Une grenade a bien mutilé Sébastien, syndicaliste Sud Rail, à la manifestation du 23 mars

jeudi 1er juin 2023.
 

Lors de ce rassemblement contre la réforme des retraites, un policier a lancé une grenade de désencerclement aux pieds du manifestant, selon les images de vidéosurveillance obtenues par l’IGPN. Sébastien N. a perdu son œil gauche.

Sébastien N., le syndicaliste de Sud Rail grièvement blessé à l’œil le 23 mars à Paris, a bien été touché par une grenade de désencerclement. Les images de la vidéosurveillance saisies par l’IGPN ont permis de le déterminer, a indiqué à Mediapart l’avocate du syndicaliste, Me Aïnoha Pascual.

Source : https://www.mediapart.fr/journal/fr...[HEBDO]-hebdo-20230520-102438&M_BT=1489664863989

Déjà entendu par l’IGPN le 21 avril, le syndicaliste a pu visionner les images de la caméra de vidéosurveillance, accompagné par son avocate, le 10 mai, dans les locaux de la police des polices.

Sébastien N. a déposé plainte, le 17 avril, pour « violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente aggravée, commises par une personne dépositaire de l’autorité publique, avec usage ou menace d’une arme », mais c’est dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte par le parquet après l’annonce des faits dans la presse que les investigations ont commencé. Les médecins ont annoncé à Sébastien la perte définitive de son œil gauche, une semaine après les faits.

Les images de huit caméras de surveillance de la ville de Paris ont été saisies et analysées. « Sur les images de la caméra 67171 que nous avons visionnées, on voit M. Sébastien N. déambuler les mains dans les poches, au moment où une colonne de policiers s’avance à droite du cortège, et c’est à cet instant qu’un membre des forces de l’ordre jette à la main une grenade identifiée comme une GENL [grenade à éclats non létaux – ndlr], une grenade désencerclante de nouvelle génération, dans la direction de Sébastien », explique Me Pascual à Mediapart.

Illustration 1Agrandir l’image : Illustration 1 Sébastien N., syndicaliste de Sud-Rail, blessé par un tir policier, durant la manifestation du 23 mars 2023, à Paris. © DR Les faits se sont produits vers 16 h 50, à hauteur du 15, boulevard Poissonnière, alors que le cortège de tête avait été coupé en deux par les forces de l’ordre, et que celles-ci s’approchaient de la première ligne des manifestant·es.

Lors de sa précédente audition, Sébastien N. avait remis une courte séquence vidéo, extraite d’un reportage de BFMTV au moment du tir, où l’on voyait déjà le syndicaliste à l’avant du cortège, qui observait autour de lui, s’incliner sous l’effet d’une explosion à ses pieds, mais sur ces images les forces de l’ordre n’étaient pas visibles.

À LIRE AUSSI Sébastien, syndicaliste, blessé en manifestation : « Ils m’ont flingué l’œil » 26 avril 2023 Ni Sébastien ni son fils Antoine, présent à ses côtés, n’ont d’ailleurs vu les policiers s’approcher. Le syndicaliste a senti « l’impact au niveau de l’œil » au moment de l’explosion. « Je sens que ça a tapé l’œil. Je comprends qu’ils m’ont flingué l’œil », avait précisé Sébastien à Mediapart. Mais le syndicaliste est pris en charge par son fils qui le porte et l’installe à l’écart, dans la cour d’un immeuble.

La caméra de surveillance a permis de déterminer que c’est le policier « en tête de la colonne » qui a envoyé la munition. « Sébastien est vraiment de dos au moment où il est touché par l’explosion », précise son avocate. Les images permettent de voir aussi un manifestant tirer des feux d’artifice sur le boulevard, mais à un endroit différent.

À ce stade, le fonctionnaire de police, lui, n’a pas encore été identifié, mais compte tenu des circonstances, son identification ne devrait pas être difficile, selon l’avocate.

L’IGPN a confirmé, lors du visionnage des vidéos, la nature de la grenade qui a touché le syndicaliste. En service depuis 2020, la GENL projette 18 projectiles en élastomère lors de son explosion à une vitesse de 95 m/s (et une force de projection de 36 joules à 1 mètre, avec un niveau sonore de 144 décibels). Comme l’avait souligné la fédération Sud Rail, il s’agit bien d’une munition classée de catégorie A2, « appartenant à la catégorie du matériel de guerre ».

« La perte de son œil par Sébastien N. ne relève pas d’un accident », avait indiqué Sud Rail dans un communiqué, dénonçant « une volonté assumée de dissuader par la peur » les manifestant·es « en marquant les chairs et les esprits ».

« Il incombe désormais aux enquêteurs de déterminer l’auteur du tir, et de l’entendre, lui et ses collègues », a expliqué Me Aïnoha Pascual. Après quoi, une information judiciaire devrait être ouverte.

Le 4 mai, le syndicaliste a été reçu par un médecin de l’unité médico-judiciaire qui, compte tenu de la gravité de ses blessures, n’a pas voulu fixer de durée d’incapacité du temps de travail (ITT), mais a recommandé une expertise. Sébastien souffre d’une double fracture, de la paroi médiale et du plancher de l’orbite gauche, et devrait subir une intervention chirurgicale pour redresser le plancher orbital et permettre la pose d’une prothèse.

Karl Laske


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message