Liberté de conscience et information.

mardi 28 juin 2022.
 

À l’ère du capitalisme informationnel, c’est-à-dire à une époque où l’information est devenue marchandise et en une période où les médias jouent un rôle important dans l’élaboration des opinions, il nous a paru important de traiter de la liberté de conscience en relation avec l’information.

1 – Définition de la liberté de conscience (ou de penser).

Voici tout d’abord, en introduction, une définition de la liberté de conscience.

La liberté de conscience est le droit accordé à une personne d’avoir les valeurs, les principes, les opinions, les religions et les croyances qu’elle veut. Ces choix vont conduire son existence. Cette liberté est plus ou moins reconnue et respectée par les lois inscrites dans les textes constitutionnels des différents pays et par la jurisprudence. Tous les pays ne respectent pas cette liberté.

Cette liberté est inscrite à l’article 18 de la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 et dans l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Source : Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Liber...

On trouve dans cet article de Wikipédia les définitions données par les articles 18 et 9 des textes cités précédemment.

* voici une autre définition analogue donnée par le dictionnaire La Toupie https://www.toupie.org/Dictionnaire...’un%20individu,ne%20pas%20avoir%20de%20religion.

La liberté de conscience est le droit d’un individu d’avoir le libre choix de son système de valeurs et des principes qui guident son existence et de pouvoir y adhérer publiquement et d’y conformer ses actes. Elle inclut la liberté de croyance, de religion ou de ne pas avoir de religion.

Encore sujette à débat, la notion de liberté de conscience a fait l’objet de multiples controverses au cours des siècles. Elle est parfois confondue avec la liberté d’opinion, de religion ou de culte.

Quand elle existe, la liberté de conscience est garantie par les pouvoirs publics, en l’absence de trouble à l’ordre public.

voici une approche républicaine :

Liberté de conscience

"La liberté de conscience est fondée sur l’autonomie de jugement grâce à l’école de la République, la seule école vraiment libre, car elle s’ouvre gratuitement à tous les enfants du peuple, et n’a d’autre souci que de libérer les consciences humaines grâce à une culture universelle." Henri Pena-Ruiz - septembre 2003 * voir aussi les décisions du Conseil constitutionnel : https://www.conseil-constitutionnel...

* Remarquons que ces définitions font intervenir plusieurs facteurs : le droit ; le choix individuel ; les notions de valeur, opinion, croyances, religion, jugement autonome,… : en un mot, le monde des idées ; la possibilité d’adhérer publiquement à cette liberté.

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** 2 – Quel rapport entre conscience et information ?

a) Cerveau, psychisme et information.

C’est du fonctionnement de notre cerveau qu’émerge notre conscience. Ce fonctionnement met en jeu des processus physico-chimiques complexes notamment au sein de nos cent milliards de neurones et du million de milliards d’interconnexions synaptiques. Cet organe capte les informations provenant du milieu extérieur grâce à notre appareil sensoriel lui-même étroitement connecté à différentes zones de notre cerveau. Des informations sont aussi émises par notre corps. Il existe donc un double flux d’informations pénétrant dans notre cerveau : l’un d’origine externe et l’autre d’origine interne. Notre cerveau est donc une « machine » qui traite de l’information. Cette information modifie sans cesse la composition et le fonctionnement du cerveau. Avec l’âge, l’expérience vécue la quantité d’information stockée et traitée augmente. Cette augmentation d’information a pour effet de diminuer l’entropie de notre système cérébral mais inversement le vieillissement a pour effet dès le début de l’âge adulte, une destruction cellulaire occasionnant ainsi une augmentation de l’entropie aboutissant, en fin de course, à la mort cérébrale, c’est-à-dire à la mort finissant par nous transformer en poussière, poussière constituant notre matière originelle synthétisée dans les étoiles il y a plusieurs milliards d’années. Je me suis référé évidemment ici à une conception « locale » de la conscience conçue comme un processus émergeant de la complexification de la matière depuis l’apparition de la vie sur terre il y a 3,9 milliards d’années et localisée dans un cerveau particulier.

* Mais d’un point de vue métaphysique on peut imaginer l’existence d’une conscience cosmique globale puisant l’information dans l’ensemble de l’univers et se manifestant localement, pendant un temps donné dans le psychisme de chaque individu considéré alors comme une manifestation éphémère de cette conscience et dont l’être profond (ontologique) se confondrait avec l’ensemble des relations ayant existé entre tous les individus conscients du monde présent et du monde passé. Dit autrement, l’individu comme être informationnel est constitué de l’information constituant tous les individus pensant et donc se confond avec la conscience cosmique. Il y a une certaine analogie entre cette approche et celle qui s’exprime la 6 ème thèse de Marx sur Feuerbach « l’essence de l’homme n’est pas une abstraction inhérente à l’individu isolé. Dans sa réalité, elle est l’ensemble des rapports sociaux. » **

b) la théorie de l’information intégrée

Le développement de l’intelligence artificielle et le progrès des neurosciences a conduit les scientifiques à se poser la question : une machine, un logiciel peut-il être ou devenir conscient ? La question de la conscience s’oppose en même temps, d’une manière connexe, pour les animaux. Une nouvelle théorie est ainsi récemment née : la Théorie de l’Information Intégrée. Le niveau de conscience se mesurerait sinon par la quantité d’informations intégrées (interreliées et planifiées) par le système artificiel ou vivant. Cette théorie reste pour l’instant relativement spéculative. On remarque que dans cette théorie, il existe bien une relation étroite entre conscience et information. **

3 – liberté de conscience et qualité de l’information

Mais la conscience, la pensée nécessite pour se créer, pour fonctionner, des informations provenant de l’environnement naturel et de l’environnement social. La liberté de conscience ou de penser est donc subordonnée à l’existence et à la qualité de l’information. La qualité de l’information dépend de la source d’information et de la qualité de sa transmission. Les sources d’information sont le milieu familial, le système de formation, le milieu professionnel, les différents réseaux de relations et d’activités (amis, associations, syndicats partis politiques,), les médias dominants et alternatifs. Remarquons au passage que la source d’information des syndicats, associations et partis politiques peut être interne ou simplement externe. Mais à cela s’ajoutent aussi les institutions politiques et administratives locales ou étatiques. Retrouverait-on ici « l’ensemble des rapports sociaux » mentionnés par Marx ?

La liberté de conscience ou de penser va donc dépendre de la qualité des informations émises par ces différentes sources.

Sans passer en revue la totalité de ces sources examinons trois exemples.

Si l’éducation nationale ne dispose pas dans les écoles, les collèges et lycées de bonnes conditions de fonctionnement (nombre d’élèves par classe, qualité de la formation des enseignants, etc.) l’information délivrée par le système scolaire ne sera pas suffisante pour permettre aux futurs adultes d’avoir une liberté de pensée satisfaisante. Si par exemple, les programmes d’histoire et d’instruction civique sont sont tronquées ou partisans, le futur citoyen ne disposera pas d’un recul historique de qualité pour comprendre les événements présents. Si la famille dans laquelle est venu l’enfant et proie à de vives tensions internes, ou une présence parentale très insuffisante, la liberté de penser de l’enfant ou de l’adolescent se trouvera entravée. Si les médias censurent un certain nombre d’informations jugées gênantes par le pouvoir et se comportent comme des organes de propagande pour le gouvernement, une oligarchie dominante, la liberté de conscience est gravement compromise. Comment se forger une opinion fiable si des faits sont dissimulés et déformés ? De la même manière, si des institutions administratives gouvernementales donne des informations tronquées, biaisées notamment dans l’élaboration des statistiques, comment disposer d’une capacité de jugement de qualité ? La qualité de l’information dépend aussi de la manière dont elle est transmise. Prenons un exemple. Si une chaîne YouTube d’information alternative est de mauvaise qualité technique (coupure de l’émission, bruits parasites, son de mauvaise qualité, censure éventuelle,…) il est évident que l’information s’en trouve affaiblie et pourra éventuellement décourager les auditeurs de consulter une telle chaîne. Si un enseignement est délivré dans une classe ou un amphithéâtre bruyant, la qualité du cours s’en trouve affectée. Un autre obstacle à la qualité de l’information est que celle-ci soit noyée dans un flot d’informations peu importantes ou insignifiantes ou encore que celle-ci figure en un endroit peu connu ou difficilement accessible.

Nous avons porté notre attention sur la qualité intrinsèque de l’information mais il faut aussi traiter des conditions d’accessibilité des individus à ces informations. Le niveau de formation et de culture du récepteur joue évidemment un rôle important : c’est la raison pour laquelle on parle souvent du rôle émancipateur de l’éducation – formation et de la culture. Mais pour accéder à des informations encore faut-il en avoir le temps, la disponibilité. Un individu dont la quasi-totalité de sa vie éveillée est consacrée aux activités professionnelles, domestiques, a des difficultés à trouver du temps pour exercer sa liberté de penser. La fatigue physique et psychologique est aussi un obstacle à cette liberté.

Une autre faculté liée à l’individu qui peut être liée à son niveau de formation, est sa capacité de choisir entre plusieurs informations ou options. Voici à titre d’exemple la capacité de choisir à partir d’informations médicales.

Source : code de la santé publique https://www.legifrance.gouv.fr/code... Voici un extrait du texte : « 

le L1111-4Version en vigueur depuis le 01 octobre 2020

Modifié par Ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 - art. 2

Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.

Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif.

Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L’ensemble de la procédure est inscrite dans le dossier médical du patient. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110-10.

Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. Cet article s’applique sans préjudice des dispositions particulières relatives au consentement de la personne pour certaines catégories » Or le consentement libre et éclairé du patient nécessite l’accès à une information médicale scientifiquement fiable. En cas d’informations contradictoires il doit être dans la capacité de pouvoir choisir en confrontant par exemple, plusieurs avis. Dans le cas d’une vaccination, il doit pouvoir disposer, compte tenu de son état de santé et de ses conditions de vie, de l’évaluation scientifique de la balance bénéfice/risque et être informé de l’existence d’effets secondaires éventuels.

On constate ainsi que cette capacité de choisir débouche sur une autre possibilité : celle de pouvoir accéder à un débat contradictoire lorsque cela s’avère nécessaire. Mais alors une question se pose : un tel débat contradictoire est-il possible ? On a pris ici un exemple médical mais on pourrait l’étendre à d’autres domaines. Cela nous conduit à la condition d’accessibilité suivante

Une autre condition d’accessibilité est la nature de l’environnement politique et social. Ainsi, si un pouvoir utilise la peur comme moyen de gouvernement en instrumentalisant des problèmes de sécurité ou une épidémie par exemple, il crée un climat peu favorable à l’exercice du raisonnement, de la réflexion critique et favorise les comportements moutonniers sous l’action d’une forte pression de conformité. Ce genre de climat est peu propice à l’épanouissement de la liberté de conscience. Il en est évidemment de même pour tout pouvoir répressif. Un autre facteur d’accès difficile à une information de qualité est la puissance de l’action de l’idéologie dominante, de la doxa sur les consciences individuelles. Cette puissance est évidemment liée à la puissance de feu de l’appareil médiatique pour véhiculer cette idéologie. Une personne prisonnière de cette idéologie que certains intellectuels appellent « narratif » ou « récit dominant », a peu de chance d’accéder à une information de qualité, factuellement établie et valide, scientifiquement prouvée et sa liberté de conscience se trouve ainsi en quelque sorte entravée voire verrouillée. La crise sanitaire et la guerre en Ukraine sont des événements récents qui donnent une acuité particulière à cette question. Lorsque l’imaginaire individuel d’un citoyen coïncide avec l’imaginaire politique construit par l’idéologie de la classe dominante, on se trouve dans la configuration de ce que Herbert Marcuse appelait « l’Homme unidimensionnel ». Heureusement, une telle coïncidence totale est rarement vérifiée même si la neuro – programmation des cerveaux à distance par l’appareil idéologique médiatique reste impressionnante quand on en fait l’analyse. * Pour terminer, nous abordons une question cruciale pour la liberté de penser : le langage et son contrôle. Pour penser, nous avons besoin d’un langage articulé sur deux axes : un axe lexical entre parenthèses vocabulaire) et un axe syntaxique (articulation des mots avec une grammaire). On ne peut donc prétendre à une liberté de conscience ou de penser si l’on n’a pas acquis un certain niveau de maîtrise du langage. La famille et l’école jouent évidemment un rôle important dans cette acquisition. Cependant, les productions culturelles et les médias jouent aussi leur le rôle dans l’usage du langage notamment dans la définition du sens de certains mots et dans l’importation de certains termes ou expressions de langues étrangères dans la langue française. Par exemple : « burn out ». Dans le champ politique, le pouvoir économique et politique peuvent imposer certains mots (management par exemple), modifier le sens originel de certains mots jusqu’à les vider littéralement de leur sens (complotisme, ou pensée unique par exemple). On parle alors « d’essorage sémantique » (Eric Hazan, LQR. La propagande du quotidien) il peut se créer ainsi une « novlangue » (Orwell, 1984) où le pouvoir peut inverser le sens des mots. Par exemple « progressiste » au lieu de « réactionnaire » ; « privilèges » au lieu d’ « acquis sociaux ». Et, pire encore, cette inversion appliquée à une phrase entière conduit à identifier, confondre une proposition vraie et une proposition fausse : il y a confusion entre le vrai et le faux. Ce qui peut aussi se traduire par l’idée qu’il n’existe plus de vérité. Le chercheur David Colon dans son ouvrage « Propagande, manipulation de masse dans le monde contemporain » montre que cette perversion du langage à l’ère du néolibéralisme autoritaire consiste tout simplement à empêcher de penser et de détruire ainsi toute liberté de conscience qui ne peut exister sans un langage ayant une cohérence logique.

Sur le pouvoir des mots on peut se reporter à :

Les Nouveaux Mots du Pouvoir. Abécédaire critique Durand, Pascal Ouvrage collectif de 70 spécialistes. Éditeur : Aden, Bruxelles, Belgium Présentation de l’ouvrage collectif sur journal Open Édition https://journals.openedition.org/qu...

Sans avoir la prétention d’avoir fait le tour de la question de l’articulation entre information et liberté de pensée ou de conscience, je reste très surpris que celle-ci ne soit pas présente dans les débats et sur Internet.

** Annexe

Une science de la conscience Entretien avec Stanislas Dehaene, Entretien recueilli par François Euvé Dans Études 2015/12 (Décembre), pages 41 à 52 https://www.cairn.info/revue-etudes...

(Un petit bilan des connaissances actuelles sur le phénomène de la conscience) ** La propagande et les techniques de manipulation individuelle et de masse aujourd’hui. https://www.gauchemip.org/spip.php?... on trouve dans cet article un recensement des ouvrages sur la manipulation de masse dont le langage.

** La conscience holistique, clé de l’émancipation des peuples https://www.gauchemip.org/spip.php?... ** L’agnotologie et le fléau de l’inculture politique https://www.gauchemip.org/spip.php?...

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Hervé Debonrivage


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