Fourest : « je pense que la vie politique serait plus claire si les formations assumaient ces clivages de fond, notamment ce qui sépare une gauche radicale, plutôt identitaire, hostile à l’Union européenne et à ses traités, et une gauche plus responsable, républicaine, laïque, universaliste. ».

- Olivier Marchal : « Mélenchon cet abruti », « ce mec est laid, il est laid à l’intérieur, c’est un usurpateur, c’est un espèce de tribun dangereux ».

Chez Les Républicains, dont le parti est en pleine déconfiture, pas le temps de s’enliser dans une communication à outrance sur le danger anti-républicain de Mélenchon, les cadres préfèrent miser sur le local et laisser de côté, pour le moment, les batailles d’étiquettes. Non sans tout de même prendre le temps de tacler dès que possible la gauche :

- Christian Jacob (LR) : Jean-Luc Mélenchon est « dans le même rôle que Marine Le Pen à l’élection présidentielle », c’est-à-dire « l’idiot utile d’Emmanuel Macron ».

- Laurent Wauquiez, au sujet du burkini autorisé dans les piscines de Grenoble par le maire écologiste rattaché à la NUPES, parle d’un « acte très grave en rupture avec les valeurs de la République qui me sont chères »

- Nadine Morano : « Je sais que M. Mélenchon est contre nos institutions », « ceux qui porteront ce label NUPES, c’est un label anti-flics », « il faut que ceux qui nous écoutent comprennent le désastre que porte M. Mélenchon », « d’ailleurs les socialistes qui se sont démarqués de cet accord, je trouve, se sont grandis ».

Les ex-éléphants du PS barrissent bruyamment contre la NUPES

Et le défilé ne s’arrête pas là. Sans surprise, le son de cloche est identique du côté des « ténors de la gauche », comprendre des ex-éléphants du PS, pourtant ostensiblement considérés comme obsolètes par l’électorat de gauche au vu de leurs derniers résultats lors des différents scrutins auxquels ils ont participé. Du moins, pour ceux qui osent encore se présenter :
- François Hollande, fin avril, pensait que « cet accord ne serait pas accepté » par le PS. Raté. Un accord jugé « inacceptable » par l’ancien président de la République qui avait appelé le PS à plutôt proposer une alliance aux écologistes et aux communistes, sans LFI.
- Bernard Cazeneuve considère qu’il est inconcevable de s’allier avec LFI. Il quitte donc le PS en précisant que : « en politique, la défaite n’explique pas tout ni ne peut tout justifier ». Il considère qu’en acceptant cette alliance, la direction du PS s’est perdue vis-à-vis « d’un socialisme républicain ».
- Pour Jean-Christophe Cambadélis : « Le PS a perdu son âme pour un plat de lentilles », en acceptant de « vendre nos convictions pour quelques circonscriptions ». Il ajoute qu’il est « hostile à cet accord depuis le premier jour. D’abord pour des raisons programmatiques. (…) parce que le programme de Mélenchon, c’est 3 sorties : la sortie de l’Europe, la sortie de l’Otan et la sortie de l’OMC. (…) C’est réduire la France à la Corée du Nord si on sort de l’OMC, qui est le seul pays, a peu près, qui est sorti de l’OMC ».
- Pour Manuel Valls : « il y a à gauche, et ça a toujours été comme ça, le mythe de l’union. L’union pour l’union ». Il met ensuite en garde tous ceux qui souhaiteraient rejoindre la NUPES : « Moi pour dire les choses clairement, mon adversaire dans cette campagne, ce sont les extrêmes, mais c’est le Mélenchonisme. Parce que tout candidat ; qu’il soit ex-socialiste, ex-écolo, écolo, socialiste ; tout candidat de cette union populaire, c’est un candidat mélenchoniste (…) Et voter pour un candidat mélenchoniste, dans cette circonscription où je suis candidat ou ailleurs, c’est voter pour un candidat qui est contre l’Europe, contre l’alliance-atlantique qui change profondément notre diplomatie, c’est voter contre la police et la sécurité », « tous les candidats de cette soit-disant union populaire sont des mélenchonistes pour que Jean-Luc Mélenchon soit premier ministre et applique ce programme. ».

François Hollande, l’ancien président de la République socialiste, est farouchement opposé à l’accord François Hollande, l’ancien président de la République socialiste, est farouchement opposé à l’accord En résumé, on retrouve ici des personnalités politiques issues du « vieux Parti socialiste ». Ces personnalités, à l’origine des pires scores électoraux de l’histoire d’un parti dont elles ont précipité la chute au point qu’il soit aujourd’hui considéré dans « un état de mort quasi-cérébrale », entendent donc aujourd’hui dicter la manière avec laquelle la politique devrait être menée par la gauche, au moment où celle-ci trouve pour la première fois depuis bien longtemps la voie de l’union... sans eux ?

Sur quelle légitimité ces ex-éléphants s’appuient-ils pour tenir ces propos ?

Comment font-ils pour émettre un jugement allant autant à l’inverse des désirs exprimés par ce qui semble être « tout le reste de la gauche » ?

Peut-être, tout simplement, parce qu’ils n’en font en plus partie.

- Un président Hollande qui avait articulé son discours de campagne autour de son ennemi : « la finance », mais qui lors de son quinquennat a largement contribué à l’émergence de lois néo-libérales sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, son jeune ministre de l’Économie (lois Macron et El Khomri en tête). Un président qui n’a même pas eu le cran de briguer un second mandat, tant le risque d’humiliation était grand.
- Bernard Cazeneuve, furtif Premier ministre de Hollande et ministre de l’Intérieur sous la même mandature, auquel le peuple de gauche reproche, entre autres, la bascule du pays dans un état d’urgence permanent depuis les attentats de 2015, ainsi que la mort de Rémi Fraisse à Sivens (81).
- Jean-Christophe Cambadélis, ex-Premier secrétaire du PS, vieil éléphant apparatchik entré au parti il y a 36 ans. Il traîne diverses casseroles derrière lui, comme celles d’emplois fictifs pour lesquels il a été condamné à de la prison avec sursis, ou encore celle où il est suspecté de détournement de fonds.
- Manuel Valls, alias « M. 5% ». Utilisateur névrotique du 49.3 pour faire passer les lois amorcées par Macron. Considéré comme un traître à gauche suite à la primaire de 2017 où il n’avait pas tenu son engagement de soutenir Benoît Hamon. Candidat officiellement investi par la macronie lors de ces élections législatives... et d’ores et déjà éliminé dès le premier tour, il n’a pas manqué de détermination pour essayer de faire réélire Macron (après avoir toutefois demandé son renvoi en 2016 lorsque ce-dernier n’était encore que son ministre de l’économie)... ou, à défaut, faire élire Pécresse. L’homme est si peu crédible qu’il est moqué jusqu’en Espagne.

Carton plein pour Manuel Valls Dessin d’Ara, pour FranceSoir Toutes ces personnalités politiques aux vestes réversibles ont été des « ténors du PS ». Toutes ont eu le loisir de gouverner et ont vu leurs politiques être profondément rejetées par un peuple de gauche dont elles se réclament pourtant toujours.

Si ces hommes politiques, dits de gauche, ne votent pas pour la gauche lors de cette élection, quel choix leur reste-t-il alors ?

Celui de Macron.

Un constat déjà établi de longue date, mais qui se révèle enfin au grand jour. Entre les « ténors » du PS et les électeurs de gauche, le divorce semble à présent définitivement consommé.

En définitive, c’est encore Manuel Valls qui résume le mieux les choses. Dans une tribune parue dans L’Express, le 29 avril dernier, il écrit : « Quelques heures d’une discussion, asymétrique, entre un parti républicain très affaibli et un parti extrémiste revigoré, dont la décence et la cohérence politiques auraient imposé qu’elle n’ait même pas lieu. Du côté du Parti socialiste, aucune idée sur la table, pas de ligne rouge, pas réellement d’exigences. Il s’agit de sauver des personnes, des circonscriptions, des finances. Voici que l’on se vassalise pour ne pas s’appauvrir, que l’on vend son âme pour ne pas perdre la face. ».

Vendre son âme, perdre la face, afin d’essayer de sauver sa personne, sa circonscription, ses finances, sans aucune idée sur la table, sans ligne rouge, ni réellement d’exigence, ce sont bien évidemment des choses avec lesquelles Manuel Valls n’est pas familier.

Si Manuel Valls a touché juste dans cette tribune, c’est à l’écriture de sa première phrase : « Quelques jours seulement ont suffi pour que les masques tombent à gauche. ». Un constat assez largement partagé en effet.

Le subterfuge est donc manifeste. La cible des Hollande, Valls, Cazeneuve, n’a en réalité jamais été Emmanuel Macron, mais bien Mélenchon depuis toujours. Tous participent à cette chasse commune, si bien que l’on peut considérer qu’un front républicain, aux fortes teintes bourgeoises, s’appuyant sur une alliance allant de l’extrême-droite aux ex-éléphants (esseulés) du PS, est bel et bien en train de voir le jour en ciblant ouvertement la seule véritable force de gauche actuellement présente dans le paysage politique français.

Et de ce nouvel état de fait, la NUPES a conscience. Ses représentants vont d’abord s’en amuser en moquant ce que leur nouvelle union semble provoquer comme peur chez leurs adversaires.

La moquerie s’estompe vite en revanche lorsque la polémique autour de Taha Bouhafs prend de l’ampleur. Une affaire qui a rapidement secoué la jeune alliance. Alimentée d’abord en interne par un Fabien Roussel farouchement résolu à éjecter le jeune postulant à la députation, le camp d’en face ne rêvait quant à lui pas de meilleur sujet pour pouvoir taper à l’unisson sur la NUPES et sur son journaliste-militant, à qui il est reproché une agression sexuelle et une condamnation pour injure publique, pour laquelle il a fait appel. Un os à ronger idyllique pour ce front républicain « version législatives 2022 » qui peut alors allègrement orienter sa communication sur l’anti-républicanisme de Bouhafs, et donc par extension, de Mélenchon et de « cette gauche-là » en général.

Face à la vindicte grandissante, les cadres de LFI seront forcés de monter au créneau et de sortir les crocs dans la presse, tandis que Taha Bouhafs, de son côté, a décidé de retirer sa candidature pour faire taire la polémique.

L’étiquette NUPES recalée par Beauvau, Ensemble ! validé L’affaire Taha Bouhafs s’estompant peu à peu, c’est un autre sujet qui domine l’actualité et que ne va plus du tout faire rire les membres de cette nouvelle alliance de gauche. En effet, suite à une circulaire, le ministère de l’intérieur a décidé de lui refuser l’étiquette NUPES, en prétextant une obscure raison de couleurs politiques, alors que dans le même temps il a validé celle d’Ensemble !. C’est-à-dire qu’il n’est pas possible pour les candidats NUPES issus du PS, du PCF, de LFI, de EELV ou autres, d’être référencés sous cette étiquette, quand les candidats de Renaissance, du Modem et tous les autres satellites de la macronie, eux, le pourront sous celle d’Ensemble !.

Conséquence directe : le soir du premier tour des législatives, plutôt que de voir le score de chaque candidat regroupé sous une même étiquette de gauche, ils seront tous comptés séparément. Là où les chiffres de la majorité présidentielle seront, eux, dénombrés Ensemble !.

Un tour de passe-passe qui a fortement agacé la coalition de gauche. Un recours a été déposé au Conseil d’État, qui a depuis donné raison à la NUPES. La coalition de gauche pourra donc finalement bien se ranger derrière une seule et même étiquette. En attendant, Mélenchon, à défaut de questionner – pour ne pas dire incarner – la République, s’est tout de même interrogé sur la vitalité de la démocratie française : « Effacer ses adversaires du tableau des résultats, est-ce encore la démocratie ? ».

Manuel Bompard (LFI/NUPES), sur Twitter, entend répondre point par point au ministère de l’Intérieur. Il ne comprend notamment pas la différence de traitement entre NUPES et Ensemble ! : « Selon la circulaire, "cela tend à démontrer la volonté pour ces candidats de rester attachés à leur parti d’origine". Pourtant LREM et le MoDem n’ont pas fusionné. Ils ont chacun investi des candidats selon leurs règles propres. Pourquoi cet argument ne leur est-il pas appliqué ? ».

Finalement, face à cette restructuration de la gauche, tous les coups sont permis. Les lances à incendie ont été sorties, tant du côté du RN que de celui de la macronie. Les deux courants ont visiblement décidé d’attaquer conjointement et de plein fouet l’adversaire le plus dangereux à leurs yeux : la NUPES.

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Macron – Le Pen contre Mélenchon Source : Francesoir.fr https://www.francesoir.fr/politique...

** Partie 3

Un front républicain « macroniste-lepéniste » en marche contre la gauche [3/5] Auteur(s) Wolf Wagner, journaliste indépendant pour FranceSoir Publié le 10 juin 2022 - 20:06 Image [Voir photo sur le site : Emmanuel Macron reçoit Marine Le Pen à l’Elysée, le 6 février 2019 dans le cadre du ’grand débat national’.] mmanuel Macron et Marine Le Pen, deux figures politiques aux intérêts fluctuants

En réalité, dans cette grande farce politique à laquelle nous assistons durant cette campagne, le seul véritable enjeu pour ce « front républicain aux fortes teintes bourgeoises » consiste à garder dans son giron une famille politique bien spécifique : celle des sociaux-démocrates et des bourgeois de gauche. Le reste des électeurs ayant déjà des convictions suffisamment marquées pour ne pas être indécis, toute la stratégie de communication médiatique actuellement mise en place ne vise que cette classe sociale bien précise.

En effet, cette partie de l’électorat – qui se pense foncièrement en individus de gauche, mais qui oscille souvent entre son attachement à une politique sociale et son attrait addictif pour des politiques plus libérales – pourrait cette fois être tentée de rejoindre la radicale NUPES. Un ralliement qui serait synonyme de perte de voix pour la macronie, tant, à l’origine, elle est arrivée au pouvoir grâce à une OPA sur le PS et à la mobilisation derrière elle des anciens fidèles de ce parti que sont principalement les bourgeois de gauche et les sociaux-démocrates. Un électorat qui depuis s’est largement éparpillé entre écologistes, LFI, Génération.s et soutiens d’Hidalgo.

En ce sens, les déclarations de Hollande et de Cazeneuve n’ont eu que pour seul objectif de parler à cette gauche-là, afin de la « rapatrier », autant que possible, vers la majorité présidentielle.

Même constat après la nomination de Pap Ndiaye au sein du gouvernement d’Élisabeth Borne. Volonté ostensible de la macronie de gauchiser ses ministres avant le scrutin. Sans aucune assurance de longévité pour les intéressés, puisque les ministères ont battu des records de changement de mains au cours des cinq dernières années. François Bayrou, éphémère Garde desSceaux... justement rattrapé par une affaire de justice pourrait en témoigner mieux que quiconque.

La droite ose (enfin) parler clairement d’un front républicain contre la gauche Si la référence récurrente « aux valeurs républicaines » ou « anti-républicaines » se multiplient autant lors des prises de parole des personnalités issues du « vieux Parti socialiste », du Rassemblement national et de la macronie, la très grande majorité d’entre elles se refusent néanmoins (encore) à s’inscrire explicitement dans le cadre d’un « front républicain » pour qualifier leur croisade commune contre la NUPES.

* [L’appel à un front « républicain » anti –NUPES se révèle]

Pour débusquer ceux qui osent franchir le pas, il faut se tourner vers une position plus centrale au sein du bloc de droite, située entre macronistes et lepénistes. Là où les figures LR toujours en poste (Jacob, Bertrand, Dati, Wauquiez) sont plutôt restées distantes quant au procès en anti-républicanisme fait à la NUPES, d’autres personnalités plus en retrait, elles, ne se sont pas privées pour appeler purement et simplement à un « front républicain » contre la gauche.

À commencer par Christine Boutin. Retirée de la vie politique depuis 2017 et connue pour son appartenance à une « droite catholique » et conservatrice, elle est la première à avoir fait sauter le tabou. Dans une tribune parue le 4 mai dernier dans les colonnes du Figaro, elle se demande clairement : « Pourquoi le “front républicain” ne s’applique qu’à la droite ? ».

La question est enfin posée !

Une semaine plus tard, Luc Ferry s’engouffre dans la brèche et propose son analyse dans une chronique également parue dans Le Figaro. Ancien ministre de l’Éducation nationale sous la présidence de Jacques Chirac et fervent habitué des sorties provocantes (il avait notamment appelé les forces de l’ordre à tirer « à balles réelles » sur les Gilets jaunes les plus violents), lui, qui a toujours dénoncé le danger du centrisme comme causalité de la recrudescence des partis extrémistes, désire voir évoluer la notion de front républicain. Il écrit : « Pourquoi le « front républicain » est-il réservé au RN et pas destiné au moins autant à faire barrage à l’extrême gauche ? La France insoumise, c’est le PCF des années 1950 + l’islamogauchisme, autrement dit ce qu’on peut faire de plus hostile à la vie économique et à l’identité nationale. ».

Luc Ferry a le mérite de dire tout haut ce que les prétendus adversaires d’hier – extrême-droite, droite et centre – pensent tout bas. En résumé, ce à quoi aspire Ferry en écrivant cette chronique, c’est que la droite prenne conscience du danger « islamo-gauchiste » que fait peser la NUPES sur « la vie économique » et sur « l’identité nationale », mais surtout et avant tout, en se référant au PCF des années 50, il souhaite que tous les indécis de gauche, a fortiori les bourgeois et les sociaux-démocrates, craignent la menace stalinienne de Mélenchon et votent plutôt en faveur de son camp, qu’il s’agisse de celui des Républicains, sa famille politique, ou, au pire, par défaut, de celui de Macron.

Sans que cela ne soit exhaustif, dans le jargon populaire de droite, on a tendance à qualifier le « camp » défendu ici par Ferry « d’État profond », tandis que dans celui de gauche il est plutôt qualifié de « bloc bourgeois » et/ou capitaliste. Quels que soient les termes retenus, les peuples de gauche et de droite se retrouvent finalement au moins sur un point, ils sont, comme tente de le faire Ferry avec ce texte, continuellement instrumentalisés par le bloc bourgeois, ou l’État profond, pour faire barrage coûte que coûte aux radicaux de leur propre famille politique, comme à ceux du camp d’en face.

« Le communisme autoritaire dont LFI est aujourd’hui l’héritière » Le choix des mots ne souffre d’ailleurs d’aucun doute quant à la cible visée par Ferry lorsqu’il dit : « En se couchant devant Mélenchon, Olivier Faure a achevé de tuer son parti. Pour comprendre en quoi ce reniement est indigne, en quoi il met fin à la longue histoire de ceux qui, bien que de gauche, ont résisté au totalitarisme, ce n’est pas à Blum qu’il faut remonter, mais à Jaurès et à sa critique du marxisme.

[Quand il est question de Jaurès]

Bien avant Blum et son fameux discours de Tours (1920), qui marquait la rupture avec Lénine, c’est en effet dans un lumineux article de 1901 intitulé « Questions de méthode » que Jaurès rompt avec le Manifeste du Parti communiste. Il y développe une critique qui va puissamment contribuer à fonder la différence entre le socialisme démocratique et le communisme autoritaire, dont LFI est aujourd’hui l’héritière jusque dans ses sympathies pour Moscou. ».

En cherchant à différencier « socialisme démocratique » et « communisme autoritaire, dont LFI est aujourd’hui l’héritière », en accusant Olivier Faure « d’avoir tué son parti » et de s’être rendu coupable d’un « reniement indigne » – comprendre par là qu’en incorporant le PS à la NUPES, il aurait décidé de délaisser l’héritage de Jaurès pour se tourner vers celui de Marx – le philosophe joue à fond la carte de la peur et entend rappeler le droit chemin historique qu’il convient de suivre lorsque l’on se réclame de « la vraie gauche républicaine »... bourgeoise.

En somme, une gauche idéalisée, manichéenne et anachronique, qu’il s’agisse de Jaurès ou de Marx, et qui se devrait d’être telle que Luc Ferry se la conceptualise 120 ans plus tard dans un contexte politique différent. Lui, l’homme de droite.

Journal connu pour sa ligne éditoriale proche de la macronie, L’Express offre ses colonnes à l’économiste Nicolas Bouzou, afin qu’il poursuive l’analyse de Luc Ferry. Libéral convaincu et allié idéologique patenté du président en place, il titre sa chronique : « Non, le programme de la NUPES n’est pas celui du Front populaire ».

Pour Bouzou, aucun doute : « La NUPES n’est pas le Front populaire car Mélenchon, malheureusement pour lui et pour la France, n’est pas Blum. Léon Blum, viscéralement antinationaliste (à la différence de Mélenchon) voulait faire entrer le socialisme dans une culture de gouvernement. ». Il ajoute : « Luc Ferry a montré récemment dans Le Figaro que la "modération" de Blum prenait ses racines dans le texte de Jaurès, Question de méthode, publié vingt ans plus tôt. Jaurès y rompt avec le marxisme, reconnaissant que ce n’est pas de l’appauvrissement du prolétariat prophétisé par Marx que viendra le progrès social mais de la diffusion des Lumières (des valeurs bourgeoises pour les marxistes). ».

La ficelle est grosse, mais Nicolas Bouzou n’a pas peur de s’y essayer. L’économiste surfe ainsi sur le raisonnement de Luc Ferry pour tenter de renchérir sur le danger bolchevik de Mélenchon.

Sauf que ce raisonnement, initié par Ferry et développé par Bouzou, est tout bonnement fallacieux.

Effective repos ment, Jaurès reprochait bien à Marx de prôner l’appauvrissement du prolétariat pour tendre vers le progrès social, mais vouloir, par ce rappel historique, incriminer Mélenchon de suivre la méthode marxiste plutôt que de celle de Jaurès relève de la malhonnêteté intellectuelle.

Quand Ferry et Bouzou s’arrangent avec l’Histoire En effet, extraire une idée de son contexte, qui plus est d’un long texte du type de celui de Jaurès, permet de lui faire dire à peu près tout ce que l’on souhaite.

Pour comprendre pourquoi les propos de Ferry et de Bouzou sont malhonnêtes et pour saisir ce que reprochait réellement Jaurès à Marx, il n’y a pas d’autre choix que celui de reprendre dans le détail l’article de Jean Jaurès de 1901 et d’en faire l’analyse.

Le texte auquel se réfère Ferry correspond en fait à un échange entre Jean Jaurès et Charles Péguy. Le premier publie un recueil d’articles Études Socialistes qu’il avait préalablement fait paraître séparément dans La Petite République. Le texte de Jaurès correspond à l’introduction de son recueil qu’il intitule : Question de méthode et que Péguy propose aux abonnés de sa revue : Cahiers de la Quinzaine. Par ce biais, Jaurès exprime pourquoi il se démarque de la vision marxiste.

Au sujet de la méthode préconisée par Marx, Jaurès écrit : « Il comptait à la fois, pour susciter la dictature de classe du prolétariat, sur l’avènement politique révolutionnaire de la bourgeoisie et sur sa chute économique. De lui-même, un jour, sous l’action toujours plus intense et plus fréquente des crises déchaînées par lui, et par l’épuisement de misère auquel il aurait réduit les exploités, le capitalisme devait succomber. »

Jaurès se questionne sur ce qu’il estime être des contradictions dans cette méthode : « dans quelle mesure Marx a-t-il admis que l’organisation économique et politique des prolétaires faisait échec à la tendance de paupérisation qui est, selon lui, la loi même du capitalisme ? »

« Dans une mesure très faible », répond-il, « il semble bien que leur union dans le combat est le seul bénéfice substantiel qu’ils retirent du combat même. (…) Mais en fait, et dans le fond même de leur vie actuelle, ils subissent, en n’y opposant que de trop faibles contrepoids, la loi de paupérisation prolétarienne. ».

Jaurès poursuit : « Les améliorations concrètes obtenues par l’effort ouvrier ne compensent qu’imparfaitement la dépréciation concrète que subit la vie ouvrière par la loi de la production bourgeoise. Dans le conflit des tendances qui se disputent le prolétariat, la tendance déprimante a la primauté dans le présent ; c’est elle surtout qui agit sur la condition réelle de la classe ouvrière. ».

C’est là la critique principale de Jaurès envers Marx. Plus qu’une opposition sur l’héritage des Lumières, pour Jaurès, la méthode marxiste visant à appauvrir le prolétariat en attendant l’avènement d’une révolution bourgeoise pour imposer une dictature prolétaire ne déboucherait pas sur le progrès social du monde ouvrier, mais sur sa souffrance quotidienne. Les Cahiers de la Quinzaine, revue fondée et dirigée par Charles Péguy, où a été publié le recueil d’articles de Jaurès

** Partie 4

Un front républicain macroniste-lepéniste en marche contre la gauche https://www.francesoir.fr/politique... repos En Histoire, comparaison n’est pas raison... S’il est important de s’en nourrir, il serait dans tous les cas malvenu de vouloir observer notre réalité politique au travers du regard passéiste de Jaurès ou de Marx. Nul doute qu’ils penseraient différemment le monde actuel et sortiraient, au moins en partie, de leurs visions cultivées à leurs époques pour a minima les adapter à la nôtre.

C’est d’ailleurs l’une des premières critiques que formule Jaurès à l’égard de la méthode marxiste. Il considère la vision marxiste du milieu du XIXe siècle comme anachronique avec la politique contemporaine à laquelle faisaient face Jaurès et Péguy au début du XXe siècle : « s’il y a dans notre parti incertitude et malaise, c’est parce qu’il associe en des mélanges confus les méthodes en partie surannées que nos maîtres nous ont léguées, et les nécessités mal formulées encore des temps nouveaux. ».

Il est envisageable de penser que Jaurès tirerait certainement les mêmes conclusions aujourd’hui au sujet de ceux qui en 2022 essaient, pour convaincre leur lectorat, d’observer leur réalité à travers l’œil des Lumières et/ou de Jaurès lui-même... tant les méthodes de ces-derniers sont aujourd’hui « en partie surannées » et que « les nécessités » de nos « temps nouveaux » sont encore « mal formulées ».

…même si Marx, Jaurès, Blum et Mélenchon seraient tous tombés d’accord sur un point Par ailleurs, s’il y a une chose sur laquelle on peut miser sans prendre le risque de se tromper, c’est que Marx, Jaurès, Blum et Mélenchon seraient tous tombés d’accord sur un point : la bourgeoisie cherchera toujours à conserver le pouvoir pour protéger ses intérêts et maintenir son rapport de force sur le reste de la population.

La farce politique à laquelle nous assistons au sujet de ce front républicain à géométrie variable – hier avec LFI face au RN et aujourd’hui avec le RN face à la NUPES – s’inscrit d’ailleurs dans cette continuité. Elle est l’exemple idoine de ce combat mené par ce bloc bourgeois, dès lors qu’il sent son pouvoir institutionnel menacé. Cazeneuve, Valls, Hollande, Ferry, Bouzou, Enthoven, Naulleau, ont tous en commun ce rapport de classe qui aveugle leurs convictions et leur lucidité politiques.

Et quand Bouzou oppose à la méthode marxiste les valeurs des Lumières, considérées comme bourgeoises par Marx (mais aussi indiscutablement par Ferry et par lui-même), il ne fait là, lui aussi, rien d’autre que du sophisme. Il se perd dans l’anachronisme de l’analogie de Ferry en se basant sur des préceptes erronés.

En effet, dans le contexte historique de l’époque des Lumières, la bourgeoisie, avec la noblesse et le clergé, était la seule à pouvoir accéder au savoir. Si au XVIIIe siècle le prolétariat avait disposé des mêmes conditions de vie et de subsistance que la classe bourgeoise, s’il avait ne serait-ce que disposé d’un accès décent aux savoirs et aux richesses, s’il avait disposé d’un temps de loisirs plus conséquent au regard de son temps de travail, alors l’origine des Lumières n’aurait pas été déterminée à l’appartenance à une classe sociale particulière, mais à la seule qualité éducationnelle reçue par un individu et à ses capacités personnelles à pouvoir s’élever philosophiquement et politiquement.

C’est parce que Rousseau ou Voltaire, Jaurès ou Clemenceau, ont eu accès à un enseignement bourgeois et à une position sociale privilégiée qu’ils ont pu, en matière de philosophie et/ou de politique, devenir des acteurs essentiels de leur époque.

Pour combien de leurs contemporains potentiellement clones intellectuels de Montesquieu, de Chateaubriand ou de Sadi-Carnot qui, eux, nés prolétaires, n’ont pas eu l’opportunité d’exercer leur talent, faute d’élévation sociale possible ?

Ce n’est ni la philosophie ni le savoir qui sont bourgeois, mais uniquement ceux qui se les sont accaparés... et qui entendent ne pas les partager. Et l’émergence d’un penseur comme Marx, avec tout l’extrémisme qui le caractérise, n’est rien d’autre que la conséquence de cet état fait.

François-Marie Arouet, dit Voltaire, et Jean-Jacques Rousseau François-Marie Arouet, dit Voltaire, et Jean-Jacques Rousseau Or – de l’école publique à l’avènement d’internet en passant par le suffrage universel généralisé à l’ensemble des citoyens majeurs – depuis la donne a en partie changé.

Aussi effrayante soit la nouvelle pour Bouzou et Ferry, les Lumières, et les concepts philosophiques qui en ont résulté et qui continueront d’en découler, ne sont plus de nos jours l’exclusif apanage de la bourgeoisie et de l’héritage qu’elle entend gracieusement offrir, elles peuvent à présent tout aussi bien s’allumer depuis un monde prolétaire bien plus savant qu’il y a deux ou trois siècles. Les Voltaire, Rousseau, et autre Montesquieu du XXIe siècle peuvent aujourd’hui tout à fait naître en dehors de la bourgeoisie, et y demeurer, sans que cela ne soit un frein rédhibitoire à leur élévation philosophique. Idem pour les futurs Jaurès.

C’est-à-dire des hommes et des femmes capables de faire tendre le prolétariat, et le peuple de manière plus globale, vers le progrès social sans avoir nécessairement besoin de s’inscrire dans la lignée pure et dure du marxisme, ni sans pour autant devoir subir le diktat des (valeurs) bourgeois(es) au sujet de la radicalité qui les anime.

C’est ce que Jaurès appelait de ses vœux lorsqu’il écrivait : « D’abord, le prolétariat plus fort ne compte plus sur la faveur d’une révolution bourgeoise. C’est par sa force propre et au nom de son idée propre qu’il veut agir sur la démocratie. Il ne guette pas une révolution bourgeoise pour jeter la bourgeoisie à bas de sa révolution comme on renverse un cavalier pour s’emparer de sa monture. Il a son organisation à lui, sa puissance à lui. (…) Il a par le suffrage universel et la démocratie une force légale indéfiniment extensible. »

La rupture irréconciliable entre « la gauche des ex-éléphants » et celle du peuple est d’ailleurs une conséquence directe de cette nouvelle donne contemporaine. Pour tendre vers le progrès social, entre la dépendance à des valeurs bourgeoises et la défense de l’intérêt populaire, la gauche électorale de 2022 semble avoir fait son choix.

D’autant que la part de prolétaires au sein de la société française n’a cessé de diminuer entre le milieu du XIXe siècle, au moment où Marx propose sa méthode, le début du XXe, quand Jaurès en fait la critique, et au premier quart du XXIe siècle, quand Bouzou et Ferry se réfèrent à un contexte historique et politique révolu.

Effectivement, les Lumières ont participé à l’avènement d’une révolution française à laquelle les philosophes de l’époque aspiraient eux-mêmes en tant que bourgeois dans un contexte politique dominé par la noblesse.

Tout comme la Commune de Paris ou Marx ont aspiré au renversement du contexte politique de leur époque dominé cette fois par la bourgeoisie.

Puis, l’eau a coulé sous les ponts. Puis, Jaurès est arrivé, puis Blum, puis Mélenchon... puis Ferry, puis Bouzou.

La Commune de Paris massacrée au nom de valeurs bourgeoises À ce titre, une partie de la supercherie dialectique employée par Bouzou et Ferry revient à mettre en avant l’héritage commun des Lumières et de Jaurès – et donc indirectement celui des valeurs bourgeoises face au marxisme des prolétaires – sans prendre le temps d’expliciter la naissance de la IIIe République.

Ce régime, qui a justement vu émerger Jaurès et Blum, s’est construit une légitimité sur le massacre des Communards au nom précisément d’un ordre bourgeois qu’il fallait absolument préserver face à la menace prolétarienne. Il s’agissait alors de démontrer que ce jeune régime – qui en un peu plus de 80 ans faisait suite à deux républiques, deux empires et deux monarchies... période pendant laquelle Marx a maintes fois été chassé de Paris – était capable, s’il voulait perdurer, de tuer toute velléité de soulèvement populaire et/ou de révolution de la gauche française. Quitte à ce que le chef du pouvoir exécutif de l’époque, Adolphe Thiers, aille jusqu’à pactiser avec Bismarck, l’ennemi prussien toujours présent sur le territoire national malgré l’armistice signé et dont les troupes bloquaient les sorties Est de Paris. En les enfermant face aux Versaillais situés dans la capitale à l’ouest de leurs positions, les forces prussiennes ont ainsi sciemment favorisé le massacre des Communards pris en étau entre les deux armées (ndla : cf. entre autres les travaux de Henri Guillemin sur le sujet).

À cette époque, ces « valeurs bourgeoises », aux intérêts communs menacés, avaient su dépasser les frontières nationales afin de mater dans le sang une insurrection populaire pourtant purement franco-française. N’en déplaise à Nicolas Bouzou ou à Ferry qui espéraient voir les forces de l’ordre user de leurs armes à feu sur les Gilets Jaunes, l’histoire de la bourgeoisie et l’héritage qu’elle a légué au peuple français ne se parcourent pas qu’en sens unique. La Commune de Paris est là pour nous aider à nous en souvenir.

Et en 2022, comme en 1871, « tout sauf les prolos au pouvoir » semble toujours être le leitmotiv suprême de ce bloc bourgeois apeuré face au « Rouge Mélenchon » et face à l’idée de perdre le contrôle total sur ses intérêts, sur ses privilèges... ainsi que sur la diffusion de ses valeurs. Affiche de propagande de la Commune de Paris du 23 mai 1871, durant la « semaine sanglante », à l’attention des soldats versaillais Affiche de propagande de la Commune de Paris du 23 mai 1871, durant la « semaine sanglante », à l’attention des soldats versaillais. Pour en conclure avec le raisonnement de Ferry relayé par l’économiste, il convient au final d’objecter que, contrairement aux souhaits de Marx, et sans trahir l’esprit de Jaurès qui leur est si cher, si au XXIe siècle le progrès social ne naîtra vraisemblablement pas de l’appauvrissement du prolétariat, il ne viendra pas non plus de l’enrichissement de la bourgeoisie, mais plutôt de la somme des richesses dont pourra jouir au sein d’une démocratie chaque individu... toutes classes sociales existantes confondues.

Edgar Morin, philosophe et sociologue communiste de notre époque, bien plus légitime aux yeux du peuple de gauche (républicain) que le concert de personnalités actuel entendu précédemment, plaidait justement dans le sens de cette union des genres et des antagonismes de manière à renouveler la façon de faire de la politique et la manière de construire la gauche.

Une vision qu’il a notamment défendue dans l’avant-propos de son livre Ma gauche, relayé par Le Monde en 2010 : « j’ai toujours combattu le « la » sclérosant et menteur de la gauche, tout en reconnaissant l’unité des sources et aspirations. Les aspirations à un monde meilleur se sont toujours fondées sur l’œuvre de penseurs. Les Lumières de Voltaire et Diderot, jointes aux idées antagonistes de Rousseau, ont irrigué 1789. Marx a été le penseur formidable qui a inspiré à la fois la social-démocratie et le communisme, jusqu’à ce que la social-démocratie devienne réformiste. Proudhon a été l’inspirateur d’un socialisme non marxiste. Bakounine et Kropotkine ont été les inspirateurs des courants libertaires. ».

Pour Edgar Morin ces multiples sources d’inspirations ne sont pas à mettre en opposition, mais sont au contraire toutes complémentaires, Lumières incluses. La gauche doit selon le philosophe se sentir bénéficiaire de cet héritage commun en acceptant ses différences, de telle sorte à pourvoir ensuite tendre vers l’union politique des humanistes.

À une différence notable toutefois par rapport à la construction des coalitions électorales actuelles : pour Edgar Morin, ce processus ne pourra voir le jour que grâce à la « décomposition des structures partidaires existantes ».

En effet, pour y parvenir, Edgar Morin préconise de préparer « un nouveau commencement en reliant les trois souches (libertaire, socialiste, communiste), en y ajoutant la souche écologique en une tétralogie. Cela implique évidemment la décomposition des structures partidaires existantes, une grande recomposition selon une formule ample et ouverte, l’apport d’une pensée politique régénérée. »

Une nouvelle voie politique proposée par le philosophe qui ose donc davantage l’idée de tendre vers un front démocrate et citoyen moderne, plutôt que vers un front républicain construit autour de valeurs bourgeoises et de préceptes anciens et conservateurs.

Aurore Bergé, ou la quintessence de la mise en application de la stratégie de communication de la macronie De son côté, Aurore Bergé, bien loin de se poser toutes ces questions philosophiques et politiques, n’hésite pas, au contraire, à poursuivre sur la lancée de Ferry et de Bouzou en adoptant la même stratégie discursive.

En effet, lors d’un entretien accordé à CNews le 6 mai dernier, elle déclarait : « Ce n’est pas mon histoire politique celle du Parti Socialiste, mais on a assisté finalement, en à peine quelques jours, à une liquidation d’héritage sans précédent (…) et à une dissolution, certains au sein du Parti socialiste ont dit « reddition », en faveur d’idées et de valeurs qui pourtant, normalement, ne sont pas celles du Parti socialiste. (…) Je pense notamment aux valeurs républicaines, qui sont les leurs. ».

Elle poursuit sur Jean-Luc Mélenchon : « Je pense qu’il est dangereux au regard du projet politique qu’il porte, qu’il a porté, pendant la campagne présidentielle. À la fois dangereux sur le plan économique (…). Dangereux aussi d’un point de vue républicain, on le voit dans les candidats qu’il est en train d’investir. (…) Je crois qu’il n’y a pas d’ambiguïté, je crois qu’il a un projet politique pour le coup qui est très clair, et qui n’est plus celui qu’il a d’ailleurs porté au début au sein du Parti socialiste ».

Aurore Bergé, candidate dans la dixième circonscription des Yvelines © Ludovic MARIN / AFP/Archives Aurore Bergé, candidate dans la dixième circonscription des Yvelines © Ludovic MARIN / AFP/Archives Pour Aurore Bergé, la preuve que le peuple ne voudra pas de cette gauche-là, c’est que Macron est arrivé en tête de la présidentielle : « Ce n’est pas [le] projet politique [de Mélenchon] que les français ont retenu et ont placé, contrairement au notre, en tête du 1er tour de l’élection présidentielle et qui a réussi à convaincre une majorité au second tour. Donc, je crois que par cohérence les français voudront donner une majorité au président de la République, je crois qu’on a des défis bien trop grands pour prendre le risque de l’instabilité ».

Aurore Bergé va ponctuer son propos sur un sans-faute en usant de tous les éléments de langage déjà précédemment mis en avant par son camp. Elle décide d’en remettre une dernière couche pour démontrer qu’Ensemble ! représente bien mieux les valeurs de gauche que ne peut le faire la NUPES : « je crois que si l’on veut rassembler le pays, si l’on veut unir le pays, les valeurs républicaines, universalistes et laïques qui sont les nôtres, sont celles qui sont justement le ciment de ce qui peut nous rassembler, et qui rassemble du président de la République à Bernard Cazeneuve. Encore une fois, des grandes figures qui, elles, portent ces valeurs là ».

Elle précise que la majorité présentielle est d’ores et déjà sensible aux préoccupations de l’électorat de gauche : « On a des enjeux majeurs de pouvoir d’achat (…), je souhaite que l’on puisse accompagner les ménages les plus fragiles, que l’on puisse avancer sur la question du handicap, qu’on puisse aussi avancer sur les enjeux de transition écologique ; mais sans solder le nucléaire comme le veux l’extrême-gauche ; et pour ça il faut que l’on ait une majorité ».

Tout le monde l’a compris, Aurore Bergé exhibe une cape sociale-démocrate face au supposé danger stalinien de la NUPES.

Un discours anti-NUPES assumé, asséné, relayé et entendu Les objectifs de communication envers la gauche réalisés, la candidate dans la dixième circonscription des Yvelines va ensuite, sans sourcilier, pouvoir radicalement changer son fusil d’épaule en essayant, dans un second temps, de séduire les électeurs de droite.

En effet, juste après avoir clairement défendu les valeurs de gauche qui animeraient son camp politique (pouvoir d’achat, fragilité, handicap, écologie), Aurore Bergé va finalement reconnaître que la majorité présidentielle est en fait devenue formellement de droite, et qu’il serait donc logique que ses électeurs votent pour Renaissance : « Aujourd’hui, la principale opposition à l’Assemblée nationale, c’était le parti Les Républicains. Parti qui n’a même pas réussi à avoir 5% des voix au moment de l’élection présidentielle, parce que je pense que les électeurs de droite ont été convaincus par le projet que nous avons mis en place pendant cinq ans et le projet que nous avons porté aussi de réformes, de continuer à transformer le pays au moment de la présidentielle. Donc là encore je crois que les électeurs de droite, il n’y a aucune raison qu’ils ne viennent pas nous soutenir au moment des élections législatives ».

Il fallait oser, mais la boucle est bouclée ! Dans un premier temps, elle met en avant le « vrai PS », son héritage et les « grandes figures » politiques, « du président de la République à Bernard Cazeneuve », garantes des « valeurs républicaines », dans le but de démontrer à quel point la NUPES représente une gauche aux valeurs inversées – et donc que la voix de la raison appelle immanquablement à se ranger aux côtés d’une macronie à la sensibilité sociale-démocrate – avant, dans la foulée, d’assumer que la majorité présidentielle a fait des réformes de droite durant 5 ans, au point d’être plus légitime que Les Républicains pour les poursuivre. Avec, en fond, le souhait de voir les LR connaître un parcours similaire à celui du PS, à savoir, que le parti soit à terme absorber purement et simplement par la majorité présidentielle.

Pas un mot en revanche sur le Rassemblement national... La macronie ne s’y trompe pas, elle sait reconnaître ses ennemis.

Draguer à droite et à gauche, en décrédibilisant les LR et la NUPES, tout en ménageant le RN : Bingo ! Quitte à sombrer dans la schizophrénie politique, Aurore Bergé aura réussi lors de cette interview à cocher toutes les cases de la stratégie de communication actuellement en vigueur en macronie.

Et le message délivré par toutes ces personnalités politiques et médiatiques semble avoir été entendu par une partie de l’électorat-cible. En témoigne la prise de parole d’Anne, auditrice des Grandes gueules sur RMC, qui souhaitait répondre à la question posée par l’émission : « Législatives : possible victoire de la gauche ? ».

Anne n’est pas d’accord : « Victoire de la gauche ? Non, c’est pas la gauche ! C’est l’extrême-gauche ! Donc déjà il faut savoir de quoi on parle, et je fus de gauche, donc plutôt la gauche qui a disparu (sic) : sociale, universaliste, pour la laïcité et pour le pragmatisme, et la réalité économique ». Sans toutefois développer ce qu’elle reproche précisément à la coalition de gauche, pas question pour Anne de voter NUPES car « ils ont perdu leurs fondamentaux ».

Durant son passage à l’antenne, Anne en a donc profité pour se confesser. Elle a tenu à préciser qu’elle « fut de gauche », mais estime dorénavant que sa gauche à elle est « morte », elle se sent donc à présent plus proche du pouvoir en place que de la NUPES.

Ce témoignage, d’une personne qui se qualifie elle-même de « passionnée de politique », est symptomatique des éléments de langage que souhaite asséner, et voir être répétés, ce « front républicain à la sauce législatives 2022 ». C’est précisément ce raisonnement que la macronie, et l’extrême-droite, souhaite que cet électorat-là intègre. Qu’il comprenne, en somme, qu’il n’est plus de « gauche » et que sa famille politique se situe à présent du côté des néo-libéraux qui, le temps d’un scrutin une fois tous les 5 ans, savent se grimer en rouge et noir en faisant mine de se préoccuper des questions sociales.

C’est aussi précisément ainsi que la macronie souhaite voir son narratif être relayé par les médias, exactement comme le fait ici l’émission des Grandes Gueules en choisissant de diffuser, à plus grande échelle sur son Twitter, ce témoignage-là plutôt qu’un autre. * Être de gauche : « c’est se ressourcer dans une multiple racine : libertaire, socialiste, communiste et désormais écologique » En passant à l’antenne, Anne a mis, sans le vouloir, la lumière sur une vraie question politique existentielle : de nos jours, « qu’est ce qu’être de gauche ? ».

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Une question à laquelle avait précisément tenu à répondre Edgar Morin dans une interview accordée à La Tribune en 2016 :

« À mes yeux, c’est se ressourcer dans une multiple racine : libertaire (épanouir l’individu), socialiste (amélioration de la société), communiste (communauté et fraternité), et désormais écologique afin de nouer une relation nouvelle à la nature. Être de gauche, c’est, également, rechercher l’épanouissement de l’individu, et être conscient que l’on n’est qu’une infime parcelle d’un gigantesque continuum qui a pour nom humanité. L’humanité est une aventure, et "être de gauche" invite à prendre part à cette aventure inouïe avec humilité, considération, bienveillance, exigence, créativité, altruisme et justice. Être de gauche, c’est aussi avoir le sens de l’humiliation et l’horreur de la cruauté, ce qui permet la compréhension de toutes les formes de misère, y compris sociales et morales. Être de gauche comporte toujours la capacité d’éprouver toute humiliation comme une horreur. ».

En partant de cette définition consensuelle et universaliste proposée par Edgar Morin, le lien semble de plus en plus difficile à établir entre les valeurs de gauche hétérogènes qu’il défend et les valeurs bourgeoises et « républicaines » qui animent tous ceux qui appellent aujourd’hui à rallier Macron, et sa politique néo-libérale, pour faire barrage à la NUPES.

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Sécurité globale : la loi de tous les dangers pour la démocratie 17 mars 2021 - 22:03 https://www.francesoir.fr/politique...

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Partie 5

https://www.francesoir.fr/politique...

Le macronisme et le lepénisme voués à s’entendre (contre Mélenchon) ? À lire ou à écouter les ex-éléphants du PS, ou encore Christine Boutin, Luc Ferry, Nicolas Bouzou et Aurore Bergé, cette volonté d’attaquer conjointement la gauche aux côtés de l’extrême-droite semble bel et bien actée dans le monde politico-médiatique.

En résumé, le temps des élections, la droite radicale se charge de taper sur la gauche pour faire peur à son électorat sur des thèmes clivants (immigration, islamo-gauchisme, wokisme, grand remplacement, etc), pendant que la macronie et la droite « républicaine » communiquent vers la partie la plus à droite de la gauche afin de lui rappeler où se situent ses valeurs bourgeoises et ses intérêts sociaux-démocrates, avant de bien appuyer sur le danger bolchevik d’un vote en faveur de Mélenchon.

Pour autant, ce « front républicain macroniste-lepéniste » actuellement uni dans le seul but de limiter la percée de la gauche au sein de l’Assemblée nationale, n’est-il véritablement qu’une simple alliance de circonstances ?

Ce n’est pas ce que pense Frédéric Lordon.

L’année dernière, avant même les vociférations électorales actuelles, lors d’un entretien sur Là-bas si j’y suis, le chercheur au CNRS à l’idéologie de gauche radicale assumée, dénonçait déjà un climat général anti-mélenchoniste : « Je regarde les choses à distance. Je n’ai pas de carte de la France Insoumise. Je regarde le personnage Mélenchon de loin et je dirais d’un œil froid. J’observe une chose, c’est que dans le paysage politique, Mélenchon est probablement celui qui (…) fait l’objet du traitement de défaveur le plus appuyé de la totalité des médias (…) Des médias mainstream disons. Il est l’objet d’un déferlement de détestation proprement viscéral. (…) Je regarde ça et je me dis que c’est un bon signe. Quelqu’un qui s’attire une telle haine universelle des institutions formelles et informelles de la démocratie bourgeoise n’est pas complètement un mauvais sujet. ».

Frédéric Lordon avait même anticipé la possibilité que le « front républicain » moderne puisse à terme déboucher sur un rapprochement entre macronisme et lepenisme : « Je l’ai écrit il y a des années, que cette connerie de front républicain pourrait se donner une nouvelle occurrence en se reformant contre Mélenchon. Je suis prêt à parier que Mélenchon contre Le Pen (…), le front républicain n’est pas du tout garanti en faveur de Mélenchon. (…) Pour une raison extrêmement simple, on voit bien que les grands médias sont possédés par des milliardaires, or le capital fait très très bien la différence du point de vue de ses propres intérêts entre Marine Le Pen et un Mélenchon... Très très bien hein ! Le capital sait parfaitement qu’avec Marine Le Pen, rien ne change. Tout est ok pour lui, y’aura pas le moindre problème. Avec Mélenchon, bon, c’est pas le grand soir, mais dans la tête d’un capitaliste « si si », c’est déjà le grand soir ! ».

En résumé, pour Lordon, les liens d’intérêts bourgeois et capitalistes entre macronisme et lepénisme sont si forts que ces courants politiques s’uniront de toutes les manières toujours face à la menace Mélenchon.

Un rapprochement entre ces deux courants jugé de plus en plus ostensible par Clémentine Autain qui estime que, lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, le pouvoir a « donné des gages, d’une certaine manière, à l’extrême-droite sur de très nombreux thèmes ». Il a « brouillé profondément les pistes ». La candidate NUPES cite notamment les propos de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, qui avait qualifié l’université de « laboratoire d’islamo-gauchiste ». Une rhétorique, qui, avant l’arrivée de la macronie au pouvoir, était limitée aux éléments de langage des membres du RN et autres personnalités de l’ultra-droite.

« Le macron-lepénisme existe déjà ! » « Il y a entre macronisme et lepénisme une complicité, peut-être même une tendresse »

À cela, il faut aussi ajouter la loi contre le séparatisme qui a vu le jour durant la précédente mandature. Une loi liberticide qui, au nom de valeurs dites-républicaines et en se servant du prétexte du terrorisme islamiste, mêle autoritarisme et stigmatisation de toute forme d’opposition idéologique, qu’elle provienne de français de confession musulmane ou non. Une loi qui fait largement écho aux aspirations politiques de l’extrême-droite française.

Début 2020, dans un contexte particulièrement marqué par les conflits sociaux (Gilets jaunes, réforme des retraites) et encore peu impacté par la crise sanitaire, Emmanuel Todd présentait son livre Les luttes de classes en France au XXIe siècle. Déjà à l’époque, il n’hésitait pas à aller encore plus loin que Lordon. Il qualifiait de « macron-lepénisme » la connivence entre ces deux courants politiques. Il expliquait comment, selon lui, la macronie avait viré à droite par obligation face au soulèvement insurrectionnel des Gilets jaunes : « ce qui monte en puissance (…), c’est l’État dans sa fonction première d’appareil répressif. (…) Ce qu’on a vu monter en puissance, à part les énarques, c’est la police. Macron et son équipe, c’est des gens qui ont mis en liberté la police, qui ont ramené les types qui étaient habitués à taper sur les jeunes de banlieue – c’est ce que j’appelle « le flashball pour tous » – dans Paris ou ailleurs pour taper sur des Français de province. Et la police est devenue tellement essentielle qu’ils ont ; qu’on leur vote ; des primes. Elle a été dispensée de la retraite soi-disant universelle, donc la police devient une caste en liberté ».

Pour Emmanuel Todd, « le macron-lepénisme existe déjà » ©ERIC FEFERBERG / AFP/Archives Pour Emmanuel Todd, « le macron-lepénisme existe déjà » ©ERIC FEFERBERG / AFP/Archives

L’anthropologue, démographe et essayiste pousse encore un peu plus loin son raisonnement en citant une étude de l’IFOP qui révèle que 51% des gendarmes interrogés ont voté pour Marine Le Pen en 2012, ce qui fait dire à Emmanuel Todd que : « ce qu’on a empiriquement en France actuellement, c’est une haute bureaucratie en liberté qui utilise une police qui vote Front national (ndla : Rassemblement national). Dans les faits, le macron-lepénisme existe déjà. Parce que si Marine Le Pen voulait que les violences policières cessent, elle n’aurait qu’à faire trois discours... donc le macron-lepénisme est déjà quelque chose qui existe. ».

Emmanuel Todd persiste et signe, toujours début 2020, dans un entretien fleuve accordé au site LSLV, dans lequel il explique : « Macron a percé en acceptant l’axiome de base du FN : l’UMPS. Ce deuxième point commun, pour qui connaît l’histoire de la démocratie représentative, nous place sur un terrain fascistoïde puisque le fascisme est le premier à avoir prétendu dépasser le clivage gauche-droite et l’alternance qu’il permet… Enfin, disons plutôt proto-fasciste. La violence verbale contre des Français est aussi commune aux deux forces. Macronisme et lepénisme ont en commun un idéal d’inégalité des hommes : winners supérieurs contre losers, vrais Français contre immigrés. Il y a ainsi entre macronisme et lepénisme une complicité, peut-être même une tendresse. ».

Le démographe accuse également les médias dominants de participer à cette fausse opposition entre Macron et Le Pen : « Là où BFMTV et L’Express nous reparlent d’un affrontement horizontal titanesque entre une Marine Le Pen, dont tout le monde sait qu’elle est incapable de gouverner depuis le débat télévisé de l’entre-deux-tours (ndla : de 2017), et un Emmanuel Macron libéral et républicain, on a en fait un axe vertical étatique (énarques-police) avec le macro-lepenisme plutôt qu’une opposition horizontale. ».

Un ancien conseiller du chef de l’État investi par Renaissance dans la treizième circonscription de Paris, David Amiel alias « le candidat d’Emmanuel Macron » comme le précise son affiche de campagne, va en partie donner du corps à l’analyse partagée par Emmanuel Todd et par Frédéric Lordon. Il explique pourquoi, en fin de compte, le macronisme entend, en plus des sempiternels sujets sur l’islam, sur les migrants ou sur la sécurité, reprendre un autre des thèmes phares du lepenisme.

« La souveraineté », nouveau thème préféré de la macronie pour draguer à droite ?

Dans une interview réalisée sur Radio J, Christophe Barbier demande au candidat si l’apparition du terme « souveraineté » dans l’intitulé des ministères de l’Agriculture et de l’Industrie a pour but de « voler ce thème aux souverainistes ? ».

La réponse d’Amiel laisse perplexe : « Je crois qu’on a eu tort, surtout, de laisser ce thème aux souverainistes. On a laissé pendant trop longtemps, à gauche et à droite, ce thème de la souveraineté à ceux qui se prétendaient souverainistes, puisque l’indépendance de la France, de ses valeurs, de ses principes, devrait faire plutôt consensus. Et en réalité, la souveraineté est menacée par qui dans le paysage politique ? Eh bien, par ceux qui à l’extrême-gauche sont prêts à rompre les alliances traditionnelles au sein de l’OTAN, qui font comme si l’OTAN était l’agresseur, et la Russie l’agressée. Par ceux qui veulent désobéir aux règles européennes, et donc à terme sortir de l’Union européenne et affaiblir la position de la France dans le monde

[Voir sur le site : Affiche de campagne de David Amiel, « le candidat d’Emmanuel Macron » dans la treizième circonscription de Paris.]

Si l’on résume les arguments de David Amiel :

- Les souverainistes d’hier (RN) se « prétendaient » l’être... alors qu’ils ne l’étaient pas vraiment.

- Les souverainistes d’aujourd’hui (NUPES, ou plutôt « l’extrême-gauche ») souhaitent « sortir de l’OTAN et de l’UE » et donc « affaiblir la France », c’est pourquoi il faut les en empêcher.

- A contrario, le parti Renaissance incarne à présent le vrai défenseur de la souveraineté nationale puisqu’il s’appuie sur des « principes qui devraient faire consensus ».

Selon la logique de David Amiel, la majorité présidentielle serait donc composée de vrais souverainistes qui, pour l’occasion, acceptent de marcher aux côtés des anciens faux-souverainistes du RN (qui ne sont ni nommés ni invectivés), afin de faire barrage aux nouveaux faux-souverainistes d’extrême-gauche (qui, eux, sont longuement vilipendés) !

Légèrement tirée par les cheveux comme réflexion, mais limpide en termes de stratégie politique et de communication !

Autre constat amusant, celui de citer l’attachement à l’OTAN comme preuve de souveraineté. Idem pour l’UE. Quel que soit le parti-pris idéologique de chacun sur ces deux entités, il paraît paradoxal de défendre un idéal de souveraineté national tout en citant l’OTAN et l’UE, deux structures supranationales, l’une politique et l’autre militaire.

Entre pro et anti-UE et/ou OTAN, les débats tournent en général davantage autour des questions du bénéfice, ou non, que représente l’intégration de la France en leur sein. Et si les désaccords sont sérieux sur ce point, il est en revanche communément entendu par tous qu’à partir du moment où notre pays s’investit au sein de l’UE et de l’OTAN, c’est évidemment parce qu’il accepte de transférer une part de sa souveraineté. Il est incontestable que d’un côté l’UE impose des normes et ses lois supranationales à la France, tandis que de l’autre, l’OTAN peut entraîner nos forces militaires dans un conflit armé sans que les frontières ou les intérêts supérieurs de la nation ne soient initialement menacés.

Dommage également que sur ce même sujet, David Amiel omette de rappeler que la personne qui vient récemment de déclarer accepter délaisser une part de la souveraineté française en faveur de l’OMS n’est pas Jean-Luc Mélenchon, ni Marine Le Pen, mais bien Emmanuel Macron (ndla : version complète de l’allocution).

En quelques phrases, le candidat de la treizième circonscription de Paris vient de démontrer ce qu’est la vraie politique politicienne. Un monde où l’on peut dire tout et son contraire. Se targuer d’être de vrais souverainistes, face aux pâles copies dangereuses du passé et du présent, tout en revendiquant son attachement aux deux structures les plus contraignantes en matière de souveraineté nationale.

Il serait maladroit de penser que ce discours aberrant et contradictoire de David Amiel ne serait que le fruit d’une mauvaise communication de sa part. Au contraire, en tant qu’ancien conseiller d’Emmanuel Macron à l’Élysée, l’intéressé sait parfaitement ce qu’il fait. Cette volonté de ratisser large, y compris sur les plates-bandes du RN, ou comme Aurore Bergé sur celles du PS et des LR, démontre que le parti au pouvoir a surtout du mal à contenir ses impulsions fascistes. De par sa position centrale sur l’échiquier politique, il souhaite visiblement radicaliser les extrêmes pour mieux phagocyter les partis existants en cherchant à unifier tous les courants politiques derrière une seule et même formation : Renaissance... Parti, nouveau-né, dont le nom résonne différemment une fois cette-dernière analyse développée.

En définitive, ce « front républicain », s’il a eu un sens par le passé, n’est aujourd’hui rien d’autre que de la novlangue. Une expression fourre-tout qui évolue au gré du dessein des élites. Dans le domaine de la politique politicienne, pour le peuple cela fait de toute façon déjà longtemps que les mots n’ont plus aucun sens.

Quid des consignes de vote de Ensemble ! en cas de second tour RN-NUPES ?

Pour l’heure, l’entre-deux-tours des élections législatives reste quoiqu’il en soit encore une grande inconnue.

Si par exemple, dès le premier tour, la NUPES réalisait une vraie percée dans les urnes, quid de la réaction du bloc bourgeois lors d’éventuelles triangulaires RN-Ensemble !-NUPES où le candidat de Ensemble ! n’aurait aucune chance de victoire ? La majorité présidentielle le maintiendra-t-elle ? Sinon derrière qui proposera-t-elle de se ranger ?

Selon la définition originelle du front républicain, le désistement devrait se faire en faveur du candidat de gauche, et donc de la NUPES, sauf qu’il paraît à présent évident que cet état de fait est fortement remis en question. Il devient à présent envisageable de voir les candidats de Ensemble ! maintenir leur candidature en communiquant sur l’idée de devoir « s’opposer aux extrêmes, de droite comme de gauche ».

De plus, si dans les circonscriptions où elle sera écartée dès le premier tour la majorité présidentielle incitera vraisemblablement à voter pour les LR, quid des cas où les candidats de Ensemble ! et des Républicains seraient tous les deux éliminés ? Comment réagirait alors la macronie ? Quelles seraient ses consignes de vote, sur qui se porteraient ses voix entre NUPES et RN ?

Pour Jean-Christophe Cambadélis, pas d’inquiétude à avoir outre-mesure pour le bloc bourgeois, « beaucoup de Français seront enthousiastes et favorables » à la NUPES, « il peut y avoir un très bon premier tour, mais on se heurtera au second à la réalité du rapport de force dans le pays ». Cambadélis part du principe que Mélenchon s’est positionné trop à gauche, il n’a donc plus de voix de réserve pour le second tour : « là vous allez faire un très bon premier tour » en absorbant toute la gauche, « on aura tout ça, et puis, au deuxième tour on se tournera sur notre gauche, il n’y aura personne, parce que ce n’est pas le NPA et Lutte ouvrière qui apporteront les voix, et on se tournera vers le centre, et je ne vois pas Emmanuel Macron donner des consignes pour voter pour Jean-Luc Mélenchon. ».

Pour l’ex-Premier secrétaire du PS, Macron n’appellera donc pas à voter pour un candidat NUPES. À l’en croire, il ne restera alors plus qu’au président de la République l’option RN ou le « ni-ni ». Décision qui, selon Ouest-France, reviendrait, dans un cas comme dans l’autre, à reconnaître que le « RN est un parti comme les autres ». Embêtant !

Un vrai casse-tête en approche du côté de la présidence, tant le narratif présenté au cours des dernières années visait à diaboliser le RN. Comment dès lors réussir à expliquer ne plus vouloir lui faire barrage aujourd’hui ?

Quels que soient les comptes d’apothicaires à venir durant l’entre-deux-tours, il faudra dans tous les cas attendre la fin du mois de juin pour commencer à dessiner ce que pourra être le rapport de force au sein de l’Assemblée nationale. Bien qu’un grand bouleversement paraisse improbable, selon les scores de chaque groupe, la gestion législative du pays et la liberté d’action de l’exécutif différeront indéniablement.

Un jeu de coalitions incertain Sauf raz de marée électoral pour l’une des formations, il n’est pas improbable que nous assistions au sein de l’Assemblée à un jeu de coalitions auquel nous n’avions plus l’habitude depuis des lustres.

Puisqu’en cette période électorale, beaucoup font référence à cette époque de l’Histoire, il est intéressant de remonter à la fin du Front Populaire pour saisir le poids que représente les alliances politiques dans la gestion d’un parlement. En 1938, au crépuscule d’une IIIe République qui offrait un puissant pouvoir à l’Assemblée, Léon Blum perd la présidence du Conseil suite à un jeu de coalitions. Des partis de gauche vont finalement tourner casaque au sein de l’hémicycle en s’alliant avec la droite pour faire chuter le mythique Front Populaire, à peine deux ans après son arrivée au pouvoir... avant de laisser Daladier, le nouveau président du Conseil issu de l’un des partis frondeurs (le PRRRS, c’est-à-dire le parti radical – et républicain – de gauche), signer les accords de Munich et offrir la France au fascisme quelques mois plus tard.

[Voir photo sur le site : De gauche à droite : Neville Chamberlain, Édouard Daladier, Adolf Hitler, Benito Mussolini et son gendre le comte Galeazzo Ciano, lors de la conférence de Munich le 29 septembre 1938. ]

©Wikicommons Si l’Assemblée nationale de la Ve République n’est certes plus celle de la troisième, pour autant, certains mécanismes restent proches.

Le point essentiel à comprendre, c’est qu’en fonction de la proportion du ralliement à elle d’une partie de la gauche dans les urnes plutôt qu’en faveur de la NUPES, la macronie pourra plus facilement imposer sa légitimité républicaine sans avoir besoin du soutien des députés LR, mais surtout des députés RN, lors des votes les plus disputés à l’Assemblée.

« Le coup de Daladier » que le président de la République avait d’une certaine façon réussi à appliquer en 2017 en se faisant élire par la gauche, mais en gouvernant avec le soutien des députés de droite, n’est plus envisageable en 2022. La faute à Emmanuel Macron dont la politique a justement trop sévèrement tangué à droite pendant cinq ans, et la faute à un Mélenchon qui a, entre-temps, plutôt bien réussi à réunir toute la gauche derrière une seule et même bannière. La réserve de voix à gauche de la macronie est ainsi aujourd’hui bien plus limitée. Elle se sait davantage handicapée qu’en 2017 pour dominer de manière aussi hégémonique l’Assemblée avec ses seuls députés, puisque si le soutien d’une partie de la gauche venait à manquer pour faire élire ses troupes, la majorité présidentielle dépendrait alors davantage de ses alliés de droite pour gouverner.

Une loi comme celle de « la sécurité globale », aux aspirations des plus liberticides, a été largement adoptée en 2021. Le bloc de droite, emmené par les néo-libéraux du « centre », avait copieusement voté pour. Les quelques votes du RN en faveur de cette loi ne pesaient à l’époque absolument rien dans la balance.

Or, si lors du renouvellement de l’Assemblée nationale, d’un côté la NUPES réalise un meilleur score que l’ensemble de la gauche de 2017 et récupère au moins une centaine de sièges, phagocytant par là même une partie significative du PS, et que, de l’autre, le RN fait lui aussi un bon score, fatalement le nombre de sièges encore disponibles pour la macronie et pour la droite va se réduire. Conséquence directe : lors des futurs scrutins au sein de l’hémicycle, la proportion de votes du RN en faveur des textes proposés par la majorité présidentielle sera bien plus importante dans le décompte final, tout en étant bien plus visible aux yeux de tous.

Il ne sera alors plus interdit de parler de coalition et/ou d’union claire, nette et précise, entre la macronie et l’extrême-droite. Une connivence déjà constatée au cours des cinq dernières années, mais que la majorité présidentielle aime néanmoins minimiser pour ne pas perdre de crédit auprès de l’électorat de gauche bourgeois sur lequel elle a encore besoin de s’appuyer.

C’est donc un enjeu de taille pour l’image que souhaite à terme renvoyer la majorité présidentielle. Vu d’une opinion publique qui s’intéresse de loin à la politique, elle ne sera pas jugée pareil si elle doit parfois dépendre du vote des membres du RN pour faire adopter ses lois, ou si elle est en mesure de systématiquement s’en passer grâce à une aile gauche suffisamment importante dans ses rangs.

D’où, dans un premier temps, l’alliance actuelle implicite entre Marine Le Pen et Ensemble ! afin de consolider, d’abord et avant tout, un bloc de droite fort capable de régner sur l’Assemblée. Et d’où, dans un second temps, ce discours obstiné visant à convaincre le plus de personnes de la partie « la plus à droite de la gauche » d’être effrayées par la coalition de gauche et, donc, de rejoindre Renaissance ou Ensemble !, de telle sorte à limiter l’invasion de députés de la NUPES au sein de l’hémicycle... de quoi sauver l’image d’une majorité présidentielle « et de droite, et de gauche ».

D’autant que l’enjeu essentiel restant justement le pouvoir, il est prévisible, comme le soumet Lordon, qu’au moment de voter les lois – qu’importent le rapport de force parlementaire final et le nombre de sièges attribués à chaque camp, et tant que la NUPES ne remporte pas la majorité absolue – l’extrême-droite, la droite et le centre s’allieront de toute manière instinctivement sur les questions sécuritaires et économiques, exactement comme ils le font durant cette campagne. De quoi, dans tous les cas, permettre à l’exécutif de jouir d’une majorité solide tout au long de la mandature lors du vote des textes de loi relatif à ces thèmes de droite. À commencer par la réforme des retraites que le gouvernement entend bien mener à son terme.

À l’inverse, concernant les sujets autres que ceux habituellement chers à la droite et sans une majorité absolue de sièges attribuée à Ensemble !, il peut également être envisageable au cours des cinq prochaines années de voir l’émergence au sein de l’hémicycle d’un « front républicain » d’une nouvelle nature, à savoir, celui du « tout sauf Macron ». Avec une accointance spontanée entre les forces de gauche et celles de droite, sur le même registre que ce que nous avions pu constater lors des votes touchant au pass vaccinal. Si, à l’époque, la macronie n’avait pas eu une telle majorité écrasante de députés, ses textes auraient été repoussés tant les oppositions étaient fortes et déterminées à faire fi des clivages habituels, y compris chez certains députés LREM.

Autre point qui pose question : du côté de la gauche, quand bien même la NUPES arriverait à faire un gros score, voire à rafler la majorité des sièges (ce qui semble à l’heure actuelle improbable), il restera de toute façon encore beaucoup d’interrogations sur la capacité de cette jeune alliance à ne pas se désunir en fonction du type de textes à voter. Comme l’a démontré autrefois le « coup de Daladier » vis-à-vis du Front populaire ou plus récemment la polémique amorcée par Fabien Roussel sur l’affaire Taha Bouhafs – la pire ennemie de ce type de coalitions politiques est souvent la coalition elle-même. Arriver à faire cohabiter des forces aussi hétérogènes s’avérera assurément périlleux... mais existe-t-il une seule autre option pour permettre à la gauche de tenter d’exister lors de ce quinquennat ?

« Résister à la barbarie qui monte »

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Pour Edgar Morin, plutôt que de chercher à s’enfermer dans ce type d’alliances partisanes à visée électoraliste, l’espoir du renouveau de l’esprit de « la » gauche doit davantage se chercher dans sa capacité à se nourrir du meilleur pour combattre le pire : « il nous faut d’abord résister à la barbarie qui monte. Mais le "non" d’une résistance doit se nourrir d’un "oui" à nos aspirations. La résistance à tout ce qui dégrade l’homme par l’homme, aux asservissements, aux mépris, aux humiliations, se nourrit de l’aspiration, non pas au meilleur des mondes, mais à un monde meilleur. Cette aspiration, qui n’a cessé de naître et renaître au cours de l’histoire humaine, renaîtra encore. ».

Edgar Morin, philosophe et sociologue, aspire à « un monde meilleur » ©BERTRAND GUAY / AFP Edgar Morin, philosophe et sociologue, aspire à « un monde meilleur » ©BERTRAND GUAY / AFP Une aspiration que la NUPES aimerait très certainement incarner, elle qui a eu le mérite d’insuffler un nouvel espoir à cette morne gauche de ce premier quart du XXIe siècle, mais dont la structure politique ne semble toutefois pas répondre aux critères édictés par le philosophe, puisque selon lui cette aspiration nouvelle ne pourra voir le jour que grâce à la « décomposition des structures partidaires existantes ».

Un besoin primaire décrété par Edgar Morin qui ne coïncide pas franchement avec l’ossature de cette nouvelle coalition de gauche, tant celle-ci semble encore beaucoup trop partisane, exclusive et pyramidale pour véritablement prétendre révolutionner la manière de faire de la politique.

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Annexe Live de Mediapart sur les élections législatives du 12 juin 2022 https://www.youtube.com/watch?v=Q2G... **

Hervé Debonrivage


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