Cinq fédérations CGT s’allient pour lancer la grève reconductible

jeudi 16 mars 2023.
 

Le 2 mars, cinq fédérations de la CGT, très actives depuis le début de la bataille contre la réforme des retraites, livraient leur stratégie. Au programme : grève reconductible, blocage et actions ciblées pour porter un coup décisif au projet du gouvernement.

Ce jeudi 2 mars, le patio du siège de la CGT, à Montreuil, résonne de chants militants. Quelques jours avant une journée de mobilisation que beaucoup espèrent encore plus massive que celle du 31 janvier, plusieurs centaines d’élus de la CGT sont venus exprimer leur détermination à poursuivre la lutte. En face d’eux se trouvent les secrétaires de cinq fédérations très mobilisées dans le mouvement (Mine-Énergie, Ports et Docks, Cheminots, Industries Chimiques et Verre-Céramique) qui pour l’occasion apparaissent comme la direction de la CGT pour la grève reconductible. Et ce, à trois semaines du prochain congrès de la CGT où ces mêmes fédérations vont vivement s’opposer à la ligne défendue par Philippe Martinez et la direction confédérale.

« Grève Générale ! » appellent en chœur les militants, avant d’être interrompus par Laurent Brun, le secrétaire national des cheminots : « Les manifestations ont été massives, mais le gouvernement maintient son projet. Les salariés ont un levier supplémentaire par rapport aux citoyens : ils peuvent cesser le travail », annonce-t-il en guise de prémisse. Si l’intersyndicale a dores et déjà appelé à « mettre la France à l’arrêt », ces cinq fédérations cégétistes entendent préparer l’étape suivante : la grève reconductible.

L’union fait la force de la grève reconductible

« On a conscience que ce qu’il manquait en 2019, c’était la coordination. Nos fédérations rassemblées ont décidé d’agir et d’unir leurs forces », assure Sébastien Menesplier, à la tête de la fédération Mine-Énergie, quelques dizaines de minutes plus tard, lors d’une conférence de presse. Deux nouvelles fédérations devraient bientôt rejoindre le quintet : la CGT Commerce et la fédération de la Construction, du Bois et de l’Ameublement.

En soi, la coordination entre ces cinq fédérations de la CGT n’est pas une surprise. Elles ont déjà eu l’occasion de nouer des contacts depuis le début de la mobilisation, et ont plusieurs fois appelé en chœur à des grèves de plusieurs jours. Mais cette rencontre a le mérite de clarifier la stratégie des différents secteurs, à l’approche d’une date vitale pour la suite du mouvement.

Chez les dockers, la partie paraît déjà jouée d’avance. « Nous appelons à un arrêt de travail de 48 heures les 7 et 8 mars. Et le 8 mars, une action ” ports morts “, c’est-à-dire un blocage de toutes les entrées du port pour qu’aucune activité ne puisse y avoir lieu au-delà même de notre secteur », explique Tony Hautbois, le secrétaire national de la fédération, devant des syndiqués ravis. Après avoir souligné l’exemplaire représentativité de son secteur – 80 % chez les portuaires, 90 % chez les dockers -, il s’enorgueillit : « grâce à notre discipline d’organisation, nous pouvons mettre 90 % de l’activité portuaire à l’arrêt ».

Une étape de franchie

À la fédération Mine-Énergie, on promet une « semaine noire ». « Ce matin, les secrétaires généraux ont décidé de passer un cap », explique Sébastien Menesplier. Au programme : « reprise en main de l’outil de production », coupures ciblées, occupations de sites, blocages, opération « Robin des Bois », et surtout une grève reconductible. Au soir du 16 février, les énergéticiens de la CGT appelaient déjà à une « grève reconductible jusqu’au 7 mars », assurant qu’elle avait déjà commencé depuis le premier jour de la mobilisation. En réalité, si les actions se sont multipliées un peu partout en France et que des grèves tournantes ont été mises en places dans certaines entreprises de l’énergie, la grève ne s’est pas encore durablement installée sur tous les lieux de travail.

« Ce qui change aujourd’hui, c’est qu’il y a une montée d’un cran de la mobilisation avec des actions qui jusque-là n’avaient pas encore été appelées puisque l’on attendait de voir où menaient les grèves et les manifestations », explicite Sébastien Menesplier. Faute de réaction de la part du gouvernement, la mobilisation devrait donc prendre une nouvelle forme chez les énergéticiens. Pour que la grève dure longtemps, Sébastien Menesplier prône la ruse. « Huit heures par jour, c’est compliqué. La grève reconductible s’organise selon les milieux avec des modalités qui permettent que ça coûte le moins cher possible », explique-t-il en évoquant des possibles débrayages de quelques heures. Objectif : le maximum d’impact, le minimum de perte de salaire et une grève qui dure dans le temps.

Des journées massives de grève pourraient également avoir lieu chez les cheminots. Cette fois, l’unité se fera entre les quatre syndicats représentatifs de la SNCF. Peu d’inquiétude aussi dans la chimie, le verre et la céramique. Emmanuel Lépine, à la tête de la CGT Industrie chimique, rappelle l’objectif : « mettre à genoux l’économie française ».

Une mobilisation qui s’étend ?

Derrière une motivation qui paraît inébranlable, Laurent Brun le confesse : « c’est quand même un sujet dans l’esprit des camarades : la peur d’être seul ». En 2019, la grève paraissait surtout portée par certains secteurs, ce qui avait rendu amers certains grévistes pourtant déterminés. Malgré tout, le secrétaire national des cheminots se veut rassurant : « on craint beaucoup moins la grève par procuration, car on voit que la mobilisation est plus massive. Et on s’organise pour que ça n’ait pas lieu ! ».

« On a conscience qu’on est dans des champs structurants de l’économie française, assure Emmanuel Lépine. S’il y a une grève dans nos secteurs, il y aura un impact et un effet d’entrainement ». Tous espèrent ainsi que leur mobilisation saura inspirer les salariés exerçant des professions précaires, ou peu enclines à des grèves longues et massives.

Pour Laurent Brun, les signes positifs ne manquent pas. « Il y a eu des mobilisations très importantes. Mais il n’y a pas 2 millions de syndiqués chevronnés. Certains pensaient que le nombre suffirait. Maintenant, les salariés ont compris que la carte démocratique, on pouvait la rentrer », abonde-t-il. « D’habitude, le vote d’une loi pèse sur les salariés lors d’un mouvement social, surtout les moins politisés. Or, ici, le vote de la loi à l’Assemblée Nationale n’a eu strictement aucun effet sur le niveau de mobilisation : on annonce la plus grosse journée le 7 mars ! ».

Loin de se jouer dans le théâtre parlementaire, la lutte aura davantage lieu dans la rue et les lieux de travail, assurent-ils en chœur. « Le vote d’une loi, ce n’est pas notre sujet. On veut imposer un rapport de force pour justement ne pas dépendre de ce vote », souligne Laurent Brun. De son côté, Sébastien Mesnesplier fixe un cap : « peu importe la suite, commission mixte paritaire ou retour à l’assemblée, adoption de la loi par le Sénat ou pas, on continuera jusqu’à ce qu’on gagne ».


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